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L'homme est un aveugle qui va dans le droit chemin PV Opale :: Archives :: Bibliothèque des anciens RP :: Présent
Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel Oldenbourg
 

L'homme est un aveugle qui va dans le droit chemin =>Platon 


Ezekiel avait navigué à travers une mer d'hésitations avant de songer à renouer le fil ténu de la communication avec Opale. Ce dernier s'était éclipsé précipitamment, se portant au secours du frère d'une habitante de l'île, laissant à Ezekiel la suggestion de lui laisser une trace écrite s'il nourrissait toujours l'envie de partager un moment autour d'un verre. Dans les replis de sa pensée, le dragon s'était laissé bercer par l’incertitude, d'amertume et de méfiance, même si l'obscurité visuelle d'Opale aurait pu adoucir ces sentiments. Et le prendre en pitié. De plus, Ezekiel doutait que leurs motifs de se revoir soient valables. L'atmosphère semblait chargée d'une subtilité qui ne le laissait pas convaincu de la naïveté potentielle de son interlocuteur.

Pourtant, après avoir réorganisé le kaléidoscope de ses pensées, peut-être guidé par les conseils de son lui-intérieur, Ezekiel envisagea finalement de tracer les contours d'un message, une invitation à se retrouver dans un bar. La langue anglaise, avec sa fluidité poétique, s'offrait à lui comme une plume familière, plus docile que le français, plus envoûtante que l'allemand, bien que peut-être pas aussi enflammée que l'italien. Au fil des époques et des errances imposées par les humains, il avait tissé sa toile linguistique, le laissant se mouvoir parmi tout une panoplie de langue appris au fil du temps. 

Pourtant, malgré sa perplexité et son léger mécontentement, Ezekiel se sentait presque coupable de se plaindre. Il se rappelait que les humains, agissant ainsi, œuvraient pour son bien. Leur intention sous-jacente était de le placer dans les conditions optimales pour éradiquer la menace représentée par les nébuleux. Il devait constamment se répéter cette vérité, comme un mantra, afin que chaque action entreprise conserve sa signification profonde. Les sacrifices endurés, le mal infligé à ceux qu'il avait appréciés, tout cela devait, d'une manière ou d'une autre, contribuer à la réalisation de cet objectif crucial. C'était cette pensée qui lui offrait un modeste réconfort et lui permettait de trouver un sens dans les épreuves qu'il traversait.

Sinon, il aurait tout sacrifié... pour rien.
 
Car, au-delà des circonvolutions de la pensée, le dragon devait se rappeler inlassablement que chaque pas, chaque sacrifice, chaque rencontre, s'inscrivait dans le simple but d'éradiquer la menace des nébuleux. Un but qui conférait un sens transcendant à chaque dilemme, à chaque tribulation, et qui, espérait-il, justifierait les souffrances infligées à ceux qu'il avait un jour chéri.
 
Ezekiel, songeur, s'était surpris à enserrer machinalement le stylo entre les doigts de sa main gauche, secouant la tête comme pour chasser les pensées qui menaçaient de le submerger. La main droite, progressivement en voie de guérison après l'incident, n'exigeait plus de protection particulière, la blessure se refermant avec une célérité remarquable. La race à laquelle il appartenait jouissait en effet d'un système immunitaire très bon et d'une capacité de cicatrisation tout aussi efficace. Il savait qu'il avait échappé à de nombreux périls au cours de sa longue existence grâce à ces facultés.
 
Les soins prodigués par Opale ne passaient pas inaperçus, et Ezekiel ne pouvait qu'admettre leur efficacité et l'intrigante puissance de son don. Les sujets liés à la santé étaient délicats, touchant à la peur de la mort et suscitant le respect ou la crainte envers les guérisseurs, particulièrement ceux dotés de pouvoirs exceptionnels.
 
Bien qu’Ezekiel ait tendance à envier les autres et à minimiser sa propre force, la réalité était qu'il possédait des capacités qui ne devaient pas être sous-estimées non plus. Malheureusement, son manque de confiance en lui le poussait à balayer ses propres talents d'un revers de main.
 
Après un ultime soupir, il acheva la rédaction de la note destinée à Opale, qu'il prévoyait de déposer à l’infirmerie. Cependant, un doute s'insinua dans son esprit : cela ne semblait pas très judicieux. Il envisagea rapidement les complications possibles : Opale pourrait ne pas être disponible aujourd’hui, et il serait difficile de le prévenir, à moins de se lancer dans une chasse effrénée à travers les recoins de l'île. De plus, si Ezekiel avait bien compris, Opale n'occupait pas un poste au sein de l'établissement scolaire, se limitant à apporter son concours en cas de besoin.
 
La créature, déterminée à contourner les écueils de l'incertitude et à s'assurer de la disponibilité d'Opale, avait décidé de faire appel à l’une de ses élèves. Après sa leçon d'histoire matinale, il sollicita la collaboration d'Eline, une nébuleuse jackalope, petite lapine en apparence, qui se porta volontaire pour se rendre chez le médecin, là où ce dernier exerçait ses consultations. Intriguant qu'elle n'ait pas émis de protestation, Ezekiel avait offert en guise de motivation la possibilité à Eline de choisir le sujet de son prochain cours d'histoire. L'enthousiasme de la jeune élève ne se fit pas attendre, et elle partit en mission sans hésitation.
 
La raison principale pour laquelle Ezekiel évitait de se rendre lui-même chez Opale était bien plus que la simple paresse. En réalité, il avait déjà effectué une évaluation pour mesurer le niveau de connaissance de ses élèves en histoire. Les réponses aberrantes sur les copies avaient laissé le professeur sidéré. Ainsi, selon un étudiant le siècle des Lumières était associé à la naissance du soleil(cette réponse ne cessera de m'éblouir...), pour un autre élève, l'Amérique avait été découverte par Christophe Maé(Tout ça en chanson!), un troisième avait écrit que « , Marie Antoinette incarnait la victime exemplaire d’un système politique et le bouc et mystère (???) idéal de la révolution pour les partisans », suivit par une copie qui expliquait « Hitler rassembla ses nombreux fan(Des fans...) à Nurembert, son but étant de créer une nouvelle race ;la race aérienne(réponse qui ne vole pas bien haut...) », ou encore « Jeanne Dark(bien sûr) a été brulé vive à la révolution française après avoir été présidente », et évidemment « les Égyptiens écrivent sur du papier russe(ah...) » ou qu’un artiste italien de la renaissance se nommait Mickey l’ange…(dites moi que vous plaisantez.) , Ezekiel avait frôlé l'effondrement.

