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Ezekiel Oldenbourg. :: Archives :: Bibliothèque des anciens RP :: Présent
La Matriarche
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La Matriarche
Ezekiel Oldenbourg


Lucent bruissait autour d’elle dans un chant qu’elle avait depuis longtemps mémorisé. Le village ne dormait jamais vraiment, toujours une discussion pour la tenir éveillée, à moins que ce ne soit le sommeil qui l’élude ? Elle était vieille, bien vieille, et son existence s’étirait sur des siècles qui, d’un battement d’œil, se confondaient en secondes.

Sa maison grognait : elle était, quelque part, la voix qui autrefois lui avait fait vibrer les cordes vocales, mais qui aujourd’hui n’était plus qu’un murmure incessant dans l’esprit de tous ces enfants qui peuplaient l’île. Cela faisait bien longtemps qu’elle avait prononcé le moindre mot d’elle-même, et pourtant sa voix sonnait claire quand elle daignait la projeter. La barrière physique, après tout, n’était que ça : une barrière, dont elle s’était absoute des millénaires plus tôt, à moins que ce ne soit des mois ?
Impossible de s’en souvenir. C’était autrefois, c’était tout ce qui comptait.

Elle étira sa conscience autre part, navigua entre les milliers d’êtres vivants qui constituaient ses yeux et ses oreilles. Le monde flashait devant ses yeux désincarnés, autant d’elle qu’il y avait d’eux, et elle en fut satisfaite. Nitescence se portait bien.

Comme pour contrarier cette idylle, parvint à ses oreilles un murmure persistant. Depuis le temps, elle avait appris à privilégier les urgences par rapport à la normalité – n’aurait pas survécu autrement, cela lui avait pris des semaines, des mois, des années – et crut d’abord que ces murmures ne lui rapportaient que la banalité du quotidien. Elle tenta de le chasser ; las, il revint, plus têtu encore, et alors elle sut qu’elle ne devait l’ignorer.

Elle détendit un corps millénaire, articulation après articulation, et la Népenthe grogna, accommodée à accompagner les actions de sa maîtresse. Les murmures parlaient de mort et de désolation ; de vengeance et de sang ; un homme à qui on voulait faire payer un péché de sa vie, une affaire qu’elle ne pouvait laisser échapper à son attention. Doucement, comme si détendant un bras qui durant des siècles était resté amorphe, elle chercha la rune, la personne, jusqu’à l’atteindre. Elle ignorait la sensation que produisait sa voix dans leurs esprits si étriqués ; n’en avait, finalement, cure. Ses mots résonnaient toujours, qu’on les veuille ou non.

Inéluctables, comme elle.


La Matriarche tonna, pour son esprit seulement : Ezekiel Oldenbourg. La Matriarche vous attend à la Népenthe.


Sam 20 Avr 2024 - 20:44
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Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel Oldenbourg
 

"« Comment la loi pourrait-elle me convoquer ? la loi n'a aucun besoin de moi. Je ne puis être convoqué que par quelqu'un. »"=> "Le Procès" de Franz Kafka


Rêveur qu'il était, même dans les profondeurs de son sommeil, Ezekiel, comme un voyageur égaré dans le labyrinthe du temps, parcourait inlassablement les lambeaux de son passé. Les visages chers, les êtres aimés, même dans leur lointain souvenir, le hantaient nuit après nuit. Car oui, malgré l'étreinte froide et implacable qu'il arborait désormais, il avait été autrefois bien plus ouvert, bien plus naïf, embrassant sans réticence les rencontres et les échanges.

Oh, comme les nébuleux avaient semé la terreur en son cœur ! Ces entités insaisissables, éloignées du village paisible où résidaient les humains et certains de ses semblables, se tapissaient dans les ombres, refusant de reconnaître en l'humanité leur seule bouée de sauvetage ! Oh, il n'avait jamais pu les comprendre. Leur refus obstiné de se plier aux lois de la société était la marque même de leur vice, les rendant dangereux, imprévisibles.

La mort ou la rédemption.

Aucun d'eux ne devait échapper à ce choix. Il redoutait par-dessus tout ces êtres capables d'annihiler sa communauté. Des dragons ! Pourquoi ? Comment ? Était-ce la jalousie, le pouvoir ? La haine seule avait envahi son être, mais elle avait mis longtemps à étouffer en lui toute trace de compassion.

