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La vie est une succession de rencontres, de séparations et de retrouvailles ★Opale ★Gerhard | FINI :: Archives :: Bibliothèque des anciens RP :: Présent
Vynce Stanford
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Vynce Stanford
Ça devrait être interdit
des donuts aussi bons !
Lucent s’éveille doucement. La nuit est encore présente mais bientôt, elle laissera place à la lumière vive du jour. Le vent apporte encore quelques fraîches brises sur la ville, apportant quelques fines perles d’écume venant de la mer. L’arbre gigantesque dans lequel tu as l’habitude de te reposer fait bruisser ses feuilles au gré du vent, murmurant pour toi seul des mots doux pour te réveiller.

Il est l’heure. Tu as suffisamment dormi, profitant du repos absolu que peut t’offrir le coeur de ce vieux chêne. Mais te voir sortir si subitement du tronc peut en surprendre plus d’un. Alors avant que l’activité ne soit trop importante pour les diurnes, tu t’extirpes de l’écorce de ton compère pour t’étirer de tout ton long comme si tu cherchais à grandir un peu plus. Sur la pointe des pieds, les bras tendus vers le ciels, tu bailles aux corneilles. Tu redescends sur tes talons en lâchant un long soupir puis tu pars récupérer des changes chez toi pour aller en forêt faire ton entraînement quotidien. Puis, quand tu as terminé, tu te laves dans la rivière, ne craignant pas la fraîcheur de l’eau, au contraire, tu t’en accommodes très bien et préfères à l’eau chaude.

Vêtu de tes habits propres, tu redescends en ville pour récupérer le cadeau que tu comptes faire à Opale, mais tu ne viens pas qu’avec le germe que tu as commencé à faire pousser, non, tu pars acheter quelques donuts pour que vous puissiez prendre un petit déjeuner tous les deux. Tu te dis que lui préparer ça alors qu’il n’est probablement pas encore réveillé pourrait lui faire plaisir. Puis c’est l’occasion de prendre un peu de ses nouvelles également.

Alors c’est avec un large sourire plein d’entrain que tu te rends chez lui. Tu traverses les rues de la ville pour te rendre dans le manoir d’Opale. À chaque fois que tu y vas, une certaine nostalgie s’installe. Tu y as vécu pas mal de temps en tant qu’assistant auprès du médecin et tu y as fait beaucoup de choses pour aider ton ami à se sentir à son aise chez lui et surtout pour qu'il ne manque de rien malgré la perte de sa vue. Même si tu t’es émancipé de lui et que tu vis dans une petite maison à l’orée de la forêt, tu aimes revenir au manoir et passer du temps avec Opale pour discuter des nouveautés en ville ou sur l’île. Tu te souviens également de ces moments durs et intenses quand tu as cru avoir perdu tes racines avec les tiens, réalisant que la nature de l’île était coupée des autres forêts. Ça t’a fait mal, et chaque osmose est encore aujourd'hui une lutte mentale. Beaucoup moins qu’à ton arrivée, mais les plantes trouvent toujours une farce à te faire. C’était encore plus difficile quand tu as forcé le passage pour renouer avec ta forêt natale. Voir et comprendre qu’en dehors de l’île tout le monde s’entre-déchirait était encore plus douloureux à subir. Ça t’affecte encore aujourd'hui. Tu ignores combien de temps cette paix va perdurer.

Arrivant sur le porche, tu t’assures qu’Opale ne t’ai pas laissé un message quelconque via le code que vous avez entre vous. Mais il n’y a rien et c’est tant mieux. Ça te permettra d’entrer pour préparer le petit déjeuner comme ça. Tu glisses la clef dans la serrure et ouvre. Tu t’arrêtes cependant quand tes sens se mettent en alerte. D’un froncement de sourcils tu te fais soudainement plus discret et referme la porte sans un bruit. Tu ressens une présence étrangère, puis tu perçois du bruit venant de la cuisine. Tu te redresses alors et approche en silence et en évitant de faire le moins de bruit possible. La porte de la cuisine est grande ouverte et le bruit continue. Tu fais glisser une liane depuis ton pied pour percevoir la personne qui se trouve à l’intérieur. Un voleur ? Ici ? La porte était pourtant bien fermée et tu n’as pas remarqué de trace d’effraction. Tu passes la moitié de ta tête dans le cadre de porte pour y voir un homme en train de fouiller dans les placards. Il semble chercher de quoi manger probablement. Mais tu ne te poses pas plus de questions, ta liane vient s’enrouler autour de lui pour l’entraver et le plaquer sur la table de la cuisine. Tu entres, le pot dans ta main gauche, le sachet de donuts dans la droite et tu t’approches de l’homme ligoté sur la table.
“Bonjour vous ! Désolé pour cette petite intervention surprise, mais je préfère m’assurer que vous ne soyez pas en train de voler l’homme qui habite ici…” Tu esquisses un fin sourire, bien que tu restes relativement méfiant sur cette drôle de petite souris, tu n’as pas l’intention de lui faire de mal. Ton intervention l’a probablement surpris ceci-dit. Mais tu ne veux pas de problèmes et tu préfères assurer ton coup.
Une fois au niveau de sa tête tu l’observes. Mais tu ne l’as jamais vu celui-là. Maintenant que tu y penses, Opale t’avait parlé de son nouveau locataire. Tu en viens à te demander si ce n’est d’ailleurs pas lui et tu hausses les sourcils. “Je peux peut-être vous aider à trouver ce que vous cherchez ? Je ne crois pas qu’on se soit déjà vu.”
Tu attends une réponse de sa part, physique ou verbale avant de te décider de délier ton homologue. Ne sachant pas si ses intentions sont celles d’un voleur ou d’un simple pensionnaire.
@"Opale Caladrius" @"Gerhard Speckmann"
“”


Mar 12 Mar 2024 - 0:43
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Gerhard Speckmann
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Gerhard Speckmann
Leur baignade dans la mer avait délié quelque peu de la tension qui s'était installée ces dernières semaines dans le corps de Gerhard, et ce dernier redécouvrait les plaisirs d'une vie simple : se lever avec le soleil, trouver ses marques dans une maison qui était désormais la sienne, profiter de la vue exceptionnelle qui s'offrait à lui. Ce jour où il avait trempé dans cette eau fraîche, et contemplé le ciel à moitié immergé avait libéré quelque chose en lui, comme si la mer avait lavé toutes ses inquiétudes, du moins pour l'instant.

Oh, il ne se faisait pas d'illusions : tout cela reviendrait bien assez tôt, l'incertitude, les doutes ; et avec ça le souvenir qu'il venait avec un but bien précis, celui de trouver son père, d'obtenir des réponses que détenaient deux personnes, l'une d'entre elles six pieds sous terre, l'autre au destin inconnu.

Gerhard se drapait d'excuses : certaines personnes comptaient sur lui - il se voilait sûrement la face ; après tout Ezekiel n'avait pas tant besoin de lui, que lui avait besoin d'arracher ses secrets de sa petite moue provocatrice - et il avait envie d'un peu... Un peu de repos, un moment pour lui. Tout s'était enchaîné si rapidement, et si lentement à la fois : sa mère était morte, il avait plié bagage, il était arrivé sur Nitescence, il avait rencontré Opale, il avait rencontré d'autres Nébuleux, il avait rencontré un autre Nébuleux, il avait appris à nager ; un emploi du temps qui, étiré sur des semaines, pouvait ne paraître rien, mais qui le laissait pantois malgré tout. Car malgré ses occupations, Gerhard était conscient d'être sur la sellette : la Matriarche, cette figure aussi mystérieuse qu'inquiétante, n'avait toujours pas daigné se dévoiler à lui, et Gerhard marinait dans un inconnu qui mettait tous ses sens en exergue.


Plus que tout, c'était en apercevant un calendrier qu'Opale tenait avec grand souci, qu'il s'était rendu compte que sa mère était morte depuis un mois et demi. Ce n'était même pas une date fixe - un mois, ç'aurait été plus remarquable, deux encore davantage - mais pour une raison ou une autre, c'étaient ces deux minuscules semaines qui avaient retenu son attention et l'avaient plongé dans une mélancolie qui teintait les gestes de son quotidien. Détendu, et triste ; un combo étrange qui dictaient ses gestes, mais dans lequel Gerhard entendait bien ne pas se laisser enfermer. Il fallait rompre avec l'habitude avant qu'elle ne s'installe.

A son réveil, il avait papillonné des yeux quelques secondes. La vue de cette chambre désuette lui était désormais familière, assez pour que les rideaux tirés, les draps rugueux et le matelas mou le détendent entièrement et manquent de le mener de nouveau dans les bras de Morphée. Avec un bras par-dessus la couette, Gerhard contempla le plafond. Il fallait toujours quelques secondes à son cerveau pour se connecter au reste de son corps, prendre son environnement en compte et se rappeler qu'il était censé y vivre. La connexion avait sur lui l'effet d'un coup de jus qui le fit se redresser. Gerhard se passa une main dans ses cheveux de jais par automatisme, mais savait déjà qu'il lui faudrait plus que ça pour démêler les noeuds qui avaient réussi à se former dans sa tignasse pendant la nuit.


Il passa quelques minutes à errer dans sa chambre, tentant de déterminer si s'habiller valait le coup ; un coup d'oeil jeté à l'antique réveil qui trônait sur sa table de chevet lui informa cependant que l'heure n'était pas encore aux chemises et pantalons guindés. Ce n'était pas comme s'il avait quelque chose de prévu, également : il pouvait bien se permettre quelques heures en pyjama, le monde n'allait pas s'arrêter de tourner.

Nul bruit ne s'échappait de la chambre d'Opale. Le plancher du couloir craqua sous les pas que Gerhard prit, pieds recouverts par des chaussettes pour les abriter de la fraîcheur qui résidait dans le bois ; malgré tout Opale n'apparut pas. Gerhard s'immobilisa en haut des escaliers, tendit l'oreille. Il lui parut percevoir, des confins du rez-de-chaussée, le grattement d'une plume sur du papier, à moins que ce ne soit les murmures d'un homme qui se parlait tout seul : en un mot comme en cent, le Nébuleux travaillait, et Gerhard se trouvait de nouveau des allures de chômeur. Autant mettre son temps libre au service des autres ; armé d'une volonté nouvelle, Gerhard dévala les marches sans prendre la peine d'être particulièrement discret, et fit son chemin dans la cuisine.


C'était une partie de la maison qui lui échappait encore. Pour une raison ou une autre, son cerveau n'arrivait pas à imprimer où se trouvait quoi parmi les - trop - nombreux tiroirs et rangements de la pièce, et même avec toute la volonté du monde - faire un petit-déjeuner pour deux, quoiqu'au moment où Opale sortirait de son officine ce serait sûrement davantage un déjeuner - Gerhard se retrouva tout de même à ouvrir, farfouiller, soupirer lorsqu'il ne trouva pas ce qu'il cherchait. Comment une poêle, deux assiettes, deux tasses et des couverts pouvaient être aussi... discrets ? Ce n'était pas qu'il désespérait, mais au bout du troisième échec, Gerhard préféra rester en squat, considérant la brûlure qui s'installait dans ses cuisses comme un juste rappel qu'il était, quand il le voulait - et surtout quand il ne le voulait pas - un parfait idiot.

Il soupira. La brûlure se déplaçait dans ses jambes, ou plutôt, dans sa jambe droite ; distraitement, Gerhard se gratta la cheville, tentant de chasser les fourmillements qui s'y installaient progressivement. Ses doigts rencontrèrent quelque chose de solide. Il fronça les sourcils.


Avec un cri de surprise, il fut valdingué en l'air par— Il n'arrivait pas à le voir, quelque chose de verdâtre, quelque chose qui le plaquait, certes doucement, mais c'était un plaquage tout de même, contre la table sur laquelle il avait posé les deux cuillères qu'il était parvenu à dénicher. Le choc et le looping que son corps avait subi en atterrissant sur la table l'avaient étourdi. Sa tête lui tournait, et il cligna rapidement des yeux pour chasser les taches blanches qui envahissaient sa vision. Les cuillères lui rentraient douloureusement dans la colonne vertébrale.

Quand Gerhard revint totalement à lui, il était ligoté à la table, incapable de bouger si ce n'est le petit doigt, et un homme aux cheveux blonds et bruns et le contemplait depuis sa gauche, l'air sacrément satisfait de son coup.


- Bonjour vous ! dit-il d'une voix claire qui lui donna instantanément des envies de meurtre. Désolé pour cette petite intervention surprise, mais je préfère m’assurer que vous ne soyez pas en train de voler l’homme qui habite ici…


Gerhard ouvrit de gros yeux qui, il l'espérait, traduisaient toute l'indignité qu'il ressentait en cet instant là : cheveux en pétard, avec deux cuillères entre les côtes, et un pantalon de pyjama qui lui était autant remonté sur les mollets que descendu sur les fesses. L'air désinvolte de cet inconnu, avec dans une main un pot, dans l'autre un paquet qui dégoulinait de gras, précipitait milles insultes dans sa bouche, et aucune très distinguée. L'humiliation lui brûlait les joues.