Le dragon était perplexe face aux absurdités inscrites sur les copies de ses élèves. Avait-on réellement pu accumuler autant d'inepties ? Il se demandait s'ils s'étaient concertés pour le taquiner, car il semblait impossible qu'autant d'extravagances émanent d'une simple coïncidence. Il se félicita d'avoir entrepris ce petit test, une mise à l'épreuve de l'étendue de leurs connaissances, révélant une lacune abyssale. Il ne pouvait que soupirer, constatant que le point de départ de son enseignement devait être fixé au niveau le plus élémentaire.
 
Dépité, il avait heurté sa tête contre la table du bureau de la salle des professeurs, suscitant une compassion manifeste de la part de l’un de ses collègues présent. Corrigeant les copies avec une grimace, Ezekiel tentait de sauver les appréciations des copies les plus désastreuses, tout en se demandant s'il pouvait véritablement descendre plus bas. Alors qu'il se morfondait dans sa déception, un frappement à la porte attira son attention. Il fit signe à son collègue qu'il allait ouvrir, et là, sur le seuil, se tenait Eline, affichant un sourire rayonnant.
 
- J'ai passé le mot pour votre rencard ! rigola-t-elle.
 
Ezekiel esquissa un sourire contraint. La jeunesse, toujours prompte à taquiner. Il n'était déjà pas d'humeur pour ce genre de plaisanterie, mais il se devait de rester aimable, reconnaissant qu'elle lui avait rendu service. Cependant, l'envie de l’embêter à son tour était trop tentante, surtout après avoir lu sa copie d'histoire.
 
- Vous êtes aussi imaginative de ce côté-là que pour votre copie d’histoire. Mais puisque vous êtes là, autant que vous vous endormiez moins bête ce soir ; Galilée n’a pas été condamné parce qu’il a fait tourner la Terre !
 
-        Ahhh oui non, m'sieur, c’est pas ce que je voulais dire, vous m’avez compris, roh !
 
-        Je ne peux pas deviner et imaginer deviner ce que vous écrivez, Eline. Mais comme ce n’est pas la chose la plus absurde que j’ai pu lire, je vais aller me faire du thé et espérer ne pas me suicider avant d’avoir lu la dernière copie.
 
-        Soyez pas si aigri ! Vous n'êtes pas content ? M’sieur Caladrius a dit qu’il voulait bien vous retrouver au bar ! N'allez pas lui parler d’histoire, sauf si vous voulez qu'il s’endorme… soyez un peu romant….
 
-        Oui bon, ça va, j’ai compris ! le coupa Ezekiel, agacé et la mine légèrement boudeur, Merci de votre aide et utilisez un peu plus de votre temps précieux pour étudier ça vous fera grand bien.
 
Le dragon n’ajouta rien à ce sujet. Ezekiel préférait qu'ils se fassent des idées plutôt qu'ils n'aient des soupçons sur le fait qu'il ne désirait rien d'autre que d'éradiquer les nébuleux.
 
Il prit congé de l'élève qui s'éloigna en laissant échapper quelques gloussements. Après avoir dégusté un sandwich au poulet, Ezekiel se prépara avec une méticulosité presque rituelle pour le cours d'après-midi, consacré cette fois à la philosophie. Il espérait ardemment que les élèves, dans leur sagesse tardive, n'émettraient pas autant d'absurdités que le matin. Au moins, la plupart semblaient prêter une oreille attentive, voire s'intéresser à la matière, évitant ainsi de semer le désordre dans la classe.
 
L'après-midi s'écoula paisiblement et, lorsque la cloche sonna, Ezekiel se trouva avoir du temps. Il n'était pas encore tout à fait l'heure de se rendre au bar, mais plutôt que de laisser ce laps de temps s'évaporer, il décida de mettre à profit cette pause imprévue pour corriger les quelques copies qui subsistaient. Une tâche ardue, mais il en vint finalement à bout. Les feuilles corrigées trouvèrent leur place dans sa tirette, libérant ainsi le professeur du fardeau de la correction.

Enfilant son manteau avec un soupir de soulagement, Ezekiel se dirigea vers le bar, le premier à y arriver. Commandant un mojito, il espérait que son humeur, ternie par les vicissitudes de la journée, pourrait se transformer en une note plus agréable. Après tout, il avait accepté de revoir un nébuleux pour des raison… plutôt sombre en soi, même si cette contrainte supplémentaire lui pesait.
KoalaVolant
Lun 19 Fév 2024 - 22:26
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Opale Caladrius
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Opale Caladrius

L'Homme est un aveugle

Et toi ?

Feat Kiel



Journée pluvieuse. La bruine douce et terrible s’abattait sans discontinuer sur l’île et ses alentours. Et si elle était désavantageuse, elle formait de merveilleux rideaux dans l’horizon, des voiles obscurs, tantôt éclaircis par des percées aux allures presque divinatoires. Mais ça, bien sûr, Opale ne pouvait pas le voir. La pluie, il n’en aimait que l’odeur et la tranquillité qu’elle apportait quand il était chez lui, enveloppé dans une couverture à boire un thé bien chaud.