Il aurait dû vouer une haine farouche à cet être, comme tant d'autres avant lui. Au lieu de cela, il avait contemplé sa liberté avec une admiration coupable. Un péché, sans aucun doute. La honte l'avait envahi, le consumant tel un feu dévorant. Que penseraient ses maîtres s'ils venaient à découvrir son infidélité ? Et le pire était encore à venir. Se consolant dans l'idée que le destin avait mis à l'épreuve sa loyauté, s'assurant qu'il méritait la confiance des humains, leur clémence... Ezekiel s'était égaré dans... comment qualifier cela... la félicité ? Avait-il donc dévié de sa voie à un moment donné de son existence ?

Un péché. Il avait été châtié comme il se devait.

Sa fille, plus tard, qui aurait dû être un fardeau, n'était pas sa punition. Sa disparition, en revanche, était une sentence plus terrible que la mort elle-même. Il n'avait aucune certitude sur son sort, sur ce qui lui était advenu.

Il ferma les yeux, enfin vaincu par le sommeil. Mais les mêmes pensées tournaient encore dans son esprit tourmenté. Quand donc cesseraient-elles ? Tant d'eau avait coulé sous les ponts, alors pourquoi se tourmenter encore pour des sentiments qu'il ne ressentirait plus jamais ? Qu'il ne pourrait plus ressentir. Le bonheur lui semblait si lointain qu'il en avait oublié le goût.

Depuis quand n'avait-il pas goûté à la vraie joie ? Depuis quand n'avait-il pas souri sincèrement...

Finalement, alors que la nuit avait été courte comme toutes les autres, il y avait renoncé machinalement.

Il se tenait à présent devant son miroir, celui qu'il avait fini par remplacer après l'avoir brisé dès son arrivée, et se contempla. Devait-il être fier de ce qu'il avait accompli ? Ses maîtres semblaient s'en satisfaire... se délecter de ses actions.

Alors qu'il tentait de démêler sa longue tignasse, un écho résonna dans son esprit. Lointain et pourtant si proche. Une voix bourdonnante, s'imprégnant de sa conscience, glacial commandement. Bien que nombreux l'admirassent ou la craignissent, Ezekiel ne ressentait rien de tout cela. Elle était probablement son ennemie, comme tous les autres, et pourtant, il ne pouvait tout simplement pas ignorer son appel. Elle gouvernait sur cette île, et le calme qui y régnait était bien trop surnaturel pour ne pas être de son œuvre. Dans des circonstances « normales », les bêtes qui y cohabitaient auraient depuis longtemps succombé à leurs instincts prédateurs.

Orgueilleux, certes, mais prudent.

Il ignorait le motif de cette convocation, repassant dans sa tête chaque événement qui aurait pu la déclencher. Étonnamment, il pensa au psychologue avec qui il avait eu des échanges amusants. Mais il doutait qu'elle prenne la peine de le convoquer pour une affaire aussi futile. Sans doute avait-elle bien d'autres occupations.

Il revêtit donc ses vêtements. Il savait exactement où se rendre, l'endroit lui était clair, il s'était déjà renseigné sur les lieux avant d'y être convié. Népenthe, leur lieu de résidence, bien qu'il n'entendît que peu parler du patriarche. À croire qu'elle l'avait finalement dévoré, comme une mante religieuse ne se gêne pas de le faire. Un insecte plus impressionnant que véritablement menaçant, à condition de ne pas devenir sa proie.

D'un pas silencieux, suivant le chemin menant à sa destination, il ne lui fallut que peu de temps pour se retrouver devant la demeure. Froide, semblait-elle. Ou peut-être était-ce son interprétation personnelle. Sa main se posa sur la poignée qui s'ouvrit avant même qu'il ne l'actionne. Comme si on l'attendait. Parfait. Un sourire étrange éclaira fugacement son visage, ses yeux brillant d'une lueur particulière alors qu'il pénétrait dans ce qui semblait être le plus grand mystère de l'île.