- Je peux peut-être vous aider à trouver ce que vous cherchez ? Je ne crois pas qu’on se soit déjà vu.


Il ouvrit et ferma la bouche rapidement, les sourcils froncés, prêt à cracher son venin sur le benêt qui le maintenait plaqué contre cette table en bois vénérable, mais qui l'avait coincé dans une situation qui était loin de l'être, elle.

- Qui je suis ? dit-il finalement, refusant de penser que sa voix sonnait hystérique. Elle est bien bonne, celle-là ! Du hirnloser Blondschopf, c'est vous, l'intru ! Et comment est-ce que vous êtes rentré, d'abord ?


La réponse lui parvenait avant même qu'il ait fini de formuler sa réponse, sous la forme de cette porte qu'Opale gardait toujours ouverte, une habitude que Gerhard avait pris la peine de scrupuleusement respecter. Oh, comme il avait envie de se baffer désormais ! Il pouvait bien montrer les dents, crier et se débattre, au bout du compte c'était lui qui était ligoté dans la cuisine, et c'était l'autre qui le toisait de haut.
 

Gerhard serra les dents. Attends deux minutes que je me relève, pensa-t-il, on verra bien qui de nous deux est le plus grand ! Car comme d'habitude, quand il ne restait plus rien à Gerhard - ou en tout cas, rien qui ne lui permettait de lutter contre un dadais qui contrôlait visiblement une ou des plantes - , il se rabattait sur ce qu'il lui avait de plus remarquable : sa taille.

Il se battit inutilement contre les liens qui retenaient ses membres : rien ne bougea. En désespoir de cause, Gerhard rejeta autant la tête en arrière qu'il le pouvait et cria à plein poumons :

- OPALE ! Il y a un fou dans la cuisine ! Venez m'aider !


Il refusa de croiser le regard avenant de cet inconnu qui le scrutait sous toutes les coutures. Sympathique ou pas, il l'entravait toujours : c'était une première impression et une offense qu'il n'était certainement pas prêt d'oublier.
Mar 12 Mar 2024 - 17:06
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Opale Caladrius
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Opale Caladrius

La vie est pleine de rencontres

fortuites !

Feat Gerhard et Vynce



Clic clic. La pointe de sa plume tapotait contre l’ébène vernie de son bureau. Le bruit mat envoyait ses informations en picotement entre les doigts d’Opale. Le front contre le bois, le souffle lourd, il ne cessait de grommeler et pousser des longs soupirs. Il était ennuyé. Voilà une tâche qu’il repoussait depuis quelques jours maintenant, usant de l’excuse du nouvel arrivant pour ne pas s’y consacrer. Mais voilà, il n’avait pas pu fuir plus longtemps, il n’avait pas fermé l’œil de la nuit, éveillé par quelconques pensées. A 6h, il était là, dans ce bureau aux rideaux légèrement tirés, aux étagères trop poussiéreuses. Feuille blanche. Désespérément blanche !


Le médecin renifla et se décida à décoller son visage de la table qui avait dû y laisser une marque. Quelle heure était-il… ? Il plissa les yeux en tentant de distinguer l’horloge accrochée au mur blanc, décoré sobrement de quelques planches anatomiques dont il ne distinguait plus grand-chose. Rien à faire. Cette simple constatation le plongea dans une frustration froide et il lança vivement son stylo. Il la rata, bien évidemment. L’encre projeta une éclaboussure noire sur le mur et l’objet roula sur le parquet. Son visage se renfrogna et il prit une inspiration pour calmer son cœur.


Bien sûr. C’était ridicule. il n’avait aucune raison d’être d’aussi mauvaise humeur.


Ces derniers jours avaient été agréables. Ses patients adorables. Des rencontres impromptues. Un étrange rendez-vous au bar. La baignade et… Gerhard.  Il ne savait toujours pas quoi penser de ce mystère sur patte. Opale avait toujours rencontré des difficultés à se lier aux humains et il ne faisait pas exception à la règle. Pourtant, ce grand fantôme avait quelque chose de profondément touchant, qui attirait toutes les compassions. Vulnérable, était-ce le mot ? Il l’attendrissait. Peut-être commençait-il à l’apprécier. On n’était jamais réellement certain avec Opale. Il l’entendit se lever, les marches grincèrent lorsqu’il dévala les escaliers. Il songea avec un bref sourire que, tiens, il ne craignait plus de faire du bruit.


Le caladre tendit l’oreille avant de se dire que non, il devait bien se concentrer sur ce foutu rapport mensuel. Ce papier sur lequel serait résumé tout ce qu’il avait noté d’étrange chez ses patients. Bien qu’il n’ait jamais posé un pied dans une école de médecine, il comprenait l’idée du secret médical. Et les années passant, remplir ces quelques lignes jugeant possiblement le destin d’un habitant le mettait profondément mal à l’aise. Gerhard était là pour l’épauler à présent, il n’avait plus à supposer une quelconque psychologie pour laquelle il n’avait jamais été bon juge. D’ailleurs, que faisait-il… ? Il l’entendait farfouiller dans les étagères. Avait-il besoin d’aide ? Oh ! Préparait-il à manger ? Opale commença à se lever avant de se raviser. Non. Non non non. Il était en retard et… Et puis c’est tout. Il croisa les bras, campé sur sa position.


Les minutes passèrent, il ramassa sa plume et commença a écrire quelques mots. Sa concentration qui ne tenait déjà qu’à un fil fut brisée en entendant des éclats de voix soudain. Opale sursauta et la pointe de la rémige s’éclata contre la feuille. Il jura, mais n’eut pas vraiment le temps d’y penser plus, la voix de Gerhard le glaça. 
Un-UN FOU ?! 


Ni une ni deux, il bondit de son siège, attrapant le tisonnier froid qui était rangé prêt de la cheminée,. Il ouvrit violemment la porte en se précipitant dans le salon. Son cœur bataillait violemment et son sang n’avait fait qu’un tour. Son esprit tournait à mille à l'heure et il songea à l'arme qu'il avait rangé dans le 4ème tiroir de la commode à côté de la porte. Ou du fleuret dans le vase. Trop vite pour se rendre compte que ici, sur l'île, ce n'était sans doute pas très rationnel de penser à de pareils ennemis, mais il fallait être un peu prévoyant quand on avait des périodes disons... Paranoïaques. A l’entrée de la cuisine, il ne lui fallut que quelques instants pour comprendre la situation. Le manteau rouge si familier qui s’y tenait lui fit pousser un large soupir. En quelques pas, il rejoint son visiteur en se glissant dans son dos. Sur la pointe des pieds, il lui donna une légère tape à l’arrière de la tête.



-ALEXANDER VINCENT STANFORD, je vous prie de lâcher mon COLOCATAIRE tout de SUITE !


Sa voix était claire, sans appel. Peut-être faussement sévère, mélange à la fois de surprise et de soulagement. Avançant encore, il crut s’étouffer sur sa salive en constatant l’étendue des dégâts. Sa vue lui jouait parfois des tours mais là il lui semblait v..voir… Gerhard ligoté sur la TABLE A MANGER ?! Et pas dans la position la plus… Enfin… C’était un peu… Opale sentit le rouge lui monter aux joues.


-Putain.


Lâcha-t-il, complètement interloqué, les yeux comme des soucoupes volantes. Une insulte bien française qui lui avait échappé, lui habituellement si poli. Le visage contrit et humilié de son cher humain ne lui échappa pas, et il s’empressa à ses côtés, posant une main sur la sienne. L'autre n'avait pas lâché le tisonnier, à peine conscient de ce qu'il tenait, originellement pour se défendre. Ou attaquer. 



-Vynce ! Je suis sérieux !


S’il devait être honnête, il avait un peu envie de rire, mais il se contenait péniblement pour ne pas embarrasser plus Gerhard, préférant peindre sur son visage une expression très TRES sérieuse. Oh. Qu’on l’épargne. 

notes
Mar 12 Mar 2024 - 23:39
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Vynce Stanford
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Vynce Stanford
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des donuts aussi bons !
L’homme se débattait sur la table, essayant de bouger comme il pouvait, en vain. Tu l’avais relativement bien ligoté mais tu ne serrais pas pour autant. Ses mots fusèrent, puis tu perçus une autre langue. De l’allemand ? Ça en avait tout l’air en tout cas. Tu plissas les paupières, fronçant les sourcils en redressant la tête. Pas que la guerre t’ai laissé quelques traumatismes, mais c’est contre eux que tu aurais dû te battre il y a quarante ans si ton avion ne s’était pas crashé. Alors forcément ça te rend relativement méfiant. D’autant qu’à le voir bouger comme un asticot pour essayer de se libérer ça ne te mets pas forcément dans de bonnes conditions pour le relâcher. Mais probablement à tort car quand tu observes un peu plus celui que tu as harnaché à la table, il ne te semble pas plus agressif qu’un poussin sorti de l’oeuf. Vêtu d’un pyjama qui plus est. Non, ce n’est définitivement pas un voleur. Et, poli, tu réponds aussitôt à sa question.
“Je suis rentré par la porte en utilisant le double des clefs…”
Cependant, je n’ai pas le temps de m’excuser que son appel à l’aide me surprend.
Un fou ?
En plus d’avoir décelé une insulte dans ses mots allemands il me traite de fou ? Je prends un air surpris et relativement indigné avant d’entendre des pas précipités se diriger dans la cuisine puis, un soupir profond dans mon dos. Je sais déjà que c’est Opale qui vient d’arriver à la rescousse de cet homme mais je n’ai pas le temps de tourner la tête. La claque sur l’arrière de mon crâne n’est pas douloureuse mais juste assez surprenante pour que je baisse la tête et vienne frotter cet endroit de mes majeur, annulaire et auriculaire droits, tenant toujours le sachet de donuts du pouce et de l’index. Je grimace. Il semblerait que j’ai fait bêtise, chef. Ça n’arrive pas souvent mais il ne faut pas croire, j’en ai fait quelques-unes des boulettes en arrivant ici.

Voilà qu'il prononce mon nom complet. Mon coeur se serre à cette appellation. Il ne m’appelle jamais par mon nom complet habituellement. Il va vraiment me houspiller, là. Je dirige un regard surpris et désolé sur Opale qui passe dans mon champ de vision pour voir l’étendue des… dégâts, ou plutôt comment est ficelé son colocataire sur la table. Lorsqu'il m’implore de nouveau de le relâcher, je me reprends bien assez vite en gardant ma main à l’arrière de ma tête et esquissant une mine contrite.

“Ah ! Oui, pardon… Vraiment désolé ! Je me disais bien aussi… j’ai été un peu trop méfiant…”
Oui, bon… Un voleur en pyjama ce n’est pas très sérieux. Ou alors c’est un challenge… Bref ! Passons. Ma liane se détend et libère ce pauvre homme avant de se rétracter jusqu'à moi.
Je laisse bien évidemment Opale aider son colocataire à se redresser. Préférant ne pas intervenir pour éviter un rejet de ce dernier au détriment d’une aide supplémentaire. J'ai une petite mine contrite et gênée par la situation. Je pose mon barda sur le plan de travail près de moi et me tourne vers le colocataire, joignant les deux mains en prière devant mon visage en inclinant légèrement le buste avec humilité. La situation est relativement cocasse et je peux comprendre que l’un comme l’autre sont gênés. Ça se voit sur leur visage et je ne suis pas beaucoup mieux dans mon cas.

“Colocataire d’Opale, mes plus plates excuses pour vous avoir pris pour un voleur. J’ai réagis trop vite et n’ai pas été suffisamment attentif pour voir que vous étiez en tenue de nuit.”
Je suis beaucoup trop tendu ces derniers temps. Entre la nature qui m’envoie des signaux de mise en garde envers de nouveaux arrivants que je ne comprends pas toujours et ce sentiment d’alerte qui ne fait que s’accroître de jour en jour en moi. Je ne suis pas très à l’aise et j’ai tendance à redoubler un peu trop de vigilance. Je redresse la tête, encore plus contrit.

“En plus j’aurais dû me douter que vous étiez le nouveau colocataire, Opale m’a parlé de vous, my bad ! Je suis, comme l’a nommé Opale plus tôt, Vynce Stanford, un des gardiens de l’île. Vraiment navré pour cette attaque surprise malencontreuse.”
Tu te confonds dans de plates excuses absolument mal à l’aise. Si bien que tu récupères le pot et le sachet de donuts avec un sourire désolé. Tu te tournes vers Opale avec une très forte envie de lui fourrer tout ça dans les bras et filer fissa faire tes rondes pour te détendre et faire passer ce mal être.
“Je me suis dit qu’un petit déjeuner avec des donuts et un petit cadeau vous ferait plaisir. J’ai fait une bouture de Lotus Tetragonolobus, sinon Lotier pourpre. La fleur, les jeunes gousses et les graines se mangent.”
Tu te mords la lèvre inférieure, hésitant tel un enfant à tendre tes effets de peur qu'il les rejette. Tu tends au moins le pot en direction d’Opale pour qu’il le récupère, la jeune pousse a déjà un bourgeon qui ne devrait pas tarder à éclore. En général c’est une floraison en intérieur de mars à avril ou en extérieur de mai à juin. C’est une plante facile d’entretien et qui ne demande pas beaucoup d’eau qui plus est. Mais tu attends tout de même une réaction de la part des deux hommes avant de te lancer à plus d’explications. Ou pas… tu as envie de te faire toute petite graine et rentrer dans la terre pour germer au printemps prochain.