Mais aussitôt le pied mit dehors, il avait été assailli par le vent qui avait rabroué ses cheveux, son manteau et sa chemise, pour une fois, soigneusement repassée. Désabusé, il s’était enfermé dans l’infirmerie en bougonnant, laissant les rafales frapper contre les carreaux de sa fenêtre et siffler dans le corridor. Mais c’est qu’il faisait froid dans ce cloître ! Le médecin avait beau se frotter les bras pour se réchauffer, rien n’y faisait, la pierre glacée qui tapissait le moindre recoin de ce lieu semblait absorber toute sa chaleur.

Reniflant, il tâcha de tenir son poste sans bouger. Et puis les minutes passaient. Tic, tac. L’horloge semblait le tanner, même s’il ne pouvait pas y lire quoique ce soit, le temps semblait plus long en sa présence. Quelques élèves passèrent le voir et il tâcha de se montrer accueillant, souriant et bienvenue, enfilant ce délicieux masque de bonté tant apprécié.

Ses doigts glacés faisaient frissonner, un pansement par ci, quelques médicaments de sa concoction par-là, ou des phrases rassurantes suffisaient bien souvent. Il était toujours amusant pour le Caladre de rencontrer la jeunesse de Nitescence. Après tout, il avait bien souvent affaire avec les adultes mais bien peu les enfants. Il fallait dire qu’il n’était pas très doué, un peu maladroit dans la manière de leur parler. Et puis, ils en avaient de ces questions ! Chaque journée à l’infirmerie, il repartait éreinté. Et il enviait Gerhard de n’avoir que des patients adultes, ou presque.

Il remplissait d’un air ennuyé un rapport avec la lenteur d’un escargot un jour d’été lorsqu’Eline entra dans l’infirmerie. Il la connaissait, car elle était déjà venue pour ses cornes. Les Jackalopes, mâles comme femelles et à la manière des cerfs, perdaient leurs bois. Ce n’était pas agréable, bien que ce ne soit pas douloureux. La jeune nébuleuse était venue le voir, les yeux remplis de larmes et il avait largement ratissé le sujet avant de lui proposer une onguent qui soulagerait l’irritation.

Mais cela ne faisait pas longtemps alors Opale releva distraitement la tête, l’air curieux. Il l’avait senti arriver depuis le couloir, malgré ses pas particulièrement légers. Il sentait une agitation en elle et qu’elle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle lui tendit un mot de son professeur chéri, Mister Oldenbourg. Sous son bureau, le Caladre serra le poing avant de se saisir le mot et le déplier avec une once d’impatience.
Mots élégants. Presque doux. Il voulait le voir. Ce soir. Le médecin sentit son cœur battre dans sa poitrine et afficha un sourire à Eline, lui disant simplement que c’était d’accord. Il n’avait pas hésité un seul instant et pourtant, lorsque la lapine quitta son cabinet, le front d’Opale rencontra la table.

Rhaaaa.
Quel…
Mais quel petit…


Malappris. Goujat. Malotru. Maroufle… Butor ? Il n’était pas certain de celui-là, un terme bien ancien. Tous les mots lui venant à l’esprit, il les murmurait, serrant la délicate note entre son poing et la balançant à l’autre bout de la pièce. Qu’il ait une si jolie prose ne pardonnait rien. Lorsqu’ils s’étaient quittés il y a quelques jours à présent, Opale aurait juré qu’il lui avait envoyé quelques signes. Bon, après tout, c’était surement de sa propre interprétation. Avait-il mal pris l’avertissement qu’il lui avait soufflé ? C’était plus pour s’en amuser qu’autre chose.

Dans tous les cas, Ezekiel aurait pu lui faire L’HONNEUR de le gratifier de sa si NOBLE présence. Il savait qu’il n’était que l’infirmier et l’infirme à qui on doit donner le bras pour qu’il ne trébuche pas. Surement qu’il ne vaudrait jamais plus aux yeux de cet homme. Opale avait toujours une forme de curiosité pour les nouveaux arrivants. Et puis, du moment où on lui accordait de l’attention, il savait la retourner. Toutes les interactions avec Ezekiel avaient été tintées d’étranges signaux et Opale rencontrait des difficultés à poser le doigt dessus. L’obscur vérité du professeur était insondable, même pour lui.
Peut-être aurait-il du refuser.


Mais il l’intriguait malgré lui. Il avait repensé à leur discussion, à ses réactions aussi insolites que décalées. Quelque chose clochait et malgré lui, Opale avait envie de savoir de quoi il en retournait. Peut-être aussi qu’il s’ennuyait ces temps-ci. Même si l’arrivée de Gerhard avait attisé sa flamme curieuse, l’humain était pour le moment discret et semblait pour le moins, gêné par sa présence. Il avait bon espoir, mais voilà qu’Ezekiel semblait moins délicat à investiguer.

Opale passa le reste de l’après-midi à ruminer ses pensées, ses jambes lestement étendues sur son bureau, le corps avachi dans sa chaise. L’heure sonnante, il sortit en vitesse et remonta jusqu’au manoir pour se changer. Il était décoiffé, débraillé, non, voilà un moment qu’il n’était pas allé au bar et il voulait se montrer présentable. Un veston élégant aux motifs floraux, un pantalon qui descendait jusque sur ses chevilles, une chemise aux manches larges et un joli ruban bleu dans ses boucles blanches et il se sentait plus en confiance.

En voyant l’obscurité descendre sur l’île et après quelques hésitations il se décida finalement à prendre une canne. Elle était jolie, longue et fine, ornementée de motifs gravés, il l’avait trouvé dans les greniers de la maison. Ce n’était pas le problème, seulement… Il avait parfois du mal à admettre qu’il en avait besoin. Mais pas question de se salir ce soir.

Opale reprit le chemin jusqu’à Lucent dont les lumières floues brillaient dans le lointain. Arrivé en ville et ses jolis pavés, il rejoint le bar et poussa la porte. Il y avait de la musique et a peine entré, déjà plusieurs habitants se jetèrent sur lui pour le saluer, lui touchant épaules, mains, bras, taille et il esquissait des sourires bienveillant. Il y a quelques années, il rejetait tout contact mais à présent, cela le gênait moins. Il ne chercha même pas du regard Ezekiel, c’était inutile parmi toutes les silhouettes floues, se penchant vers une habitante, et amie, pour lui demander s’il y avait le nouveau professeur ici. Elle lui indiqua discrètement et il s’avança jusqu’à lui, s’annonçant plus timidement.