Difficile de qualifier sa première impression qui aurait dû pourtant être d'émerveillement. Tout était pensé, après tout. Il le savait, avec ses maîtres, rien n'était laissé au hasard lorsqu'on endossait le rôle de guide. Parler était inutile, s'annoncer de vive voix tout autant. Surtout lorsqu'on était capable de s'infiltrer dans son esprit pour le sommer de trouver du temps et de venir ici. Alors, il attendit, aux aguets, prêt à jouer le jeu que l'on souhaitait avec lui. Et quelle venue, quelle honneur, d'avoir été appelé jusqu'ici.



KoalaVolant
Sam 20 Avr 2024 - 22:53
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La Matriarche
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Ezekiel Oldenbourg


Ezekiel Oldenbourg. Elle en avait entendu des murmures, et plus encore. Sa conscience flottait à la manière d’une brume sur Nitescence, et parfois des paroles en perçaient les volutes, des murmures que l’on se susurrait à l’oreille, à son oreille. Ceux qui bruissaient autour d’Ezekiel Oldenbourg lui revenaient en mémoire, petit à petit, alors qu’il traçait son chemin jusqu’à sa maison. Chaque pas marquait la cadence.

Tap. Le gardien se méfiait de lui.

Tap. Le docteur en était intrigué.

Tap. Les pas s’arrêtaient devant sa porte. Elle en commanda l’ouverture distraitement.

Tap. Elle avait entendu le murmure d’une vie coupée trop tôt. Elle n’était pas intime avec la mort de ses habitants. Comment le pouvait-elle ? Leurs vies étaient un battement de cœur, un bruit de fond si familier qu’elle en oubliait de l’écouter. Les années passaient, et avec elles les êtres. On creusait sa terre, et Nitescence avalait les morts tout entiers. C’étaient des choses qui arrivaient.


Elle ne tolèrerait pas, cependant, qu’Ezekiel Oldenbourg lance les dés à sa place. Nombre de ses mains en contenaient dans tout autant de paumes tendues. Elle soupesait chacune d'entre elles, attendait le moment propice, maîtresse d’un jeu qu’elle avait créé et maîtrisé depuis des millénaires. Ezekiel Oldenbourg se croyait vieux et avisé ? Elle l’était encore davantage.


Elle le voyait avancer dans ses couloirs. Sentait-il ses milliers d’yeux peser sur son corps frêle ? Il était le premier à l’arpenter depuis— Oh, que le temps lui échappait. Cela n’avait pas la moindre importance. Ezekiel Oldenbourg déambulait, un présent auquel elle pouvait s’accrocher. Elle tourna sa voix à l’intérieure d’elle-même, dans une langue mélodieuse dont il comprenait intimement tous les accents.

Ezekiel Oldenbourg. Parlez librement. La Matriarche vous écoute.


Il pouvait marcher, ou bien courir, elle était infinie, et contrôlait cette maison que certains, dans leurs moments les plus délirants, avaient osé appeler « piège ». Qu’il regarde. Qu’il furète – elle crut sentir le picotement d’une lèvre se retrousser, quelque part, dans un vieux réflexe que les années n’avaient su effacer – ; Ezekiel Oldenbourg ne découvrirait rien en ces murs ancestraux, pas sans qu’elle le veuille.

Ezekiel Oldenbourg. La Matriarche a entendu une vie s’écourter dans sa forêt. Vous étiez proche. Elle marqua une pause. Elle voulait toute son attention, mais il arrivait que sa voix n’assomme ceux qui n’avaient pas l’habitude de la lui donner. Très proche. Contez avec vos mots la tragédie. Choisissez-les bien.

Elle avait entendu qu’il était bon parleur, et plus encore. Tenterait-il sa chance avec la maîtresse des lieux, ou ferait-il pénitence la tête basse ? Elle en était curieuse. Il avait pipé les dés de ses mains ; il ne tenait qu’à lui de les jouer habilement.



Lun 22 Avr 2024 - 0:56
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Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel Oldenbourg
 

"« Comment la loi pourrait-elle me convoquer ? la loi n'a aucun besoin de moi. Je ne puis être convoqué que par quelqu'un. »"=> "Le Procès" de Franz Kafka


L’art de la prudence serait de mise, connaître son ennemi était sacré, car de cette connaissance naissait la possibilité de sa chute. Mais la matriarche, divinité insaisissable, demeurait hors de portée pour le moment. Tel un dieu dont on susurrait le nom sans jamais contempler la forme, elle semblait régner en toute puissance, sa présence omniprésente incontestable.