@"Opale Caladrius" @"Gerhard Speckmann"
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Mer 13 Mar 2024 - 20:27
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Gerhard Speckmann
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Gerhard Speckmann
Gerhard pouvait bien reconnaître à Opale une certaine vitesse : quelques secondes après son appel à l'aide, des bruits de pas précipités s'étaient fait entendre des confins de la maison, le docteur accourant à sa rescousse en faisant fi du danger dans lequel Gerhard l'avait attiré. C'était quelque peu flatteur, mais sûrement pas personnel : un timbré qui le tenait ligoté à une table était un danger pour eux tous, et pas seulement pour sa pomme.

Or, Opale n'avait pas attaqué. S'il avait un tisonnier serré dans une poigne de fer, il ne l'avait pas levé pour en frapper l'inconnu qui avait décidé de faire de lui sa victime journalière. Confus, Gerhard avait vu le visage du médecin se fendre d'un sourire soulagé ; et donner au blondinet un tachon dont la claque avait manqué de résonner dans la cuisine. Ils se connaissaient donc, et Gerhard n'avait pu s'empêcher de les regarder, une part de lui suspicieuse, l'autre étrangement meurtrie à l'idée que le monde extérieur ne s'invite aussi violemment dans ce manoir coupé de Lucent.



Au moins Gerhard pouvait-il trouver quelque réconfort dans la manière dont Opale se précipita à ses côtés, abandonnant celui qui était apparemment son ami derrière lui. Quelque chose en lui, qu'il ne voulait pas considérer de trop près, en ronronna de satisfaction.

Puis il s'aperçut que les lèvres d'Opale frémissaient, comme si luttant contre un sourire, et franchement il ne fallait pas être un génie pour deviner que le Nébuleux se serait payé sa tête si seulement il n'avait pas été aussi prévenant. Le maigre contentement qu'il avait pu ressentir fondit comme neige au soleil, et il ne resta en Gerhard qu'une colère sourde qui se mit à bouillonner dans son ventre, menaçant de se déverser hors de sa gorge si seulement on lui en donnait la moindre opportunité. La plus petite suffirait ; ligoté à une table, dindon de la farce pour ces deux hommes qui apparemment s'amusaient très bien avec lui au milieu, Gerhard pensait qu'il n'avait pas ressenti pareille humiliation depuis qu'il avait dégringolé les escaliers de son université sur le temps de midi, envoyant valser manuels et cahiers devant une assistance médusée composée d'environ le trois quart du corps estudantin.



- Ah ! Oui, pardon… Vraiment désolé ! Je me disais bien aussi… j’ai été un peu trop méfiant…



Gerhard observa le dénommé Vynce se frotter la tête d'un air désolé, à la manière d'un petit enfant attrapé avec la main dans la jarre à cookies, et se mit à détester instantanément le prénom autant que l'homme. Les lianes dessérèrent leurs prises autour de ses articulations et il étouffa le soufflement qui manqua de lui échapper. Elles avaient manqué de couper sa circulation sanguine ; il se les agita pour la remettre en route, acceptant l'aide d'Opale pour se redresser à contre-coeur. Des mains qu'il avait pris l'habitude de considérer comme douces, mais que maintenant il ne voyait que comme traîtres, maintenaient son dos en le guidant dans une position assises.

Les cuillères tintèrent contre la table en bois dans un retentissant bruit de métal. Gerhard avait envie de les prendre et de se déterrer les globes oculaires avec. Tout pour ne pas voir ces deux huluberlus, un à sa droite, l'autre à sa gauche, leurs moues désolées et leurs sourires à peine voilées. Gerhard avait été habitué à l'humiliation, par les autres enfants à l'école, et par diverses situations dans lesquelles la vie l'avait poussé sans ménagement ; mais il croyait bien que celle-ci dépassait toutes les autres, et si le sol aurait pu s'ouvrir sous ses pieds et l'avaler tout entier, il en aurait embrassé la terre de bonheur.

Rien de tout cela, malheureusement ; à la place, Gerhard fut forcé de regarder en direction de Vynce, qui s'était légèrement incliné en signe de déférence. Il voyait le haut de son crâne, un peu de sa nuque ; imaginer ses doigts la lui écraser lui procura une satisfaction sombre qu'il ne voulait pas analyser de trop près.


- Colocataire d’Opale, mes plus plates excuses pour vous avoir pris pour un voleur. J’ai réagis trop vite et n’ai pas été suffisamment attentif pour voir que vous étiez en tenue de nuit.




Il leva un sourcil impérieux. Ah oui, le pyjama. Plus de peur que de mal de ce côté-là. Gerhard se frotta le poignet distraitement, et la sensation de la peau contre sa paume suspendit net tous ses mouvements.


Pyjama. Manches courtes. Il était en manches courtes devant Opale et un parfait inconnu. Son dos explosa en une myriade de fourmillements qui le firent se ployer sur lui-même ; en désespoir de cause, ses mains agrippèrent ses bras, tentant d'en cacher la maigreur, sans grand succès : il était exposé, à la vue de tous, et s'il ne s'en serait pas formalisé dans d'autres circonstances, sa tenue ajoutait désormais davantage à son humiliation.


Humain, à la merci de ces deux personnes, et mis hors d'état de nuire aussi facilement que s'il avait été un veau nouveau-né.


Il serra les dents, fixant résolument ses yeux sur le sol. Oh, c'était un très beau sol (non), à n'en point douter. Il aurait pu y mettre le feu à la seule intensité de son regard. C'était ça, ou donner un nom à cette couleur rouge certainement très intéressante qui devait teinter ses joues pâles.






- En plus j’aurais dû me douter que vous étiez le nouveau colocataire, Opale m’a parlé de vous, my bad ! Je suis, comme l’a nommé Opale plus tôt, Vynce Stanford, un des gardiens de l’île. Vraiment navré pour cette attaque surprise malencontreuse.





Un des gardiens. Anglais parfait, avec un accent qui ne venait pas d'outre-Manche. Un Américain. Il y avait quelque blague à faire là-dessus ; Gerhard aurait pu ressortir un de ses vieux cours d'histoire, ironiser sur la capacité de Vynce d'agir avant de réfléchir, Typique de votre pays, n'est-ce-pas ? D'ailleurs, comment se passe la guerre ces derniers temps ?



Mais Gerhard s'était enfermé dans un mutisme persistant qu'il refusait de briser pour ce type. Oh oui, il supposait que lui aussi était désolé, considérant que c'était lui qui avait fini ligoté à une table. Bon Dieu, comment était-il censé y manger de nouveau ? Gerhard fixerait le bois et ne verrait que l'imperceptible empreinte laissée par ses fesses ; ou bien il se souviendrait des deux hommes, qui d'hilares étaient devenus moqueurs dans son esprit, et l'appétit lui serait coupé aussi sûrement qu'une mauvaise pousse d'un jardin.


Délaissant sa récente victime comme si tout était pardonné, Vynce tendit un bras vers Opale. Gerhard ne cacha pas le tressaillement qui le traversa : s'il refusait de regarder l'un ou l'autre des Nébuleux, il aperçut dans le coin de sa vision un bout de plante, un morceau de pot, de la terre humide. Il n'était pas certain qu'Opale ait lâché son tisonnier depuis qu'il avait déboulé en trombe dans la cuisine, et si le médecin avait cessé de le soutenir, Gerhard savait sa main pas si éloignée de lui, posée à plat sur la table comme pour l'empêcher de tomber en avant.


- Je me suis dit qu’un petit déjeuner avec des donuts et un petit cadeau vous ferait plaisir. J’ai fait une bouture de Lotus Tetragonolobus, sinon Lotier pourpre. La fleur, les jeunes gousses et les graines se mangent.



Il frottait tant ses dents entre elles qu'il pensait presque qu'en tendant l'oreille, les autres pourraient entendre l'émail se désagréger. Un genou contre son torse, l'autre jambe tendue au-devant de lui, le pied pendant dans le vide ; replié sur lui-même, avec des mains tremblantes, Gerhard avait envie d'hurler sur l'un, d'hurler sur l'autre, de courir hors de la maison et de se jeter dans la mer. Il pouvait entendre les vagues : le vent s'était levé, les flots grondaient, à la manière de cette colère sourde qui lui battait aux tempes. Connaissant sa chance, il survivrait ; la perspective, en cet instant, n'était pas très réjouissante.


- Ne me laissez pas vous interrompre, grinça-t-il en repoussant sans ménagement le bras que Vynce avait passé devant lui pour donner à Opale sa foutue plante. Il effaça de son visage le sourire mauvais qui menaça de prendre possession de ses lèvres quand il constata que le médecin n'avait pas eu le temps de s'en saisir. Je vous laisse à vos charmantes retrouvailles, le temps de m'habiller autrement que comme un clown.



Il bondit au bas de la table avant que l'un des deux ne puisse aligner un mot, et battit des records de vitesse en gravissant les marches de l'escalier quatre par quatre. A l'aller il n'avait pas pris la peine d'être discret par confort ; à ce retour tonitruant, c'était par simple hâte de s'éloigner de cette cuisine à l'atmosphère devenue soudainement étouffante.


Gerhard claqua la porte de sa chambre. La possibilité d'entendre une seule bribe de conversation, un seul rire, lui était insupportable. Rageusement, il ouvrit la porte de son— du placard, ce n'était pas le sien après tout, c'était celui qu'Opale lui prêtait— comment ça, Vynce avait une clé ? Il n'avait pas de clé, lui— Il ouvrit la porte du placard, sortit une chemise aux manches bouffantes, un pull sans manche, un pantalon noir. Ce fut en s'affalant sur le lit que Gerhard remarqua qu'il avait négligé de mettre des chaussures, qu'il s'était baladé pieds nus tout du long, et que la plante de ces derniers était désormais écarlate de froid. Ses chevilles avaient été rendues rouges par les lianes qui les avaient encerclé.


Tremblotant, Gerhard enfila des chaussettes hautes aussi noires que ses cheveux. Le reste des vêtements suivirent ; ce ne fut qu'une fois ses bras couverts, encerclés par un tissu opaque, qu'il s'efforça de respirer un peu mieux. Une fois son corps isolé du monde, Gerhard avait tendance à en retrouver le contrôle plus facilement.


Il se remémora les exercices qu'il avait maintes et maintes fois répétés à ses patients, et passa les quelques minutes qui suivirent à respirer doucement, ignorant son coeur battant et ses pensées folles pour se focaliser sur cette rage qui brûlait dans son estomac. Un brasier ne pouvait vivre sans air, et s'il n'était pas question de l'étouffer, en contrôlant ses inspirations il parvenait à l'amenuiser pour qu'il ne soit plus qu'un tas de cendres, certes chaudes mais maîtrisables.


La main sur le coeur, Gerhard lâcha une dernière expiration profonde et rouvrit les yeux sur la pièce dans laquelle il s'était établi, en reconnut les murs et les meubles, le bazar résiduel qui s'installait dans chaque endroit qu'il visitait. Un pic de douleur lui traversa le front et il grimaça. Une migraine, maintenant ? Pile au bon moment, comme toujours. Il n'était pas étonné, seulement résigné ; une phrase qui résumait bien les derniers jours qu'il avait passé ici, au final.



Décidé à ne pas passer les prochaines heures cloîtré, Américain écervelé ou non, Gerhard poussa doucement la porte de la chambre et passa un nez dans le couloir. Des voix étouffées lui parvinrent depuis la cuisine. Il plissa le nez, fronça les sourcils ; la douleur lancinante qui s'étendit dans son front à ce mouvement le persuada de détendre les muscles de son visage en une moue stoïque qui ne seyait guère à son humeur, mais que pouvait-il y faire ?


Gerhard songea, avec un humour que même lui trouva limité, que cet escalier l'avait plus vu passer en une heure qu'en une semaine. Il grimaça. Ce n'était pas drôle du tout, même. Il posa ses talons précautionneusement, silencieux au possible ; les voix en contrebas se définirent jusqu'à ce qu'il puisse en distinguer les différents accents et tons, jusqu'à ce qu'il puisse reconnaître le connu et le perturbateur. S'il s'écoutait, il serait resté en haut, mais il ne pouvait décemment pas passer pour un petit enfant en train de faire un caprice, quand bien même l'envie ne lui manquait pas.


- Entschuldigung, dit-il en réapparaissant, arrangeant un bouton au poignet de sa chemise, satisfait de constater que le tissu couvrait bien le moindre de ses maigres membres. Sa langue maternelle, également, lui apportait un réconfort qu'il s'offrait avec grand plaisir. Désolé. Me voici un peu plus présentable.