-Bonsoir, Ezekiel.


Opale avait décidé de mettre de côté la petite amertume de la note. Il lui tapota doucement l'épaule, s’installant sur le tabouret à ses côtés en déposant sa canne. Il sourit, inclinant la tête pour tenter de distinguer ses traits. Il ne se trompait pas, au moins.

-J’ai bien reçu votre note, elle était si joliment écrite que je n’aurais pu repousser l’invitation.


Un rire léger, il contint la pique qui lui brûlait les lèvres, commandant un whisky au barman qui s’exclama en le voyant. Le médecin était apprécié des gens du village, après tout il était bien le seul. Voilà plus de 40 ans qu’il était sur l’île et sa réputation était bien implantée. Vertueux bienfaiteur, prêt à tout pour soigner les désœuvrés. Un beau titre qui parfois, renfermait des événements plus sombres. Opale ramena ses cheveux derrière son épaule, tâtonnant le comptoir à la recherche de son verre.

-Je l’attendais, à vrai dire.


Touché, comme diraient les Français.
-Vous avez piqué ma curiosité, à notre première conversation, c’est un exploit. Et puis, la petite Eline semblait plus enthousiasmée que nous à l'idée que l'on se voit, c'était attendrissant, je n'ai pas eu le coeur à refuser.

Il fallait dire qu'Opale était souvent ennuyé. Et il avait encore en tête les gloussements curieux de la petite élève.
Mais quand même. Envoyer un élève à sa place...
notes
Ven 23 Fév 2024 - 20:57
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Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel attendait confortablement à sa table, son regard se perdant dans les dédales de ses pensées. Les nouveaux venus dans le bar ne captaient qu'une fraction minime de son attention. Dans une sorte d'indifférence feinte, le dragon aurait pu, par un semblant d'effort social, s'inquiéter du sort probable d'Opale, probablement en train de le chercher parmi les silhouettes, toutes aussi indistinctes les unes que les autres.

 
Nullement animé par l'intention de nuire, du moins à ce stade, ou de manquer de courtoisie, l'idée ne semblait tout simplement pas effleurer son esprit. En attendant, son verre trônait devant lui, et d'un geste délicat, il s'empara d'une revue abandonnée sur une table voisine. C'était un magazine de l'île, apparemment délaissé. D'une manière presque décontractée, il se plongea dans sa lecture, découvrant avec une sorte de résignation que l'auteur en était Monsieur Miaou. Ce dernier jouissait indubitablement d'une certaine notoriété ici, et Ezekiel n'avait pas été dupé à ce sujet.
 
De temps à autre, le regard d'Ezekiel se détournait pour lancer de bref regards aux personnes présentes dans le bar. Il remarquait leurs gestes, déposant parapluies et abaissant capuches une fois à l'intérieur de l'enceinte chauffée. Le dragon, lui, était probablement le seul à ne pas s'encombrer de la moindre protection. Aucune goutte n'avait osé toucher sa chevelure de jais, préservant ainsi les résultats de ses coups de brosse assidus pour maîtriser ses épis rebelles. Ainsi, il avait franchi la porte du bar, restant aussi sec que s'il était entré par une tendre nuit d'été. Cependant, il ne pouvait résister aux rafales froides qui l'avaient quelque peu déconcerté.
 
Les cheveux demeuraient secs, mais les assauts du vent les avaient tout de même laissés en désordre. Quelle tristesse. Quelle idée de choisir ce jour précis pour retrouver Opale. Était-ce encore l'une de ses lubies ou simplement le désir d'assouvir une fois de plus sa curiosité, avant d'oublier une fois de plus que, pour se sociabiliser, les lettres ne suffisaient pas.
 
L'idée d'une machine surpuissante, capable d'expédier des messages à la vitesse de la frappe d'une machine à écrire, se forma dans l'esprit d'Ezekiel. Une sorte de système de messagerie instantanée, dépassant en rapidité les envois de lettre, accessible à tous par le biais d'une boîte magique d'ordinateur abordable jusque-là réservé à l’élite. C'était une vision où il ne serait plus contraint de quitter son chez-soi pour communiquer oralement avec les autres. Un concept étrange, teinté d'irréalité, un rêve de facilité qui, dans la réalité, n'aurait pas résolu ses problèmes d'interaction sociale. Au contraire, son isolement était une leçon, une indication de ne pas succomber à la tentation d'une telle facilité.
 
Perdu dans ces considérations futuristes, il fut presque surpris quand une main vint délicatement tapoter son épaule. Son regard abandonna momentanément la revue pour se poser sur Opale, qui l'avait miraculeusement retrouvé. Ezekiel se permit un soupçon d'humour en se demandant si, en plus de ses dons pour le soin, Opale ne possédait pas également celui de la clairvoyance.
 
-        Oh !... Bonsoir, Opale. Comment vous portez-vous ?  Je suis navré, je n’avais pas anticipé un tel vent aujourd'hui. Si j'avais su, je vous aurais proposé un autre moment...
 
L'amour profond d'Ezekiel pour l'eau, ainsi que sa capacité à la manipuler à sa guise, l'avaient peut-être aveuglé sur le fait que la pluie ne suscitait pas toujours la même appréciation chez les autres. Il comprenait désormais que, même s'il trouvait la pluie enchanteresse, cela pouvait ne pas être le cas pour tout le monde. Pourtant, l'eau était la source même de toute vie, l'essence même de l'existence. Enfin, il serait intéressant de noter sur la possibilité qu'Ezekiel, par un simple caprice, aurait pu délivrer l'île de la pluie persistante pour offrir une soirée douce et clémente. Mais à quoi bon manipuler la météo pour satisfaire un simple caprice aurait des conséquences inévitables sur la faune et la flore de l'île. Même un dragon n’était pas assez inconscient pour défier dame Nature.
 