Pourtant, il ne pouvait nier l'évidence de son existence, gravée dans chaque recoin de ce monde-cette île- qui était son œuvre. Chaque souffle, chaque murmure semblait porter son empreinte, comme autant de rappels de son pouvoir indéniable.

Cependant, nul n’était à l'abri de la vulnérabilité. Mais masquer ses faiblesses, revêtir l'armure de l'invincibilité, tel un stratagème pour semer le doute dans les esprits, était une tactique courante. C'était là le moyen de défier les forces qui nous dépassaient, de s'élever au-dessus de l'adversité. Et de vaincre qu’importait ce qui se dressait devant soi.

Sa voix, comme un écho lointain, résonnait à ses oreilles, l'enveloppant dans une aura inqualifiable alors qu'il se tenait là, immobile, conscient de la présence de celle qui détenait les rennes ici.

Parler librement ? Mais de quoi donc ? Telle était la question qui tourmentait l'esprit d'Ezekiel. Si seulement il comprenait ce qu'on lui reprochait, au moins. Il avait choisi la voie de la prudence, gardant le silence, attendant que les éclairs d'éclaircissement illuminassent l'obscurité de ce qui ressemblait à une accusation. Dans le silence tendu, il sentait sur sa peau les regards acérés, pareils à des chauves-souris tapies dans l'ombre, prêtes à fondre sur leur proie.

La voix de son interlocutrice, grave et monotone, s'élevait, drainant avec elle une énergie oppressante, comme un tourbillon aspirant la vitalité de ses auditeurs. Pourtant, Ezekiel demeurait de marbre, vigilant, absorbant chaque mot, les intégrant au creux de son être.

Un léger froncement de sourcils, voilà la seule réaction qu'il laissa transparaître. Il se demandait d'abord s'il s'agissait d'une plaisanterie de mauvais goût ou s'il avait bien saisi la situation. Quelqu'un était mort ? Il ne se souvenait pas d'avoir commis un tel acte, du moins pas sur cette île. Immobile, imperturbable, il laissa le silence retomber, suivant le fil des événements qui semblaient si éphémères, pour enfin arriver à une hypothèse...

- Surprenant.

De nouvelles pièces du puzzle se dévoilaient à lui alors que le scénario prenait forme dans son esprit. Oh, combien de recherches il avait dû entreprendre pour en arriver à cette hypothèse. S'agissait-il de l'affaire avec le braconnier? Il n'avait même pas eu le temps de vérifier par lui-même, mais il était convaincu que Monsieur Stanford avait déjà pris les devants. La question demeurait : était-ce le nébuleux qui s'était empressé de divulguer l'information, satisfait de le mettre en difficulté, ou bien avait-elle été mise au courant bien avant cela ?

Dans tous les cas, même si Ezekiel avait délibérément instigué le gardien sur ce point précis, l'impact de son geste n'avait été ni assez dévastateur pour l'emporter dans l'ultime obscurité, et même si tel avait été le cas, il avait rencontré le dur tronc d'un arbre avant d'atteindre sa cible, atténuant ainsi la violence de l'impact. La question demeurait pendante : comment avait-il bien pu trépasser ? Monsieur Stanford aurait-il pris l'initiative de l'achever de sa propre main ? Ezekiel garda cette hypothèse en réserve, sans pour autant la rejeter. Bien que peu probable, elle n'était pas à écarter d'un revers de main.

- Voilà une ironie à laquelle je ne m'attendais guère, ajouta-t-il pensif, C'est par vos paroles que me parvient la nouvelle de la mort de… je suppose le braconnier ?

Se justifier serait une tâche herculéenne pour Ezekiel, alors que la mort en question semblait n'être que l'aboutissement d'un absurde concours de circonstances, frisant même le burlesque. Certaines créatures étaient si délicates que le moindre éclat de verre suffisait à mettre leur existence en péril. Ezekiel avait souvent médité sur la survie de ces êtres fragiles dans un monde si implacable... Et il lui était ardu d'endosser le poids d'une mort si grotesque.