Avec un sourire sans aucune joie, Gerhard se tourna vers Opale et dit, voix dégoulinante d'une minauderie qui, en temps normal, l'aurait fait vomir :

- Je voulais nous préparer un petit-déjeuner avant l'arrivée de... Vynce, mais si monsieur Stanford vous a ramené de quoi manger, j'imagine que ce n'est plus nécessaire.


Les cuillères avaient disparu de la table. Charmant. C'était au moins une consolation, si ce n'est une assez maigre.

Il apparut à Gerhard, en un flash, qu'il n'avait jamais offert son prénom au nouveau Nébuleux qui avait débarqué dans sa vie. Avec un regard flegmatique, teinté d'un certain mépris que Gerhard lui offrait fort volontier, il le dévisagea de la tête aux pieds. Satisfait de constater que, oui, il était plus grand. Peut-être le plus fragile, celui avec l'espérance de vie d'une mouche, mais grand, il prenait ses victoires où il les trouvait. Il n'avait pas donné son nom, et il ne faudrait pas compter sur lui pour le faire. Certaines choses devaient rester secrètes : être plaqué et ligoté à une table, par exemple, ou son prénom. L'une d'entre elles lui était connue ; ne lui restait que l'autre, et ça il le gardait pour lui. Au moins avait-il ce réconfort.
Dim 17 Mar 2024 - 0:19
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Opale Caladrius
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Opale Caladrius

La vie est pleine de rencontres

fortuites !

Feat Gerhard et Vynce



Merde.
Il avait merdé, a plus d’un niveau. La colère, d’abord, l’avait frappée avec force au moment ou il posa sa main sur la sienne. La simple barrière de sa peau n’avait pas suffi et il n’avait pas été prévenant, le sentiment violent était une vague s’éclatant contre ses os. Le souffle coupé, Opale avait fermé les yeux. L’émoi brutal de Gerhard l’avait traversé. Il menaçait à présent de déborder de lui-même, le bassin trop emplit de sa propre tempête.

Traitre.

Le mot apparaissait clairement dans le flou de son regard, bien imprimé dans sa propre rétine. Traitre… ? L’était-il ? Il ne s’était pas moqué. Mais il avait eu… Peur. La nervosité l’avait fait sourire, peut-être, il n’en était même plus sûr. S’il était vraiment sincère, peut-être y avait-il eu de la moquerie dans cette situation si étrange. Il sentait Gerhard comme un animal blessé, prêt à mordre. C’était le mot, la nervosité qui le tendait tout entier, comme un fil prêt à casser ou un orage à exploser, Opale sentit grandir en lui une forme de crainte. Le cœur battant, il entendait à peine ce que disait Vynce. Ça le mortifiait. Il ne comprenait pas où était le mal, d’où venait toute cette haine qui continuait de couler comme un flot ininterrompu contre lui.

En LUI. Il le lâcha et son poing se serra, le regard assombri et les lèvres pincées. Dans le bruissement des vêtements, il sentit que le draède s’était incliné en ne cessant les excuses. La brutalité des pensées de l’humain franchit les dernières barrières d’Opale qui eu envie de hurler. Il avait compris Gerhard instable, dès leur première rencontre en réalité. Mais l’idée même qu’il puisse s’en prendre à l’un de ses amis les plus chers fit ressurgir en lui des choses qu’il aurait préféré laisser enterrées. Bien profond. Le bout de son doigt serrait le tisonnier, sa main suait tout contre. Il laissait la rouille s’imprimer sur sa paume et il savait que des heures plus tard il sentirait toujours l’odeur de métal, bien trop familière.

Le silence était pesant, seul Vynce parlait encore. Opale ne lui en voulait pas. Il avait eu le reflexe que lui-même aurait peut-être eu. Bon, les lianes en moins. Gerhard aurait du le comprendre, les nébuleux de l’île étaient des créatures marquées qui n’avaient pas toujours des réactions… Humaines aux choses. Mais non. Il ne le tolérait pas. Pourquoi… ? Le médecin avait reculé d’un pas en le sentant trembler, de toute sa rage et son humiliation. Il ne sait pas ce qu’il aurait pu lui souffler pour l’apaiser, surement pas grand-chose. Avec amertume, il sembla à Opale que tout le semblant de confiance qui commençait à s’établir entre eux s’était effacée à coup de rage. Comme un chat errant à qui on aurait donné un grand coup, il semblerait que tout ce qu’Opale essayait de construire ne tenait bien qu’à ça. Une limite tenue, fine, éclatée à la moindre inconvenance.

Vynce tendit la plante, il le sentait tout aussi gêné et confus que lui mais alors qu’il ouvrait la bouche pour lui répondre, Gerhard passa entre eux en écartant le bras de son ami. Opale resta là, interdit, l'entendant s’enfuir comme une ombre à l’étage. Il se boucha les oreilles en entendant le claquement de la porte fendre l’air. Et… Voilà. Tout s’était envolé. La colère. Envolée. Ou presque. Elle ne venait pas de lui alors, il en était certain. Subsistait la confusion et un agacement profond.

Il le savait, que ce ne serait pas facile de cohabiter avec un humain mais… La différence de pouvoir l’effrayait-elle autant ? Ou alors, y avait-il autre chose ? Un long soupir le traversa et ses bras retombèrent le long de son corps. Il leva les yeux vers Vynce, absolument désolé. En quarante ans d’amitié, jamais il n’avait été accueilli de la sorte. Tous ces sentiments lui avaient fait du mal, physiquement. Ils ne venaient pas de lui, mais comme le bois reposant sous un pot fendu, il était poreux. Et ce qu’il venait d’encaisser le laissait meurtri. Il avait l’habitude pourtant, habituellement il parvenait à s’y préparer. Aussi, ce n’était presque jamais dirigé contre lui. Il s’en voulait et d’un même temps, un profond malaise lui serrait le cœur.

-Oh, Vynce.

Murmura-t-il, percevant sa gêne. Pas besoin d'être un empathe pour ça. Enfin, il lâcha le tisonnier qu’il laissa reposer contre un mur. Il s’avança vers lui de quelques pas et se saisit du pot en le posant délicatement sur la table, lieu du « drame », si c’était de ça dont il s’agissait réellement. Il fixa un instant ses mains, serrées sur la surface lisse, tentant de distinguer la bouture dans le flou de son regard. Opale renifla, se retourna vers lui avec une légère hésitation. Finalement il s’avança en écartant les bras pour se glisser dans les siens dans une étreinte. La chaleur de son corps, l’odeur familière et ses bras rassurants le soulagèrent immédiatement.

-Allez, arrête de t’excuser, je ne vais pas te gronder plus que ça. Vous arriverez à mieux vous expliquer, j'en suis certain. Ok ?

Sourit-il faiblement, le visage contre sa veste. Il ne savait pas comment se positionner, quel parti prendre, mais en l’instant il était infiniment soulagé de le voir. Il resta comme ça quelques instants, pour se calmer avant de reculer.

-Ne t’en vas pas, reste encore un peu... S'il te plait. Oh, viens, installe-toi, je vais faire du thé. Oh, alors, parle moi de cette bouture, de quoi a-t-elle besoin ? Saluuut toi ! Comme elle est jolie ! Alors, comment je vais t'appeler... Tu as une idée de nom ?

Il se sentait encore ébranlé, mais il feignit l’enthousiasme en se penchant en dessus du pot, effleurant du bout de ses doigts tremblants la petite feuille vaillante qui dépassait du terreau humide aux senteurs de Petrichor. La présence de Vynce avait toujours eu le don de l'apaiser, déjà parce qu'elle était familière et qu'il était assez expressif pour pouvoir le comprendre. Alors il était heureux de le voir, malgré sa bourde. Avant que la conversation ne puisse continuer plus que cela, la silhouette sombre de Gerhard apparue dans l’encadrement de la porte de la cuisine. Opale sursauta légèrement en le voyant revenir, il l’observa s’avancer avant de se tourner immédiatement pour s’occuper de la bouilloire.

Bon sang.
L’air était si électrique qu’il aurait pu faire des étincelles. La boule dans son ventre ne cessait de grandir et il y posa une main, légèrement penché vers l’avant au-dessus de la gazinière en tentant tant bien que mal d’élever ses barrières. Une à une. Dou…cement. Tout sembla s’effondrer de nouveau en entendant les paroles doucereuses de Gerhard.

-C’est quoi ton…

Problème. Ça lui avait échappé. Ou du moins, ce n’était pas loin. Mais il inspira par le nez en relevant la tête, se passant une main dans les cheveux en affichant un joli sourire. Mais mince, il n’allait pas se présenter ? Opale refusait de le faire, la dernière fois qu’il avait prit les devants, Gerhard n’avait semblé que trop mal à l’aise de son initiative. Alors il se contenta de s’appuyer sur le plan de travail, les bras croisés et le regard fixé dans le vide, de légères foudres dans les yeux. Oui, c’était officiel. Il avait réussi à le mettre en colère. Mais la patience d’un saint, c’était une belle vertu qu’il entretenait. C’était sans compter le petit tic nerveux qui lui tordait l’estomac et agitait son genou. La bouilloire sifflait dans son dos.


-Tu as tout à fait raison, Gerhard. Un peu de sucre nous fera du bien, après tant d’émotions. Café ? Thé ? Jus ?


notes
Dim 24 Mar 2024 - 1:48
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Vynce Stanford
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Vynce Stanford
Ça devrait être interdit
des donuts aussi bons !
-Ne me laissez pas vous interrompre…
Ton bras tendu en direction d'Opale est repoussé par l’homme qui descend de la table. Le geste est sec mais tu ramènes ton bras contre toi pour lui laisser le passage. Suivant l’homme du regard alors qu'il sort rapidement de la pièce pour rejoindre sa chambre. Dos tourné à Opale, tu regardes l’encadrement de porte vide en écoutant les pas dans l’escalier.
Merde !
Tu l’as sacrément vexé ce petit gars ! Son égo en a pris pour son grade. Ça te met mal et tu te tournes vers ton ami avec une mine désolée, serrant entre tes doigts le pot qui contient la petite pousse de lotus pourpre. Balbutiant en regardant ce dernier.
“Je voulais pas… désolé Opale.”
Comment mettre tout le monde dans l’embarras en un quart de seconde… je suis vraiment un boulet des fois.
Mon regard glisse sur l’arme de fortune qu’Opale avait dû prendre pour se défendre contre le fou que je suis, ne pensant probablement pas que c’était de moi qu'il s’agissait lorsque son colocataire l’a appelé à l’aide. Mon ami s’avance vers moi pour prendre le pot entre ses mains. Naturellement je relâche ma prise mais je ne peux m’empêcher de suivre le chemin de ce dernier jusqu'à la table. Constatant qu'il s’y trouve deux cuillères.
Bon sang le pauvre bougre était juste en train de préparer un petit déjeuner et moi sans réfléchir je l’agresse en pensant que c’est un voleur…
Je soupire en fermant les yeux. Sidéré par ma stupidité.
Les bras d’Opale m’enlacent, dans sa douceur je me relâche un peu et étend mes bras pour l’enserrer des miens en retour. Ma tête s’abaisse pour venir caler mon front contre le sien. Je garde les yeux fermés pour apprécier le contact qu'il m’offre et tenter de m’apaiser afin d'enfouir mes émotions profondément en moi pour ne pas qu’elles atteignent de trop mon ami. Ce doit être encore plus difficile pour lui qui est empathe, si en plus de sentir celle frustrée et probablement en colère de son colocataire il se prend les miens en pleine face, il risque de rapidement lâcher les soupapes. Et je ne veux pas qu'il déjante à cause de moi.

Ma main s’attarde sur son dos dans une caresse solennelle. Reconnaissant de son geste. Pas certain qu’avec ce que j’ai fait à cet homme il veuille réellement m’écouter plus que ça mais pour Opale je ferais ce qu'il faut pour qu'il n’en pâtisse pas. Je rouvre les yeux en hochant la tête, silencieux, laissant mon vieil ami se reculer un peu de mon étreinte pour me fixer.

Sa vue semble en avoir encore pris un coup. Je plisse légèrement les paupières en voyant son regard céruléen presque livide. Mon coeur se serre rien qu’à l’idée de savoir que je ne peux rien faire pour soulager sa vue, ou même la soigner. Le voir aller peu à peu vers la cécité me noue l’estomac. Est-ce que ce colocataire, il a dû le soigner avec son pouvoir lui aussi ? Je baisse les bras le long de mon corps, serrant le poing droit tandis qu’il me demande de rester. C’est bien ce que je compte faire même si l’envie de retourner dans le vieux chêne et m’y terrer pour la journée est très tentante. Je coule mon regard vers le tisonnier contre le mur puis dans la direction de la plante en pot que j'ai ramené à mon ami. Opale sourit et s’adresse à la pousse pour tenter de détendre un peu l’atmosphère.