Toujours aussi poli, toujours aussi doux, et toujours aussi taquin. Le sourire de son interlocuteur portait cette candeur particulière qui semblait contraster avec la personnalité du dragon, bien que cette douce ironie soit tout aussi présente chez lui. À peine entamée la conversation, Ezekiel se sentait déjà taquiné.
 
-        Rien de bien exceptionnel, quand on a eu que la lecture et l'écriture pour tuer son ennui.
 
Il laissa à Opale le soin de passer commande à son tour, un whisky. Ezekiel observa brièvement le penchant pour l'alcool qui semblait teinter toutes les relations ici. La base de la sociabilité à n’en point douter ! Cependant, il se dit que cela pourrait au moins avoir l'effet de le détendre un peu, et Opale pourrait peut-être lui donner quelques indications intéressantes...
 
Enfin, Ezekiel pouvait déjà remarquer que le médecin jouissait d'une notoriété particulière. Le barman avait exprimé sa surprise à sa vue, et il avait bien remarqué les regards insistants qui se tournaient vers eux, alors qu'il aurait préféré passer inaperçu.
 
Une fois le verre apporté, Opale tâtonna quelques instants à sa recherche. Pendant ce temps, Ezekiel, d'un geste des plus discrets, poussa le verre en direction de son interlocuteur d'un mouvement machinal et sans un mot.
 
-        Si j'avais su que j'avais affaire à une personnalité de haute renommée, je vous aurais volontiers invité chez moi, soupira-t-il avec une moue légèrement agacée, jetant un regard vers une table qui semblait particulièrement les observer.
 
Comment pouvait-il espérer recevoir des informations POTENTIELLEMENT confidentielles si l'attention générale semblait captivée par leur présence ? Quelle poisse !
 
Enfin, Ezekiel, engagé dans son ardent désir de découvrir davantage, avait rapidement écarté l'idée conventionnelle selon laquelle on n'invitait pas un inconnu chez soi. Après tout, cette notion n'avait que peu effleuré son esprit. Certains nébuleux étaient avant tout des prédateurs et la notion d'inviter une proie chez soi semblait dénuée de danger... Cependant, un regard fugace d'Ezekiel sur la canne d'Opale le fit soupirer intérieurement. Ce qui n’était absolument pas le cas d’Opale.  D’ailleurs…Ezekiel avait-il seulement déjà ouvert les portes de son foyer à quelqu'un ? Même l'homme avec qui il partageait son quotidien et ses sentiments qui semblaient désormais si éloignés n'avait pas franchi le seuil de ses quartiers. Non pas par crainte d'exposer son intimité, son territoire, cela ne l'aurait pas dérangé. Au contraire, il aurait apprécié avoir la possibilité d'inviter cette personne dans sa sphère personnelle. Mais cela aurait probablement conduit à la mort de ce dernier par ses maitres… Ironique en repensant à ce qu’il s’était passé ensuite. Songer à tout cela était la pire des idées qui lui soit venue jusqu'à présent. Balayant cette pensée sombre, il prit une grande gorgée de son verre pour se recentrer sur Opale, ne revenant pas vraiment sur ses dires pour l'écouter attentivement.
 
Étonnamment, Ezekiel avait réussi à susciter la curiosité d’Opale, qui se contenta d'appuyer délicatement sa joue contre la paume de sa main, observant son interlocuteur avec un regard teinté d'amusement bien vite dissipé tendit que ses pupilles légèrement réduites à deux fentes le scrutaient avec attention.
 
Cependant, ce qui suscitait moins de rires chez le dragon était la possibilité que les récits imaginatif d'Eline aient pu parvenir aux oreilles d'Opale. Bien que l'élève ne brillait pas particulièrement sur le plan académique, elle avait su tisser des liens sociaux solides au sein de sa classe. Son petit groupe d'amis semblait bien établi, et tous semblaient l'apprécier et solliciter son aide, même dans des domaines où elle n'excellait pas.
 
-        Ah, vraiment ? J'espère que ses paroles ne vous ont pas prêté des intentions trompeuses de ma part.
 
La situation, qui, rappelons-le, était d'une simplicité désarmante : partager un verre avec le médecin qui lui avait prodigué son aide quelques jours plus tôt. Toutefois, la perspective de cette rencontre avait probablement été rendue bien plus captivante par la narration passionnée d'une adolescente en pleine ébullition.
 
-        Mais, une minute. Vous n'étiez donc pas enthousiasmé à l'idée de me revoir ?
 
Ezekiel continua d’observer Opale avec un sérieux feint, luttant contre l'envie de laisser échapper un sourire. Après tout, c'était Opale qui avait commencé par charrier le dragon. Et Ezekiel, bien qu'appréciant la compagnie de son interlocuteur, avait abordé la situation avec une prudence réfléchie, motivé par diverses considérations personnelles qui le poussaient à exercer une retenue calculée.
KoalaVolant
Dim 25 Fév 2024 - 11:23
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Opale Caladrius
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L'Homme est un aveugle

Et toi ?

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 Comment se portait-il ? C’était une question que l’on posait toujours comme si la réponse était innée. Opale, comme tous les autres, disait toujours « bien ». Il savait parfois pertinemment que l’autre parti se sentait mal, puisque cela résonnait jusque dans ses os. Ou si c’était son propre cas, un médecin digne de ce nom ne pouvait pas dire qu’il se portait mal. Qui serait-il pour prendre soin des autres en se portant mal lui-même ? Alors simplement…


-Très bien, merci. 

Il avait encore le nez froid de sa sortie sous la pluie, ses cheveux étaient humides et bouclaient plus qu’a l’accoutumée. De la vraie laine de mouton, aussi blanche que neige. Il renifla, se demandant bien quelle coupe pouvait avoir Ezekiel. Un bref regard en biais et il lui semblait distinguer une chevelure lisse et sombre. Puh. La chance. Le professeur ne semblait pas être ennuyé plus que cela par le mauvais temps. 