Mais alors, pourquoi avait-il été convoqué ? Était-ce une démonstration de puissance ? Un avertissement à peine voilé ? Ou bien une leçon morale, aussi subtile qu'une dissertation philosophique, insinuant que même un acte commis par inadvertance ne saurait être excusé ?

Pourtant, il était doté de tous les éléments nécessaires pour plaider son innocence... dans le cadre d'un procès impartial. Or, en cet endroit, la présence d'une telle justice était loin d'être assurée. Cette situation pourrait donc être l'occasion pour lui de mettre à l'épreuve la capacité de l'île à faire preuve d'équité...

Très lentement, il leva sa main jusqu'à sa tempe.

- L'on m'a enseigné un jour..., commença-t-il d'une voix lente et mesurée, ...que si quelqu'un prend pour cible votre tête ou un organe vital tel que le cœur, c'est qu'il doit être prêt à en assumer les retombées, quelle qu'elles soient. Il marqua une pause, observateur avant de conclure, Cet individu était conscient de l'ampleur de son geste en visant délibérément mon crâne.

Quelqu'un capable d'une telle précision dans ses visées incarnait, à tous égards, une menace insidieuse. Ezekiel, par son habileté à esquiver avec adresse, n'avait échappé qu'à une égratignure fugace sur la joue. Il maîtrisait l'art de déjouer ces coups, véritablement fourbes dans leur exécution. Ainsi, il ne saurait se trouver en ces lieux pour pleurer la perte d'un individu dénué de toute valeur morale, osant semer des pièges perfides dans les sinuosités de la forêt.

- Mais vous êtes aussi consciente que moi-même, si l'intention de le tuer m'avait animé, les choses auraient été menées avec une tout autre intensité. J'agis dans la stricte mesure de la légitime défense... Ce coup, à peine suffisant pour l'assommer, en atteste. Il est probable qu'il ait heurté le sol par la suite. Si ce n'avait pas été moi qu'il visait, vous auriez probablement eu un de vos élèves ou un habitant assassiner froidement entre les bras.

Cela aurait assurément suscité des problématiques bien plus graves, n'est-ce pas ? Tout comme la disposition astucieuse de ces pièges au sol, ou encore le péril latent représenté par certains élèves capables de métamorphoser en créatures animales, exposés ainsi à des risques fatals. Il était légitime de se questionner sur la justification réelle de cette réprimande... À moins que ses accusations ne reposent exclusivement sur le rapport partial  de Monsieur Stanford. Dans ce cas, la matriarche serait non seulement dans l'ignorance des circonstances précises d’un décès, mais également des tenants et aboutissants réels de cet événement.

- Dans tous les cas, il s'agit bel et bien de légitime défense ; ma défense était exercée pour soi-même ou pour protéger autrui, elle était immédiate et nécessaire à ma propre protection, signifiant que la riposte est la seule solution viable. De plus, elle doit être proportionnelle, c'est-à-dire égale à la gravité de l'attaque subie. En l'occurrence, l'individu en question avait clairement l'intention de m'ôter la vie.

Cependant, Ezekiel se trouvait dans l'incertitude. Pourquoi avait-il été convoqué avec une telle célérité pour cet épisode, alors que le braconnier avait vraisemblablement opéré en toute quiétude pendant une période indéterminée, à en juger par l'état de sa proie ? Une constatation des plus intéressante, assurément.

Et maintenant, il réalisait que le seul détenteur des détails sur les circonstances du décès de cet individu était Monsieur Stanford... tiens donc…

Il demeura là, immobile, à attendre dans le silence, écoutant avec une prudence calculée.


KoalaVolant
Ven 26 Avr 2024 - 13:57
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La Matriarche
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Ezekiel Oldenbourg


Dans toute sa concentration, elle n’entendait plus que ses pas et les mots qui sortaient de sa bouche. Elle connaissait d’innombrables langues – mortes et vivantes, elle était la gardienne de tant de langages qu’il lui arrivait parfois de les confondre – et il lui fallut quelques temps avant de reconnaître celui dans lequel s’exprimait Ezekiel Oldenbourg.