Mais je vois bien qu'il est tendu. Son visage est crispé malgré cet engouement qu'il essaye de montrer, sa main tremble quand elle approche de la plante pour caresser la feuille. Est-ce qu'il a eu peur ? Peur de devoir se défendre contre quelqu'un de vraiment dangereux ? Ou est-ce le mélange de nos émotions mutuelles à son colocataire et moi-même qui l’a rendu aussi tendu ? Je plisse les paupières et pince les lippes en venant poser ma main gauche sur celle d’Opale. Mon pouce résineux glissant sur le dos de sa dextre pour avoir son attention. Une fois qu’il a le regard rivé sur moi, je lui souris tendrement et resserre doucement mes doigts sur sa main.

“Elle n'a pas besoin de beaucoup d'eau pour vivre tant qu'il n'y a pas de forte chaleur et veut qu'on l’appelle Loethar. C’est un hermaphrodite... Je vais vous aider à préparer le petit déjeuner…”
Tu relâches sa main, récupérant les cuillères sur la table pour les nettoyer dans l’évier, si elles étaient sous les fesses du colocataire ce n’est plus franchement très propre. Enfin pas que l'Allemand ait le cul sale mais quand tu repenses à cette foutue guerre contre eux, ça te fait tressaillir la paupière droite brièvement. Cette notion d'hygiène est assez humaine pour le coup mais vous avez chacun pris des habitudes en vivant ensemble quelque temps Opale et toi. Tu sais donc où trouver les couverts et les tasses. Puis tu récupères un bol pour y mettre quelques donuts que tu mets de côté le temps de préparer le café ou le thé.

En fait, tu te ferais bien un café histoire de te rebooster un peu et te revigorer. Tu attrapes donc la cafetière, les grains et la broyeuse pendant que le colocataire revient. Détournant la tête dans sa direction quand il s’adresse à vous, vêtu d’une tenue plus adaptée. En fait, qu'il soit resté en pyjama ne t’aurait absolument pas dérangé, mais s’il estimait qu'il n’était pas à son aise ainsi, tu n’allais certainement pas le blâmer. Il y a plus grave dans la vie…

Il faut croire que nous avions eu tous deux l’idée de préparer un petit déjeuner pour Opale ce matin. Ça me navre de l’avoir embarrassé dans ses fouilles -archéologiques- pour trouver de quoi faire ce qu'il faut. Seulement je me détourne pour m’occuper du café pendant qu’Opale fait chauffer l’eau. Je ne cherche pas non plus à me faire un ennemi et je pense m’être suffisamment excusé auprès de ce dernier qui plus est. Je penche le menton pour regarder par-dessus mon épaule le colocataire grincheux qui ne semble toujours pas être redescendu. Vu les regards électriques qu’il me lance, c'en est relativement désagréable.

Pourtant je sens que ce n’est pas moi que ça affecte le plus, j'esquisse un regard en biais vers Opale. Ce dernier se tenant légèrement au-dessus de la gazinière, une main sur l’abdomen. Même moi je sens que l’atmosphère est lourde, par ma faute, c’est un fait, mais j’ai mis de côté ma fierté pour m’excuser, excuse qui ne semble pas avoir été acceptée de la part du Colocataire. Alors j’essaie quand même d’avoir une mine moins désolée et contrite, jetant un regard vers le brun pour esquisser un sourire rassurant, bien que très bref.

M’apprêtant à lui répondre quand c’est Opale qui se tourne vers lui, me surprenant dans son geste vif, mais également la façon dont il s’adresse à son colocataire. Il ne termine pas sa phrase, mais voir ses traits fendus par la colère l’espace d’un bref instant ne me rassure pas. Opale qui perd patience et se met en colère, c’est aussi rare que me voir en colère, en fait. J’ai un petit hoquet en me tournant vers lui, cherchant à savoir ce qu'il a cherché à dire, un sourire gêné par la situation, je jongle entre mon vieil ami et le brun. Le Caladre se reprend bien vite et chasse ses traits tirés pour adoucir son visage. Un enchaînement de regards entre eux, je tente de détendre un peu l’atmosphère.

“On peut également préparer autre chose si vous n’aimez pas les donuts. Tout le monde ne mange pas de sucré au petit déjeuner. Je pars sur le café, un café pour vous aussi ?”
Arborant un large sourire nerveux, tu te détournes pour broyer tes grains de café avec un peu plus d’empressement. Pas certain que le café lui fera du bien, au contraire, vu comment tu le corses pour toi il risque d’être encore plus énervé après. Tu ne laisses pas Opale récupérer la bouilloire, la récupérant sur le feu alors qu’elle émet les premiers sifflements pour y verser l’eau dans ta cafetière. Tu éteins le feu et repose la bouilloire sur le dessous de plat que tu attrapes de ton autre dextre avec habileté. Te concentrant désormais sur ta préparation. Pendant que l’eau infuse et que tu presses les grains torréfiés moulus au fond de la cafetière dans le but de faire remonter tous les arômes, tu délaisses un peu les deux hommes pour tenter de calmer l’agitation qui grandit en toi.

Maintenant que tu y prêtes attention, ils se tutoient tous les deux. Et ça ne fait même pas deux semaines qu'ils se côtoient… peut-être trois, de ce dont tu te souviens sur la conversation à ce sujet avec Opale l’autre jour. Ton regard se fige sur l’eau qui brunie, ta vue se trouble et tu esquisses un  haussement de sourcils circonspect. Ça fait plus de trente ans que vous êtes amis Opale et toi, vous n’avez toujours pas passé le stade du vouvoiement... Ta poitrine devient douloureuse, comme si on t'enfonçait un couteau, tu plisses les paupières et ton poing gauche se crispe sur le plan de travail. Toujours bien attentif sur ce qui se passe derrière toi, zieutant par moment le tisonnier afin de le savoir toujours à sa place.

Pourquoi ça me fout autant le cafard de réaliser ça ? Est-ce que Opale et Gerhard -puisque ça semble être son nom- sont plus intimes ? Donc ils se tutoient ? Mes doigts droits se resserrent sur la petite poignée du pressoir, je ferme les yeux et pousse un lourd soupir pour relâcher la pression que j’ai en moi. Il va falloir que j’aille prendre l’air et me ressourcer en forêt. Je sens l’orage qui pointe, et pas le naturel, mais bien le grondement des deux hommes. Ma main gauche vient doucement se glisser dans le creux du coude de mon ami, mes doigts se resserrent doucement, un geste simple pour attirer son attention. Quand je parviens à capter son regard vitreux, je penche la tête légèrement sur le côté pour lui faire signe de se détendre et esquisse un large sourire qui fait plisser mes paupières.

“C’est ma faute si la situation est tendue, et… Gerhard, a le droit d’être en colère contre moi, (un regard adressé pour le concerné et tu reprends) j’assume…(Tu reviens sur Opale.) Une infusion de verveine et de camomille ne vous ferait pas de mal. Détendez vous, ça va aller...”
Le café étant encore en train d’infuser et le reste de l’eau chaude n’attendant plus que les plantes pour le thé, tu t’éloignes vers une armoire contenant des tas de sachets, infusions et thés préparés par tes soins lorsque tu vivais encore chez Opale lorsque vous avez mis en place la serre et ses nombreuses plantes. Il t’arrive encore de venir régulièrement t’en occuper et préparer de nouveaux mélanges d’infusion pour le soulager dans ses nombreuses tâches. Tu sors un petit sachet et prépare une infusion de verveine et camomille pour ton ami, y versant l’eau chaude pour le laisser infuser. Tu apportes le tout sur la table avec les cuillères propres et les donuts dans un grand bol.
“Allez, installez-vous, messieurs.”
Tu retires ta veste pour être un peu plus à l'aise, la déposant sur le dossier de ta chaise. Tu as un haut à manches longues et à col montant noir, empêchant de voir toutes les cicatrices sur tes bras ou même la section entre ton bras résineux et le reste de ton corps, seule la cicatrice qui traverse de ta gorge est très légèrement visible quand tu te penches pour t'asseoir. Pour ta main droite, tu portes un gant d'archer où seuls l'index et l'auriculaire sont visibles. Un sourire qui se veut doux pour chacun des deux hommes arbore ton visage et tu ramènes ta tasse vers toi, entre tes doigts, caressant la céramique de la pulpe de ton pouce distraitement. Tu n'arrives pas à tutoyer Opale, quand bien même tu le voudrais. Tu n'oses tout simplement pas. Tu attrapes un donut et tu commences à manger, pensif et distrait. Tu ignores pourquoi tu as cette pointe angoissante dans la poitrine et l'estomac.

@"Opale Caladrius" @"Gerhard Speckmann"
“”


Dim 24 Mar 2024 - 20:13
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Gerhard Speckmann
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Il aurait pu crever la tension en un seul mot. Opale le fixait, et si son visage affectait son expression habituelle de calme constant, quelque chose tournait dans ces yeux quasiment laiteux, quelque chose dirigé contre lui et contre lequel Gerhard aurait bataillé si seulement une pointe de peur ne le perçait pas. Celle qui lui soufflait, traversant le brouillard de sa colère sourde, qu'il avait sûrement dépassé les bornes ; et qui amenait avec elle son lot de craintes, celles de connaissances qui lui étaient inconnues mais qu'il était à deux doigts de découvrir. Le brasier incandescent qui le dévorait s'adoucit quelque peu, tari par cette froideur dirigée vers sa personne, celle d'un homme qui le regardait de haut et s'en cachait à peine. Le tutoiement, il devait le dire, avait fait son effet.

- Tu as tout à fait raison, Gerhard. Un peu de sucre nous fera du bien, après tant d’émotions. Café ? Thé ? Jus ?

Il ouvrit la bouche pour répondre ; trop tard, cependant, trop lent. Vynce, sans souci au monde, avait apparemment confondu leurs deux noms et répondait à sa place :

- On peut également préparer autre chose si vous n’aimez pas les donuts. Tout le monde ne mange pas de sucré au petit déjeuner. Je pars sur le café, un café pour vous aussi ?


Les flammes reprirent, attisées par cet inconnu qui avait débarqué sans crier gare. Gerhard arracha son regard d'Opale, heureux pour une fois que le médecin ne puisse pas déchiffrer son expression à cause de sa cécité grandissante. Il aurait voulu croire le blondinet, Vynce, idiot, mais sûrement que personne ne pouvait être obtus à ce point, pas vrai ? Un sombre dessein se profilait sous ses semblants de gentillesse ; Gerhard, qui aurait pu se vanter d'avoir la tête sur les épaules un tout autre jour, se laissait prendre dans l'engrenage de son esprit, formidable machine qui s'emballait désormais au gré d'un contremaître fou qui avait pris la barre sans crier gare.


Etrangers à ces doutes qui polluaient ses pensées, Opale et Vynce bougeaient de concert dans une familiarité qui le laissa vert de jalousie. Il se trompait encore, semblait-il, sur les premières impressions. Vynce n'était pas un étranger, mais un habitant à part entière de cette maison, quand bien même il paraissait ne plus y résider - du moins, il espérait. Il se mouvait sans une hésitation pour tirer tasses, ustentiles, café. Gerhard l'observa poser trois cuillères sur le comptoir, non loin de la bouilloire qu'Opale avait laissé sur le feu, et se demanda sombrement si deux d'entre elles étaient celles qui avaient grâcié le dos de leurs présences.

Les craintes de sa mère lui revinrent en mémoire, comme un souvenir enfoui qui se rappelait au moment où il était le plus vulnérable : sentant la faiblesse, et décidé à frapper tant que l'ennemi était à terre. Gerhard l'avait aimé et détesté, protectrice à la limite de l'obsession, et s'était convaincu adolescent qu'elle n'était que le produit d'un passé qu'elle avait toujours refusé de lui conter. Peureuse, paranoïaque, elle avait fait de son mieux pour transmettre ces "qualités" à son fils, étouffante à tel point que Gerhard aurait sauté par la fenêtre si cela aurait été son seul ticket vers la liberté. Ce n'était pas qu'il avait méprisé ses sentiments, sûrement très légitimes, mais les années passants il avait appris à les détester, à détester tout ce qu'ils l'empêchaient d'accomplir.

Il la comprenait désormais un peu mieux, et cela lui donnait envie de hurler et de pleurer tout à la fois. A la place, il en serrait les poings et les mâchoires, ses épaules une ligne tendue prêt à se rompre au moindre toucher. Il avait réussi à trouver un certain réconfort dans ce manoir habité par un Nébuleux et des centaines d'araignées, avait trouvé quelques marques, quelque motivation... Et tout cela avait volé en éclat au moment même où il avait valdingué en l'air. Remis à sa place, proprement, sans fioriture. Qu'il n'était pas vraiment chez lui. Pas vraiment sur un pied d'égalité, également, pas vraiment—

Différent. Terriblement humain.

Et maintenant Opale lui en voulait. L'injustice le mordait à la jugulaire mais évitait les points sensibles avec grâce : il était fissuré mais pas brisé. Comment expliquer au médecin tout ça ? Le croirait-il ? Gerhard les observait se mouvoir, deux amis (?) de longue date - sûrement que leur lien remontait à avant sa naissance, et il y avait là-dessous encore une iniquité cruelle - et ne se faisait pas d'illusion sur le camp qu'Opale choisirait.