La lecture et l’écriture, hein. Mais aucune excuse en vue. Opale porta son verre à ses lèvres, l’agitant légèrement pour sentir et soupeser le liquide doré qui y baignait. Le goût fort réchauffa sa gorge et il ne broncha pas d’un cil. Et puis… Il aurait pu s’y étouffer de moitié en écoutant ses paroles suivantes, prononcées dans la plus grande lascivité. Haute… Renommée ? Chez… Lui ? Il haussa un sourcil sans se tourner en direction de l’enseignant. De nouveau ces signaux paradoxaux… Il reposa doucement le verre, le bruit mat du bois contre sa parois satisfaisait ses sens. Opale avait parfois tendance à ne pas mesurer la distance qui le séparait de la surface et il lui était même arrivé d’éclater des verres, au grand dam du Barman dont il sentait le regard.

Sa main balaya le comptoir avec une moue. Il n’aurait pas été contre se rendre chez lui. Et c’était sincère. La première impression qu’il avait eue de lui était assez… Décalée. Floue, comme le reste. Mais il avait l’air d’être une personne intéressante et le médecin n’était pas contre… Après tout, rares étaient les nouvelles rencontres sur l’île. La manière dont il avait fait la demande pour le revoir ressemblait presque à un rendez-vous. Mais à le voir, si nonchalant, peut-être s’était il trompé.

-Oh… Vous êtes curieux à présent ?

Souffla-t-il doucement avec un joli sourire,  retirant sa veste d’un geste souple pour la poser sur le siège d’à côté. Il remonta ses manches avant de reposer les coudes sur le comptoir. Ses doigts fins glissèrent le long du verre, s’y baladant pensivement dans ses pourtours. Sa phrase était sans reproches, mais pouvait laisser planer le doute.

-Je n’appellerai pas cela de l’enthousiasme. Mais de nombreuses questions me sont venues depuis notre première rencontre, alors me voilà, présent pour les assouvir.

Opale croisa les jambes, ses yeux se baladant sur les étagères d’alcool aux diverses couleurs. Il ne les voyait pas et pourtant, les couleurs, les reflets, les rires et les discussions, l’ambiance chaleureuse lui faisait du bien. C’était rare qu’il ne sorte de sa grotte, impétueux insociable, mais lorsqu’il le faisait, il s’assurait d’être présent et présentable.

-Oh, je sais. Je vous invitai en premier lieu pour répondre à vos interrogations sur l’île, mais vous avez du avoir vos réponses depuis le temps. Je me trompe ? Et si je suis une personnalité publique, alors vous êtes un mystère… 

Son menton reposa dans sa paume alors qu’il inclinait la tête sur le côté.


-Faisons un jeu. Une question chacun. Si vous ne voulez pas répondre, hé bien… Une gorgée d’alcool. Ou une action ridicule. Qu’avez-vous…ici.

Opale se pencha vers l’avant, quelques mèches glissèrent sur sa tempe pour suivre le mouvement et il renifla la boisson d’Ezekiel.

-Mo..jito ? C’est bien ça, le nom de la boisson ? Je n’en ai jamais bu. Je suis trop vieux jeu.

Rigola-t-il en jouant avec son verre de whisky. Le médecin se redressa, étirant ses bras comme un chat qui débloquerait ses épaules. Il essayait de s’amuser, rendre cette sortie moins classique, scolaire, bref, ennuyante. Était-ce malvenu ? 

-Prenez-garde mon cher, je sais quand l’on me ment. Mais comme je suis fair play, vous pouvez commencer. 

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Lun 26 Fév 2024 - 23:37
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Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel Oldenbourg
 

L'homme est un aveugle qui va dans le droit chemin =>Platon 


Opale, probablement par mécanisme, répliqua à la question tout aussi usuelle sur son bien-être posé par Ezekiel. Qui, parmi les humains-et nébuleux-, s'était véritablement soucié de la profondeur de cette interrogation, dévoilant ainsi une chronique fastidieuse des trivialités quotidiennes, une épopée dépourvue d'intérêt pour tout être, à l'exception peut-être des psychologues, qui s'enivraient des émoluments versés en échange de l'écoute de tourments qui leur étaient si étrangers.

 
Ezekiel aurait, à coup sûr, répondu avec une concision équivalente, dénuée de tout appétit pour approfondir le sujet. Opale devait en être conscient, car il ne lui renvoya pas la question, relevant davantage d'une politesse convenue que d'une authentique préoccupation.
 
Ainsi, Opale se retrouva à être lui-même servie. Il prit le temps de déguster sa boisson, tandis que le dragon, en compagnon dévoué, amena la paille à ses lèvres pour savourer son mojito, faisant résonner le tintement des glaçons lorsqu'il reposa le verre avec une élégance discrète.
 
Alors qu'Ezekiel, peu enclin à mesurer le poids de ses propres paroles, laissa échapper ses remarques, le médecin n'y prêta guère attention, badinant légèrement avec un sourire éminemment charmant illuminant son visage. Ezekiel, intrigué, pencha la tête sur le côté. Avait-il manqué de considération envers son interlocuteur ? L'avait-il offensé involontairement ? Ironique, lui qui prétendait avec humour s'être tourné  vers la gente masculine dans son attirance parce que "les femmes étaient bien trop compliquées", se retrouvait à réviser ses propres dires, trouvant la situation étrangement divertissante.
 
-        Je vous trouve très intrigant, Opale. Je ne pensais pas m’en être caché.
 
La créature qu’était son interlocuteur, imposante à sa manière et empreinte d'une aura qu’il forçait le respect, parvenait à captiver même le dragon. Cependant, Ezekiel ne récoltait ni sympathie ni le désir de maintenir un quelconque lien avec cet individu nébuleux, surtout lorsqu'il semblait être solidement enraciné et influent sur cette île.
 