Anglais. Un mot bien ridicule pour des syllabes qui résonnaient, grinçantes, entre ses murs. Il n’avait pas une voix désagréable, mais elle passait tellement de temps avec elle-même qu’elle en oubliait de supporter les autres. Chaque mot se teintait d’une déférence obséquieuse, celle dont se paraient tous ses sujets.


Il raisonnait juste, et il raisonnait bien, avec une logique dont elle aurait pu faire preuve. Il s’était arrêté dans un de ses couloirs, conscient, sûrement, qu’il ne la retrouverait pas. Elle était la Népenthe après tout, et elle était plus que ça encore. Si elle s’éveillait assez, elle aurait pu pointer exactement où il se trouvait, aurait pu se pencher vers lui avec une attention toute particulière.

Il y avait longtemps, cependant, qu’elle avait pris forme. Ezekiel Oldenbourg était intriguant, elle le concevait au médecin – faudrait-il qu’elle l’appelle à elle, lui aussi ? Elle avait entendu des murmures qui ne l’enchantaient guère, perçant le brouillard de sa somnolence – mais pas au point de mériter qu’elle ne se livre à lui ainsi. Pas encore. Peut-être jamais. Dans son existence, ‘’jamais’’ était une norme qui lui convenait.


La voix posée d’Ezekiel Oldenbourg entonna son dernier chant puis tomba, l’homme muet de nouveau. C’était un homme, ou du moins elle le pensait. Elle pencha une tête sur le côté puis sur l’autre, l’examina sous toutes ses coutures ; il resta étranger à cette curiosité qu’il ne pouvait percevoir. Des milliers d’années d’existence et certains concepts avaient fini par lui échapper.

Mais non, c’était bien un homme, de ce qu’elle en voyait. Satisfaite, elle s’en retourna à elle-même, se laissa couler sur le rien et dit :

La Matriarche entend ce que vous dites.

Ils auraient pu en rester là ; mais elle sentait qu’Ezekiel Oldenbourg était de ces esprits farouches qui voyaient une porte à peine ouverte et se permettaient de l’enfoncer si l’opportunité se présentait.

Nitescence était encore son île. Les vies qui y évoluaient lui importaient peu, mais ce qu’elles faisaient de la liberté qu’elle leur accordait, ceci, elle s’en souciait. Elle fit grandir sa voix, considéra les émotions qu’elle avait un jour ressenti comme un être vivant et qui n’étaient aujourd’hui que des échos ; en choisit une avec le plus grand soin et la noua aux paroles qui résonnaient dans ses murs.

La Matriarche vous somme cependant, Ezekiel Oldenbourg, de ne pas oublier votre rôle ici. Vous n’êtes pas le bras armé de la Justice. Vous en êtes un de ses sujets, soumis aux mêmes règles. Une vie a été perdue. C’est une décision qui ne vous revenait pas.

Elle laissa ses mots planer dans le silence de la Népenthe. Les filets de ses pouvoirs caressaient les murs vieux de sa demeure. L’entretien touchait à sa fin ; bientôt Ezekiel Oldenbourg sortirait et il oublierait tout d’elle, si ce n’est ses avertissements qui avaient l’allure d’une brimade d’une mère à son enfant.

Ce qu’il était. Ce qu’elle était. Deux rôles qu’ils avaient accepté d’endosser en s’établissant ici.

La Matriarche accepte vos dires, tonna-t-elle plus doucement. Mais ce ne sera pas toujours le cas. Rendez vous aux funérailles de cet homme, ou à sa tombe s’il a déjà été accueilli en moi. Considérez vos actions au-delà du présent. Jouez vos coups à l’avance, Ezekiel Oldenbourg.

Elle étendit une main vers sa porte d’entrée et l’ouvrit en grand. Le monde extérieur les appelait ; seul un, pourtant, cèderait à son appel. Son avance à elle ne justifiait pas sa présence en dehors de ses murs. Pas pour le moment. Et lui ? Quel rôle comptait-il endosser ? Voilà bien une histoire qu’elle suivrait avec attention.

Ezekiel Oldenbourg, la Matriarche vous remercie. Et que la lumière guide vos pas.



Mar 7 Mai 2024 - 13:30
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