Vynce murmurait quelque parole à Opale. Gerhard avait l'impression que son coeur allait exploser. Il battait dans sa poitrine au rythme des tambours de guerre. C'aurait dû être lui à sa place. Il s'était levé avec un but, avec l'intension de faire de son mieux. Ce grand dadais avait débarqué, avec sa stupide plante et ses stupides donuts, et maintenant ils filaient le parfait... quoi, amour ?, et lui restait les bras ballants comme l'idiot qu'il était. Ils lui tournaient le dos même, totalement désintéressés, Gerhard aurait pu s'en aller, claquer la porte d'entrée et se rendre n'importe où, et ils ne s'en seraient jamais rendu compte.

Ne pouvant foudroyer ni l'un - à moitié aveugle - ni l'autre - trop gêné pour croiser son regard - des yeux,  il se rabattit sur la plante qui trônait encore, inocemment victorieuse, sur la table. C'était idiot. C'était une plante ; pourtant Gerhard ne pouvait s'empêcher de lui prêter quelque trait humain, et à la manière dont elle dressait ses feuilles, il avait l'impression qu'elle se moquait éperdumment de lui.


- Allez, installez-vous, messieurs.


Vynce apportait boissons et victuailles. Le thé infusait doucement dans les tasses que le blondinet plaçaient sur la table, avec une tranquillité beaucoup trop calculée pour être naturelle. Les yeux de Gerhard passèrent de lui à Opale, d'Opale à lui ; le médecin ne le regardait pas. Il manquait d'en être malade.

A la place, il s'assit. Les pieds de la chaise grincèrent sur le sol. Gerhard absorba le bruit sans broncher, préférant pousser vers son colocataire une des trois tasses que Vynce avait eu l'absolue gentillesse de transvaser jusqu'ici. Lui-même se saisit d'une anse, la porta à hauteur de son visage. La chaleur picotait sa paume entière, jusqu'à l'extrêmité de ses longs doigts. Vynce, apparemment décidé à rester, s'était débarrassé de sa veste rouge, découvrant en dessous un corps svelte entretenu par l'exercice. Il mâchouillait un de ses maudits donuts d'un air rêveur. Gerhard avait envie qu'il s'étouffe sur du gras.

Il but cul sec. Le thé lui brûla la bouche et une partie de l'oesophage. Les feuilles n'avaient même pas eu le temps d'infuser ; il buvait effectivement de l'eau chaude, et s'en serait mordu les doigts si seulement il n'était pas occupé à se pincer les lèvres pour éviter que ne sorte la moindre exclamation de douleur. Il devait tirer une grimace particulièrement insipide ; il espérait seulement qu'elle soit à la hauteur de son humeur massacrante.

Reposant sa tasse avec un infime soubresaut de douleur qui aurait pu passer pour un hochement de tête reconnaissant si on voulait se fourvoyer et l'interpréter ainsi, Gerhard croisa les bras et évita soigneusement de regarder dans la direction de Vynce. Il gardait le Nébuleux dans la périphérie de sa vision, bien trop conscient de sa présence qui l'empêchait de dire ce qu'il avait sur le coeur. Il préférait se concentrer sur la brûlure qu'il sentait s'étaler dans toute la longueur de sa gorge - boire ce "thé" n'avait peut-être pas été l'idée du siècle, mais Dieu si cela ne lui donnait pas de quoi se focaliser sur autre chose que le blond qui ruminait à sa droite -, tenter de tarir un peu de sa colère qui devait briller, furibonde, dans ses yeux quasiment noirs. Il repensait à ce jour où Opale lui avait confié pouvoir ressentir les émotions des autres, surtout les plus vives, le souvenir recouvrait celui de sa mère guettant les rues par ses fenêtres toujours couvertes par des rideaux épais, comme des boucliers dressés contre le monde extérieur ; le monde dans lequel Opale l'avait traîné, et qui avait toqué à leur porte ce matin même— Non, même pas, qui s'était invité, et qui se saisissait actuellement d'un nouveau donut avec la claire intention de n'en faire qu'une bouchée.

Quelle idée d'être empathe, pensa-t-il, tout à fait conscient de sa mauvaise foi. Comme si Opale l'avait choisi ! Il se serait excusé auprès du médecin si seulement il avait été plus clair d'esprit ; mais comme la fois précédente, l'impression d'être à nu devant ces êtres si puissants qui ne lui donnaient rien d'autre que des miettes, alimentait une panique primale qui, il fallait le reconnaître, étouffait sa colère pour n'en faire qu'un agacement profond. Gerhard savait déjà qu'il se coucherait de mauvaise humeur ce soir, à moins d'un miracle.


- Très bon thé, dit-il dans le silence tendu de la cuisine, sa voix une espèce de chuintement qui n'était pas sans rappeler le bruit de deux morceaux de métal rouillé que l'on frottait par pure masochisme. Très belles feuilles.


Gerhard darda son regard sur Opale, étudia attentivement la posture de son colocataire. Ce qu'il crut déceler le fit grimacer. Bien malgré lui, il sentait son cerveau changer de posture, adopter celle du psychologue, mais pire encore : pas celui de Berlin, sage et avisé, mais celui de Nitescence, qui s'était heurté face à Ezekiel et dont l'ego avait été remballé comme une vulgaire feuille que l'on coince dans un herbier.

Un de ses doigts décrivait des cercles lents sur la faïence de la tasse. Usée par des années d'utilisation, il apercevait les cercles sombres qui en parcouraient l'intérieur, réminescences d'autres boissons, d'autres réconforts. Son thé ne lui en avait apporté aucun. Gerhard se racla la gorge. Il boufferait son propre estomac avant de croquer ne serait-ce que dans un seul donut que Vynce avait apporté, mais il supposait qu'il pouvait bien... être cavalier, quoique son apparente politesse relevait davantage du snobisme qu'autre chose. D'une main, il prit le bol où les viennoiseries étaient empilées dans un équilibre savamment calculés, et le poussa vers Opale, qui n'avait pas esquissé un geste depuis qu'ils s'étaient tous les trois attablés.


- Servez-vous, j'imagine ? Il accompagna sa remarque d'un bref coup d'oeil en direction de Vynce, si bref qu'il en fut imperceptible. Opale pouvait bien le tutoyer s'il le voulait, signifier tout le dégoût qu'il lui inspirait en une syllabe, mais Gerhard ne saurait se détacher du respect qu'il portait envers le médecin, énervé ou non. A vous deux vous en aurez bien assez pour un petit-déjeuner.


Tant pis, il resterait l'estomac vide. Ce n'était pas le pire qu'il avait déjà affronté. Celui-ci, songeait-il la mort dans l'âme, avait bien le temps d'arriver. Le jour était jeune et les nerfs, à vif. Il suffisait d'une étincelle, et Gerhard avait le sentiment d'être la parfaite allumette. Ne restererait plus qu'à trouver qui irait la craquer.
Mer 27 Mar 2024 - 3:06
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Opale Caladrius
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Opale Caladrius

Au secours !! Mon coloc est...

une yandere !

Feat Gerhard et Vynce



Jour. Nuit. Le sifflement persistait, l’eau bouillante s’agitait dans son étau métallique, coque ronde et oppressante. Les dents d’Opale craqueraient sous la pression qui menaçait de lui percer le crâne. Dans son dos, il sentait la vapeur souffler sa nuque, l’humidité poisser le dessous de son étagère. Sa main se crispait autour de son bras, y plantant les ongles pour éviter de trop penser. Lui-même n’était pas certain d’où venait toute cette colère. C’était impure, sale, ça se déversait en lui encore et encore et encore jusqu’à l’emplir de ce flot sordide. Il n’en voulait pas. Il n’en voulait pas. C’était…

Un souffle douloureux souleva sa poitrine et la main se glissant délicatement contre son coude le fit sursauter. Il leva la tête vers Vynce, cillant. Il le sentait l’observer chaleureusement mais malgré lui, l’angoisse de son ami ne cessait de percer la carapace de ses sourires. Jamais. Jamais en plus de 30 ans, Vynce n’avait eu à subir ça, chez LUI. Gerhard savait-il à quel point il était douloureux pour des créatures errantes comme lui, de ne pas se sentir à sa place ? Oh. Non. Il était humain. Ces oppresseurs sans noms qui les écrasaient, les utilisaient, les réduisaient à l’état d’objets. Il ne se sentait pas le bienvenue ? Ah. La bonne affaire.

Opale n’avait même pas senti le draède se saisir de la bouilloire, il ne l’avait pas vu préparer la table, agencer avec habilité tout ce qui aurait pu être propice à un moment agréable. Il ne s’en rendit compte que lorsqu’il l’invita à s’asseoir. Bon sang, il était déphasé. Il savait que c’était son don, ce foutu, indécent, obscène DON qui faisait effet. Quand les barrières étaient trop lâches, pendantes, ça le désorientait. Le perdait dans ce qui était à lui, ou non. Ce lieu mental se floutait, débordait sur le réel. Il avait eu l’espace de respirer quelques instants avant que l’afflue ne l’écrase de nouveau. A dire vrai il aurait pu tomber, là. Se frapper la tête contre le lino et oh- ça aurait pu mettre fin à cette scène presque burlesque tant elle était exagérée.

Ou allait la colère de Gerhard ? N’importe quoi aurait fait l’affaire, apparemment. Opale ne le regardait pas, même lorsqu’il tira la chaise pour s’asseoir. Ses mains se lièrent sur ses genoux, l’ongle de son pouce raclant juste un peu la paume. Il avait besoin de se recomposer. De reprendre son calme. L’étouffement le rendait sourd à tout alors il resta là, parfaitement immobile, les yeux posés sur la table. Les minutes semblaient s’écouler grain à grain, pièce par pièce, sentiment par sentiment. Ah. Ça le transperçait encore. Pointe acérée lui transperçant l’œil. Il tiqua. C’était quoi ? C’était…Quoi ? Il s’était brûlé ?

Opale songea dans une amertume violente qu’il l’avait fait exprès. De quoi cherchait-il a les punir exactement ? Vynce s’excuserait mille fois encore. Un garçon au pouvoir puissant et pourtant si tendre avec les gens, la vie. C’était injuste. L’insidieuse pensée que peut-être, Gerhard profitait de cette humilité pour prendre l’ascendant le révolta. Il haïssait ça. Se pensait-il supérieur ? Plus intelligent peut-être ? Ses mains se resserrèrent.

Avait-il mal calculé, en le croyant capable de compassion ? Chaînes trop aisées, serrées autour des cous de ceux qu’ils avaient considérés comme capable de s’écraser. Non… Non. Il ne devait pas tout confondre. Gerhard n’était pas ce genre d’humain… Il n’était pas un oppresseur. Il était simplement en colère d’avoir été ainsi surpris, il ne devait pas… Se sentir suffisamment à sa place. Oui, oui, c’était ça. Nul besoin de craindre. Ce regard qui le décortiquait n’était pas mauvais, il voulait le croire.

Il en oublierait de respirer. Mais au moment ou cette pensée, plus rassurante que le reste, lui traversa l’esprit, la silhouette de Gerhard bougea dans son champ de vision. Le bol fut ramené à lui. Opale pencha la tête vers l’avant, suivant des yeux le mouvement avec une attention presque animale. Et les quelques mots le figèrent. La voix dégoulinante de mépris.
La main du médecin était partie. Elle frappa la table avec violence, le bruit mat faisant trembler les tasses. Il se releva en sifflant

-Ne m’approchez pas.

Il n’avait pas crié. Sa voix était froide, tout comme son regard. Il ne s’était pas écarté, ne lâchant pas des yeux Gerhard. Les légers tremblements qui l’agitaient trahissaient la crainte qui le secouait tout entier. Ça y est ? Était-il satisfait ? Il l’avait fait réagir. C’était bien ce qu’il cherchait, non ? Le pousser au bout, encore un peu. Ça, ou insulter Vynce, le mélange était savant et le résultat était le même. Et il en avait assez de ce petit jeu. Opale était dans une colère noire. Son expression s’assombrie, loin de son calme habituel, le moindre de ses membres tendus, à vif. Ses yeux avaient pris une teinte violacée et son attitude était plus animale que jamais.

-Vous. Moi. Dans le salon. Maintenant, ou jamais.

C’était vibrant. Articulé. Calculé. Les poings et la mâchoire contractés, il se dirigea d’un pas souple jusqu’à l’entrée de la cuisine. Avant de sortir, il tourna la tête vers Vynce, lui faisant un petit signe de tête lui indiquant qu’il pouvait partir, s’il le voulait. Il irait le voir, pour le rassurer. S’excuser. De tous leurs souvenirs communs, jamais Vynce ne l’avait vu réellement en colère. Et encore, il avait failli glisser, perdre le contrôle.