Sur une réserve légèrement consentie, Ezekiel admit qu'il serait lui-même l'objet de questions. C'était la raison de sa présence ici, et il reconnaissait que c'était une règle du jeu équitable. Après tout, c'était également cette motivation qui l'avait poussé à revoir Opale. Ils se trouvaient donc tous deux dans ce bar dans l'attente de réponses. Pourtant, Ezekiel serait contraint de subir les assauts de la curiosité de son voisin. Un prix à payer, inévitablement mais juste.
 
Avant que le dragon puisse sonder les questions qui pèserait sur lui, Opale, d'une aisance presque trop évidente, indiqua être prêt à satisfaire sa propre curiosité en premier. C'était presque trop facile. Malheureusement, depuis leur dernière rencontre, les informations sur l'île et ses origines s'étaient avérées être distillées au compte-gouttes, selon les désirs d'Ezekiel, qui ne voulait pas paraître trop intrusif. Alors, il attendait, tapi dans l'ombre, son heure venue.
 
Enfin, il semblait qu'Opale éprouvait quelques difficultés à percer le mystère qui entourait Ezekiel. Sa tête inclinée, il le fixait, le menton posé délicatement dans le creux de sa main.
 
-        Je suis un mystère pour presque tout le monde, si cela peut vous rassurer, souffla le dragon, avec une pointe d'amusement dans le regard, sa main glissant sur le verre qu'il enserra de ses doigts avant de le porter à nouveau à sa bouche.
 
Cependant, attirer les regards et susciter l'intérêt relevait davantage d'une sinistre malédiction que d'une véritable chance. Personne ne se vantait d'être la source d'une convoitise particulière. Après tout, ce n'était pas sans raison que les tigres avaient quasiment été rayés de la surface de la planète.
 
Bien que ne pouvant jamais se targuer de sa condition, Ezekiel pouvait au moins s'appuyer sur son expérience incontestable et, dans un élan de générosité, offrir quelques réponses soigneusement dosées à son interlocuteur en échange des charmants sourires qu'il lui prodiguait. Après tout, Ezekiel n'avait jamais prétendu être insensible au charme des créatures, aussi vils et sournoises soient-elles. Cependant, ces pensées futiles ne l'empêcheraient ni de dormir, ni d'accepter sans la moindre hésitation que le moment viendrait peut-être où il devrait se défaire du médecin, tôt ou tard. Et pas de la plus louable des manières.
 
Mais pour l'instant, il devait se plier au jeu d'Opale. Cela ajoutait indéniablement du piquant à leur échange.
 
-        C'est entendu. Je remporterai cette partie uniquement si cette soirée se termine par un état d'ivresse de votre part.
 
Ce n'était pas nécessairement l'objectif de cette rencontre, mais à bien y réfléchir, cela pourrait être particulièrement divertissant ! Ezekiel, malgré sa nature sérieuse et réservée, savait apprécier ce qui relevait du comique. De plus, il possédait un avantage considérable. Même s'il devait finir légèrement émécher, être constitué principalement d'eau le préservait des effets secondaires désagréables d'un lendemain de fête.
 
Opale, cependant, se pencha pour humer l'alcool que le dragon tenait devant lui. Il ne connaissait pas ? Ezekiel, surpris, arqua un sourcil. Eh bien, même s'il pouvait parfois être déconnecté des dernières tendances, il venait de rencontrer son maitre !
 
-Je saisis simplement les opportunités que la vie m'offre au fil du temps. Vous allez finir par me faire croire que vous êtes bien plus poussiéreux que moi… pourtant, je suis pratiquement prêt à parier que ce n’est pas le cas. Goûtez donc à mon verre, si cela vous chante.

Mais avant de débuter le jeu, Opale sembla mettre en garde Ezekiel. Une sorte d'avertissement subtil au cas où il aurait la brillante idée de mentir pendant la partie. C'était tentant, il devait l'admettre, mais Opale lui avait offert une échappatoire suffisante pour qu'il n'ait pas vraiment à se montrer si mauvais joueur : une ridicule gorgée d'alcool. À ce rythme, il serait peut-être saoul d'ici demain matin !
 
Dans tous les cas, Opale, dans un geste de délicatesse, lui laissa l'honneur de commencer. C'était logique, après tout, s'il n'avait rien à cacher. Ezekiel posa alors son coude sur la table, déposant son menton dans le creux de sa main d'un air songeur. Son regard parcourut le bar qui s'animait de plus en plus au fil de la soirée. Ses oreilles captaient de temps à autre des conversations qui continuaient à se tenir autour de leur table. Il espérait simplement que les habitants ne tireraient pas de fausses conclusions sur leur entrevue. Bien que sympathiser puisse jouer en sa faveur, il ne voulait pas que les imaginations des habitants s'embellissent comme celle d'Eline. Ses yeux étrangement animaux se braquèrent à nouveau sur Opale, ne pouvant s'empêcher de répondre à ce qui ressemblait fortement à une légère provocation ou un défi.
 
-        Oh, je serais curieux de voir ça. Avec vous, je sais que mentir serait probablement une grosse perte de temps. Enfin, nous verrons bien si vous doutez de mon honnêteté.
 
À quoi bon s'embourber dans des mensonges qui risquaient de le perdre lui-même ? Ezekiel préférait de loin une vérité bien choisie, enjolivé ou nuancée. Il savait qu'il ne serait pas pris au piège sur cette voie, connaissant le fonctionnement de la psychologie humaine. À moins qu'Opale ne soit également télépathe, il s'en sortirait bien. Surement.
 
Puisque l'autre lui donnait l'autorisation de commencer, Ezekiel n'allait pas se faire prier. Bien que mille et une questions puissent traverser son esprit, commençant par l'île et ses mystères, Ezekiel opta pour une curiosité plus ciblée sur son interlocuteur. Bien qu'avec un peu de bonne volonté, il aurait pu trouver la réponse à sa question en se renseignant un minimum, cela restait bien plus intéressant comme entrée en matière que de confronter directement le principal concerné.
 