Il s’était rattrapé et étonnamment, ce fut frapper contre le bois qui l’avait ramené. Un semble de contrôle précaire. Et Gerhard venait d’arracher l’un de ses refuges à son ami. L’irritation le grisait, autant qu’une pointe de tristesse qui lui serra l’estomac. Le psychologue serait-il assez mature pour le suivre ? Il lui laisserait une chance de s’expliquer, car en l’état, le semblant de confiance qu’ils s’étaient bâtis ces derniers jours menaçait de s’effondrer. C’était donc si fragile, hein ?
S'il fuyait encore... Le médecin pensa que s'il était si mature, il était temps pour lui de grandir.


notes
Ven 29 Mar 2024 - 0:21
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Vynce Stanford
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Vynce Stanford
Finalement, ils sont un peu lourds
ces donuts...
Ta tentative de détendre l’atmosphère n’a servi absolument  rien. Pire, tu as l’impression que l’atmosphère s’est encore plus alourdie. Et tandis que tu incites les deux hommes à s’asseoir après avoir servi le petit déjeuner pour tous les deux, tu attrapes un donut avec la sensation que ce dernier pèse au moins dix tonnes tellement la pression est intense.
Tu t’es pourtant excusé, il veut quoi de plus ce Gerhard ? Que tu t’agenouilles et lui lèches les pieds en faisant le cabot tout content que son maître le punisse à poil ? Tu ramènes ton donut -ô combien lourd- jusqu’à toi en l’approchant de tes lippes pour en manger un morceau. Zieutant à la fois Opale puis sont vis-à-vis. Absolument mal à l’aise. Tu croques dans le tendre de la pâtisserie mais le goût est atrocement amer. Dans un souci de ne pas avaler ta bouchée, tes joues pleines te font ressembler à un hamster.

Au moindre regard dans ta direction, tu regardes ailleurs, pire, tu fixes Loethar avec un air creux, absent et dans le vague. Iel te parle et te fait comprendre qu’iel ne se sent pas bien. Tu ne peux que comprendre son ressenti, tu es du même avis. Mais contrairement à iel, tu es beaucoup plus perceptible pour Opale qui doit être foutrement mal à l’aise lui aussi. Fermant les yeux, tu hoches la tête pour répondre à la plante et dévore ton donut pour tenter de garder ton calme et te changer les idées. Un autre arrive entre tes mains, puis un autre dans l’espoir que cette amertume disparaisse mais ce n’est absolument pas le cas.

En fait, tu es tellement concentré dans ta dégustation et conversation avec Loethar que tu ne fais même plus attention à ce qui t’entoure, ni même les propos qui sont lâchés de la part de Gerhard. Concentré à fixer la plante et lui parler avec un langage bien à vous, tu portes ta tasse de café à tes lippes pour en boire quelques gorgées distraitement. Tu ne sors de ta torpeur seulement lorsque tu perçois du mouvement à ta droite, du côté d’Opale. Le choc sur la table te fait brusquement sursauter, non seulement tu as été surpris, mais en plus tu ne t’attendais pas à un bruit si brusque et violent de la part de ton vieil ami.

Tu manques de t’étouffer avec le liquide chaud et le morceau de donut que tu as entre tes joues gonflées. Te retenant de tout recracher, mais tu es tellement crispé que tu fais voler le donut à l’autre bout de la table, manquant de renverser la tasse que tu étais en train de poser qui déborde de café sur ta main et le bois malgré tout, mais tu la rattrapes de justesse avant de faire plus de dégâts. Tu relâches tout, ramenant tes deux mains contre ta bouche en fermant fort les yeux pour te concentrer et avaler ce que tu manques de régurgiter. Le donut et le café passent douloureusement dans ta trachée et des larmes perlent au coin de tes paupières. Tu redresses la tête vers Opale avec un air ahuri. Interdit devant son regard, tu ne peux que le fixer tandis qu’il somme Gerhard de le suivre dans le salon. Ton cœur se serre et tu as la boule au ventre comme jamais. Hypersensible et empathe à ta manière, tu perçois toute la colère d’Opale. De celles qu’il n’a encore jamais montré face à toi et ça te déchire profondément de le voir ainsi. Tu t’en veux profondément car c’est de ta faute si cette situation est ainsi. En partie tout du moins.

Tu le suis du regard alors qu’il passe l’encadrement de la porte et s’arrête pour t’adresser un regard. De celui qui veut dire «ça va barder tu ferais mieux de ne pas rester ». Sauf que tu penches lentement la tête en lui lançant un regard qui signifie « j’ai pas l’intention de te laisser seul dans cette situation » et qui en dit long sur ton soutient mental. Quand il disparaît dans le salon, tu baisses tes mains de ton visage et renifle un peu. Ton regard se posant sur Gerhard, insistant. Tu te relèves en silence, attrapes un dernier donut, ta tasse de café puis dans le calme, tu attrapes ton manteau que tu mets sous le bras pour sortir à ton tour. Tu n’as même pas envie d’adresser la parole à cet homme, lui qui vient de mettre Opale dans un tel état de colère, pourtant, ta compassion est trop forte et t’oblige à te pencher légèrement vers lui. Ouvrant tes lippes pour lui parler, mais tu te ravises et te redresses pour sortir, lâchant un soupir dans lequel Gerhard peut entendre un “Boa fortuna !” Ce qui signifie littéralement « bonne chance en brésilien ».
Tu sors du manoir, le manteau sous le bras, ton donut entre les dents et ton café dans une main pour aller te poser dans les jardins et profiter d’un moment paisible. Pas trop loin non plus pour te concentrer sur Loethar qui pourra te transmettre en direct ce qui peut bien se passer dans le salon. Prêt à intervenir si l’humain devient violent envers Opale ou inversement. Vu la colère que tu as ressentie et vu dans son regard il se peut que le tison serve d’arme létale si une dispute éclate. Tu devrais peut-être rentrer pour récupérer l’arme, d’ailleurs, avant qu’un drame ne se passe. Tu verras bien.

@"Opale Caladrius" @"Gerhard Speckmann"
“”


Ven 29 Mar 2024 - 21:19
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Gerhard Speckmann
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Le bruit sourd qu’avait émis la main d’Opale sur la table résonnait dans son esprit ; à moins qu’il ne le confonde avec les battements surexcités de son cœur, qui tambourinaient furieusement entre ses deux oreilles, rendant moites ses mains. L’une était encore crispée autour de sa tasse, vide mais chaude de ce thé qu’il avait furieusement avalé en une gorgée, et il était bien heureux qu’il ne soit pas fort, pas plus qu’un humain ordinaire, ou bien la porcelaine aurait éclaté entre ses doigts. Son autre bras demeurait tendu, à mi-chemin jusqu’à Opale, mais le médecin avait reculé, sa voix avait sifflé avec un mépris que Gerhard ne lui avait jamais connu ; la colère flashait dans ses yeux pâles, et s’il n’avait pas besoin de voir pour le foudroyer du regard, une part égoïste de Gerhard était heureuse que son colocataire soit incapable de le regarder dans les yeux. Il ne savait pas comment aurait tourné la situation autrement, comment il aurait réagi.

Au-delà de son cœur furieux, la voix furibonde d’Opale lui parvenait, avec dans ses accents imperceptibles un ordre clair. « Au salon, maintenant ou jamais », prononcé les dents serrées, les mots s’échappant dans un sifflement presque animal. Aujourd’hui était visiblement le moment où on lui rappelait à quel point les Nébuleux empruntaient à des espèces qui n’étaient pas qu’humaines. Ils en avaient parfois l’apparence, souvent l’attitude ; mais ces mimiques lui étaient inconnues, il ne les avait jamais apprises à l’université, il n’y avait jamais pensé. C’était la société humaine qu’il avait visée, pas celle qu'il avait récemment intégrée et qui lui rappelait brusquement désormais qu'il n'en maîtrisait pas encore tous les rouages.

Qu’à cela ne tienne. Il y avait quelque chose en lui qui lui hurlait de rendre la pareille à ces deux Nébuleux qui, en cet instant, se drapaient dans l’indignation tout en lui refusant la sienne. Assimilait-il aussi vite les mœurs des autres ? Ou bien cet instinct venait-il d’autre chose ? Opale n’était pas le seul capable de montrer les dents, et si Vynce parlait aux plantes, Gerhard se sentait en cet instant capable d’en déchirer jusqu’à la moindre feuille, de ne laisser que des racines rabougries ; rien qui ne pourrait servir à lui causer du mal, à le bâillonner comme cela avait été le cas quelques instants plus tôt.


Opale quitta la pièce, svelte et élégant malgré tout, mais ses gestes étaient bien trop calculés pour ne pas être délibérés. Il se maîtrisait, cela était évident. Gerhard refusait de le suivre du regard. Il préférait se focaliser sur un point devant lui, une imperfection du mur, comme tant d’autres qui lézardaient la demeure dans laquelle le médecin l’avait accueilli, et qui se refermait désormais autour de lui comme le lieu d’une bataille qui était courue d’avance. Rien de ce qu’il ne dirait ne satisferait son colocataire, il le craignait : la haine qu’il avait vu briller dans son regard flou remontait à plus loin, et si Gerhard n’en était pas forcément la cible principale – quoiqu’en cet instant, il ne doutât pas qu’il l’était – il en était le catalyseur, celui qui avait allumé la mèche et l’avait amené jusqu’au barrel d’explosifs.

Il avait peut-être fauté, et encore maintenant il rechignait à se tourner vers Vynce pour le regarder dans sa globalité. La stature même de l’homme – un homme qui n’en était pas vraiment un, se rappelait-il dans le même temps – faisait remonter des frissons le long de sa colonne vertébrale. La colère et, tout en dessous, tapie comme un secret : la peur. Avec Opale, il avait cru être à l’abri ; lui avait attribué sa confiance, et avait supposé, sûrement stupidement, qu’elle avait été étendue aux autres.

Dur retour à la réalité dont son dos se souviendrait ce soir encore. Au moins Gerhard était-il heureux de ne pas avoir d’assez grand miroir dans sa chambre pour s’examiner ; c’était assez humiliant de savoir que vous seriez orné de deux ecchymoses de la forme de cuillères, sans le constater de vos propres yeux.


Laissés seuls dans la cuisine, le silence de plomb fut déchiré par le bruit d’un manteau qu’on attrape. Vynce avait attrapé nourriture et boisson, et si son visage ne trahissait rien – Gerhard lui lança un regard furtif, juste un seul, guettant du même temps des vignes qui seraient revenues titiller ses chevilles ou ses poignets – il pouvait lire sa suffisance dans ses gestes. Ou bien se faisait-il des idées. Sans doute. Il ne connaissait pas assez le Nébuleux pour formuler des hypothèses qui auraient le potentiel d’être justes, et doutait d’avoir même envie de le fréquenter après ça. Oh, et puis comme si ça dépendait de lui. Opale aurait tôt fait de lui refuser cet incroyable honneur. Pauvre Vynce, qui attaquait les gens sans trop se poser de questions, n’était pas capable d’encaisser un peu d’animosité à son égard. Comme si les émotions pouvaient le tuer ; d’eux deux, Gerhard ne pensait pas que le Nébuleux soit le plus en danger.

Le souffle de Vynce sur sa peau le fit frissonner. Il s’était penché vers lui, le surplombant de toute sa hauteur, son ombre comme quelque chose de menaçant, un piège qui se refermait sur son corps tout entier. Gerhard aurait voulu lui dire de reculer ; que des deux seules personnes qui pouvaient l’approcher d’aussi près, l’une était morte et l’autre lui en voulait et devait faire les cent pas dans le salon. Rien ne lui vint, sa voix bloquée dans sa gorge serrée. Son « Boa fortuna ! », et pas besoin de traduction pour en comprendre la teneur, attisa les braises ; l’incendie rejaillit de nouveau, plus incandescent que jamais, et si les regards pouvaient tuer Gerhard savait que Vynce serait tombé raide mort. Ce type, non content de l’avoir attaqué et entraîné toute cette situation, se moquait éperdument de lui. Il ne pouvait pas s’éloigner assez vite ; ce ne fut que lorsque le bruit de ses talons s’évanouit et que la porte d’entrée fut doucement tirée jusqu’à être refermée que Gerhard se permit une expiration tremblante.


Il ne pouvait pas rejoindre Opale dans ses conditions. Leurs patiences respectives étaient quasiment nulles, ils manqueraient de s’étriper au premier mot prononcé de travers. La barrière de la langue n’aidait pas. Gerhard aurait préféré se disputer avec Ezekiel : en lisant le dossier du Nébuleux, il avait remarqué qu’il venait de l’ancienne Suisse allemande. La langue n’était pas tout à fait la même mais ils gardaient les intonations, la teneur. C’était plus simple d’argumenter dans un langage que vous connaissiez sur le bout des doigts.

Il ne doutait pas, également, que Vynce ne traînerait pas très loin du manoir, sûrement prêt à intervenir si quelque chose tournait mal. Si quelque chose tournait mal, pour Opale. Les deux semblaient certains que Gerhard lèverait la main sur le médecin, et cela le frustrait tant qu’il en aurait bouffé ses phalanges. Toutes les interactions qu’il avait eues avec le Nébuleux, il les revoyait sous un jour nouveau. Opale avait-il été totalement désintéressé en l’accueillant aussi bien, en lui faisant visiter le village ? Il lui avait appris à nager, bon Dieu ! Gerhard l’avait laissé le toucher, avait dévoilé à ses yeux – qu’ils soient quasiment aveugles ou pas – un corps qui encore aujourd’hui lui faisait honte. Avait murmuré dans les grottes des choses qu’il osait à peine penser en plein jour. Parce qu’il avait cru qu’Opale voulait le connaître.
Il avait davantage l’impression, désormais, d’avoir été pris comme un animal sauvage et dangereux qu’on s’efforçait à domestiquer. Et tout ça pour quoi ? Parce qu’il était humain ?

Il aurait voulu dire que c’était ridicule, parce que ça l’était. En deux temps trois mouvements, on pouvait le neutraliser comme une mouche. Un temps il était là, un temps il ne l’était plus : leurs corps étaient fragiles, leurs vies si fugaces. Un mauvais mouvement et c’en était fini de lui. Pouf, plus de Gerhard. La perspective leur paraissait sans doute réjouissante.


Il se releva, poussant sa chaise dans le même geste, et sentit sa tête lui tourner. Fermant les yeux, Gerhard inspira profondément une fois, deux fois, rouvrit les yeux. La résignation le guida jusqu’au salon, et il n’y avait pas besoin d’être Nébuleux pour sentir la fureur d’Opale émaner de la pièce.

Il ne toqua pas. Il ne doutait pas que le bruit de ses pas avait été entendu, attendu même, et imaginait sans mal le rythme cardiaque du docteur s’accélérer alors qu’il l’entendait approcher. C’était en tout cas ce qu’il se passait avec lui, tous ses membres secoués par l’anticipation qu’il ressentait. Gerhard aurait voulu être raisonnable, dire que ce n’était pas le bon moment, que chacun devait se calmer de son côté avant de pouvoir discuter. Mais il avait perdu cet ascendant moral, il le savait, et s’il avait voulu être raisonnable il aurait fallu qu’il s’y prenne plus tôt, avant que tout ça ne dégénère.

Il blâmait Vynce, mais quelque part restait assez lucide pour reconnaître qu’il avait une part de responsabilité. Quoiqu’il l’avouerait sur son lit de mort uniquement, ou bien quand ils seraient plus calmes ; ce qui arriverait en premier, et en cet instant même il ignorait qui gagnerait la course. Tout était possible. Les paris étaient ouverts.

Il n’avait pas beaucoup fréquenté le salon. Entre ses visites à Lucent, ses leçons de nage et le temps qu’il passait dans ‘’sa’’ chambre, le temps et l’envie lui avaient manqué. Traîner seul dans une pièce lui paraissait un peu triste, et il s’était demandé comment diable il pourrait si prendre pour quémander à Opale sa compagnie. Une demande qui lui paraissait désormais impossible à formuler. Le médecin trônait au milieu de la pièce, et l’attendait visiblement de pied ferme : tout son corps était tendu vers l’unique porte des lieux, et éclairé en contre-jour son corps découpait une ombre particulièrement menaçante. Gerhard redressa son menton, le contourna en un large arc-de-cercle ; l’avertissement du médecin résonnait encore dans sa mémoire, et avec la menace sous-jacente. Ne m’approchez pas, sinon… Il ne voulait pas découvrir ce qui se cachait derrière ce simple petit mot qui, s’il n’avait pas été prononcé, avait été très clair.

- Me voilà, annonça-t-il en s’adossant à l’une des fenêtres. Il jeta un regard à l’extérieur : pas de Vynce à l’horizon, mais cela ne voulait rien dire. Il se focalisa entièrement sur Opale, les bras croisés, le corps rigide. Alors, qui commence ?

A l’instant même où il la prononçait, Gerhard trouva la question rhétorique. Mille mots lui brûlaient la langue : tant pressés de sortir qu’il en frémissait, à moins que ce ne soit d’autre chose.

- Permettez, dit-il dans la même seconde, j’ai bien l’impression que ce sera ma seule chance.

Il inspira. Il ne voulait pas commencer sur des accusations, mais tout serait pris comme cela, de son côté comme celui d’Opale, ils n’étaient pas assez calmes pour réfléchir correctement ; mais des fois, nul besoin de prendre des airs de savant, autant y aller avec les tripes.

- Alors peut-être que je suis rancunier, lâcha-t-il, et peut-être que je me suis comporté comme un rustre. Soit. Je ne vois pas comment vous voulez que je traite quelqu’un qui m’a attaqué et ligoté une table, excuses ou pas. Je ne vais pas prétendre que m’asseoir à côté de lui, et il cracha le pronom comme une insulte, me fasse plaisir, désolé.

Il décroisa les bras ; et c’était bien parce qu’il le guettait qu’il vit Opale retenir un frisson. A moins que son imagination ne lui joue des tours, ne lui serve sur un plateau d’argent les moyens pour lui d’argumenter sa cause.

- Ou bien est-ce ça votre problème, accusa-t-il en se désignant lui-même d’un ample geste de la main. Moi. L’humain. Je vous ai dit, j’ai appris à lire les gens, ou autrement ce monde m’aurait bouffé tout entier. Alors jouons cartes sur table : est-ce que vous avez un problème avec moi ?

Oh, en cet instant-là Opale devait bien avoir un problème avec lui, oui ; mais il voulait dire, avec ce qu’il était au plus profond de lui-même, un humain ordinaire, avec tous les défauts qui incombaient à son espèce, avec les fautes qu’elle avait commises et que son existence même implicitait.

Il ne voulait pas partir. Il se plaisait au manoir, mais mieux valait réduire les pertes et fuir le plus vite possible si jamais il posait problème. Cela le peinerait, sans doute, une fois que la colère serait retombée, mais ils s’éviteraient bien des écueils. Et comme ça, pensa-t-il non sans un grondement, Vynce serait libre d’aller et venir comme bon lui semblait, quoique ce ne soit pas sa présence qui l’ait empêchée auparavant.

Gerhard stoppa net ce train de pensée. Non, focalisé sur le présent. Cette dispute devait avoir toute son attention ; il ne doutait pas qu’Opale ait matière à rétorquer, et il préférait l’attendre de pied ferme. Seulement ainsi aurait-il la possibilité de remporter la figurative bataille qui s’engageait dans le salon.
Lun 1 Avr 2024 - 18:41
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Opale Caladrius
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Au secours !! Mon coloc est...

une yandere !

Feat Gerhard et Vynce



Pourquoi était-il descendu ?
La question tournait dans son esprit, encore et encore. Tourbillon malsain qui n’aurait sans doute jamais de réponse.

Avec l’espoir d’une réconciliation ? Les chances avaient été nulles dès le départ. Gerhard n’avait laissé aucun espace pour le souffle d’une trêve. Chaque secondes de ce déjeuner aux accents de supplice avait été débordantes d’hostilité, mordant toutes les fissures, les carreaux brisés. ça se répandait partout, écrasant le moindre apaisement, la plus petite douceur. Et Opale s’était laissé outrepasser. Il avait la violente sensation de ne plus s’appartenir, chaque fois que ce genre d’épisode lui arrivait. C’était violent, pernicieux et la fièvre de sa colère ne fit que grandir en entendant la porte claquer.
Vynce était parti. Il était seul avec l’humain.

Il s’en mordrait les doigts, d’avoir été aussi fragile. Était-ce parce qu’il avait baissé ses barrières qui les avait enfoncés avec une telle facilité ? Il était trop transparent. Trop accommandant. S’était-il trop adoucit… ? Lui-même, soudainement, n’était pas certain d’identifier les véritables aubes de son aigreur. Peut-être, au-delà de vouloir défendre Vynce, était-ce l’idée qu’il pouvait être atteint. Il avait toujours été friable, mais c’était alarmant. Ses pas le guidèrent jusqu’au centre du salon où il resta, immobile, la tête légèrement penchée vers l’avant et les mains serrées contre ses bras qu’il frottait dans l’espoir de se réchauffer.

Il aurait dû… Oui, il aurait dû… Prendre plus de précautions. Opale secoua doucement la tête, inspirant avec difficulté. Ça l’étourdissait. Et la prochaine vague ne tarderait pas à venir. Les pas de Gerhard l’annoncèrent et il se retourna lentement, suivant sa silhouette des yeux qui conservait une certaine distance. Bien. Il avait compris le message, au moins. Le caladre tâcha de reprendre consistance, détendant ses bras, décrispant ses doigts, un léger mouvement d’épaule et il se fit plus digne. Soudainement, l’idée de paraître pitoyable à ses yeux lui était insupportable. Pauvre Opale. Son pouvoir est sa croix, une sale perversion et impossible à trainer.
La « seule chance » lui arracha un petit rictus. Il n’était pas un monstre, non plus. Il avait atteint les limites de sa patience, mais il le laisserait s’expliquer, il n’attendait que ça. Sa mâchoire se contracta légèrement mais il ne bougea pas d’un cil, avalant son discours.

Opale tiqua au mépris à peine contenu qui fuita à la mention de Vynce mais ne dit rien. Bien sûr, qu’il ne s’attendait pas à ce qu’il prenne plaisir à s’asseoir à ses côtés. Mais pourquoi était-il revenu, en premier lieu ? C’était injuste de faire subir ce choix si délibéré, si simple. Vynce s’était excusé, alors qu’attendait-il, exactement ? Si, il le savait. Opale aurait dû l’accompagner à la sortie, lui demander de quitter le domaine qui apparemment, n’était plus à lui. Mais à eux. S’il vivait dans le partage, ce n’était apparemment pas le cas de tout le monde. Le médecin avait poussé un soupir, roulant les yeux au ciel avant d’ouvrir la bouche pour répondre.

Et puis… Et puis… La suite arriva. Et Opale vit flou. Son cœur manqua un battement. Son problème… ? Le caladre trembla. C’était trop.

-Quoi ? Vous voulez jouer au psychologue maintenant ?

Il avait rigolé, mais aucun sourire ne fendait son visage. De grosses larmes s’étaient mises à y rouler. Ce n’était pas de l’eau, c’était un liquide translucide et noir, salissant la peau pâle.

-Ça vous amuse ? C’est un putain de JEU DE CARTES ?

Opale renifla, sa froideur s’était envolée, laissant place à un mélange d’émotions multiples. La colère tordait sa bouche, ses yeux plissés pour tenter de retenir les quelques gouttes qui s’étaient déjà taries. Il fit quelques pas, recula et inspira.

-Lisez-moi autant que vous le souhaitez, si vous pensez tout savoir. Je suis quoi, hein, Gerhard ? Pourquoi j’ai si peur ? Pourquoi j’agis comme je le fais ? Pourquoi Vynce a t-il fait ça ? Allez, vous avez dû le deviner.

Son pouce tremblant passa sur sa joue, il se pinça nerveusement l’arête du nez en soufflant.

-J’allais vous dire que vous n’aviez pas tort. Que j’aurais dû vous défendre. Que ce n’est pas normal de subir ça, chez soi. J’essaye, vous savez. Des années que j'essaye de me réparer. C’est vrai oui, je crains les humains. Pas vous. Les humains. Mais j’ai pas besoin de vous le dire, vous le savez.

Sa voix était vibrante. Ce n’était pas tous les humains, mais pour Opale, ça avait toujours été eux. Toujours. Et il savait qu’il n’était pas le seul sur cette île à le savoir, viscéralement. Il aurait pu s’écrouler là, ici. C’était presque un soulagement de le dire. Opale avait laissé Gerhard entrer chez lui. Il avait cru être guéri, pendant un temps. Guéri de sa peur. Il pouvait bien l’accueillir, lui tendre le bras, se serrer contre lui sans crainte, non ? C’était jusqu’à que sa silhouette le surprenne et que tout remonte et que la pression s’instaure, lentement, dans sa poitrine. Il se sentait soudain trop perçu, trop fragile. Il en avait trop dit, il le savait.

-Vous n'êtes pas un problème Gerhard.Vous décidez de le devenir.

Pesta-t-il avant de s’avancer jusqu’au hall. Il se saisit de son manteau, s’emmêlant à moitié les pieds dans le tapis de l’entrée, l’insultant d’un geste rageur en se saisissant de la poignée. C’était trop, vraiment trop. Lorsque la porte claqua derrière lui, faisant vibrer les vitraux, il marcha d’un pas d’abord rapide, puis accéléra en arrivant jusqu’à la large plaine qui s’étendait à perte de vue. Il ne voyait quasiment rien sous le voile brouillé et dansant.

Des années qu’il n’avait pas pleuré devant quelqu’un, et il fallait que ce soit face à Gerhard. Il s’était vraiment affaibli. Dans son dos, il avait la sensation de sentir peser le rire moqueur de ses bourreaux.



notes
Sam 6 Avr 2024 - 1:06
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