-        Bien puisque vous insistez pour que je commence… vous me titillez, je n'arrive pas à définir quelle créature vous êtes. Certains nébuleux « classiques », je peux les déceler par l'odorat, comme les lycanthropes, ou parfois par des signes propres à une espèce. Mais vous… je n'ai pas la plus petite hypothèse.
KoalaVolant
Dim 3 Mar 2024 - 12:40
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Opale Caladrius
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Et toi ?

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 Voilà une compétition qui promettait d’être intéressante. Car Opale, bien qu’il ne dise jamais grand-chose de lui-même, ne se trouvait pas « intriguant ». Voilà un drôle de terme qui présumait de la curiosité de son interlocuteur. Le médecin berça son visage dans sa main, une pichenette dans son verre renvoya le bruit clair à ses oreilles. Ezekiel, un mystère pour tout le monde ? Ou presque. Il avait haussé les épaules. N’était-ce pas le cas de chacun, sur Nitescence ? Il y avait ceux qui ne craignaient pas de parler de ce qu’ils étaient, d’où ils venaient. Et ceux chez qui la crainte subsistait, méfiance contrite au plus profond de leur cœur.

Opale serait sincère. Il ne voyait pas l’intérêt de souffler tous ces secrets au premier venu. Ni sur ses origines et son passé. Peut-être il y avait-il des expériences qui laissaient des traces, mais qui sait. Ce n’était pas un jeu dangereux pour lui, il n’avait pas peur de parler. Il n’en ressentait tout bonnement pas le besoin. Le médecin tapota le comptoir du bout des doigts, un vague sourire éclairant son visage alors qu’Ezekiel acceptait de se plier à sa volonté. Car s’il y en avait bien un semblait troublé par son arrivée, c’était bien le professeur. Jamais il n’oublierait ce poing éclaté dans un miroir, dès son premier jour. A cette pensée, il inclina la tête, tentant de distinguer sa main et les bandages. Il semblait aller mieux, puisqu’il s’agissait de celle qui tenait le verre. Ses yeux se reportèrent sur Ezekiel et il lâcha un petit rire amusé.

-N’y comptez pas si facilement, je suis plus résistant qu’il n’y parait.

A absorber des poisons mortels chaque jour de sa vie, on développait une certaine résistance aux substances. Opale n’était sensible qu’à certains type d’alcool précis, pour les avoir testés. Mais il avait décidé d’être fairplay, le whisky en faisait partie. Pas sur qu’Ezekiel ne se joue pas de lui, en revanche, il semblait bien trop sûr de lui. Les indices se collectaient dans les tiroirs de la tête du médecin, dans toute la discrétion de sa tendre personne.

Probablement très ancien, au vu de son commentaire sur la boisson, sa manière d’écrire, de se mouvoir, Opale savait reconnaitre des immortels élevés dans de bonnes conditions quand il en voyait. Résistant, guérissant rapidement, d’une belle apparence, des cornes, des oreilles en pointe… Non dérangé par la pluie, ou la boisson. Et c’était sans doute là, le détail le plus intéressant. Le nébuleux collectait précieusement les créatures qu’il rencontrait dans un carnet « des amis », rangé précieusement dans un tiroir de sa commode. Sous clé. Il n’en avait jamais vu comme lui, et c’était surtout ça qui attisait sa curiosité. De nouvelles données, c’était toujours utile.

Il ne lui mentirait pas, alors ? C’était vrai, c’était déconseillé. Si Opale ne lisait pas les pensées, son empathie décuplée lui permettait de percevoir les infimes changements involontaires qui accompagnaient le mensonge. La nervosité, léger mouvement des mains, des yeux, du cou, des pieds, aveugle ou presque, il était souvent clairvoyant. Dans un bar aussi peuplé, il érigeait cependant ses barrières pour ne pas se laisser envahir d’un trop plein d’émotions. C’était inutile et dangereux pour lui. Alors, oui, c’était du bluff. 
Première question. 
Opale l’écouta, ne laissant rien paraître. Curiosité classique. Il prit le temps de détailler son interlocuteur, sa silhouette du moins.

-C’est amusant, car j’ai quelques hypothèses pour vous.

Sourit-il, pensif. La sélection se faisait dans un coin de sa tête, pour toutes les créatures cornues aux élégantes tenues. Son attention se reporta sur son verre et il le leva jusqu’à ses lèvres, buvant une gorgée. Il ne le reposa pas, le faisant doucement tournoyer du bout des doigts. Il en distinguait les brefs mouvements, comme une houle allant et venant.

-Allons, c’est trop facile, Ezekiel. Reposez-moi la question plus tard, quand je serais éméché.

C’était à son tour. Le médecin posa sa main sur son menton, fronçant légèrement les sourcils en cherchant de l’inspiration dans les bouteilles face à lui.

-… Quelle est votre arme de prédilection ?

Question étrange peut-être, mais Opale était certain qu’il savait se battre. Il le sentait, dans sa manière de se mouvoir. Comme lorsqu’il avait rencontré Vynce la première fois.  Le médecin lui savait seulement tirer au fleuret et avait des notions d’escrime. Mais bien souvent, les armes maniées en disaient long sur la personne qui les tenait. Alors simple curiosité. Il s’était légèrement écarté du comptoir et ne le regardait pas. A quoi bon, après tout. Mince, ce n’était pas si facile de ne pas finir son verre pendant une conversation, comme chacun qui en aurait l’habitude. 

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Dim 3 Mar 2024 - 23:10
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Ezekiel Oldenbourg
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Dans l'utopie d'un monde parfait, Ezekiel aurait pu librement égrener ses questions, et Opale aurait répondu avec une naïveté sans faille et sans la moindre réticence. Chaque requête aurait trouvé sa contrepartie dans une conversation fluide, conduisant à un adieu empreint de cordialité. Ezekiel aurait alors regagné son sanctuaire pour se replonger dans les pages de "La Ferme des Animaux" de George Orwell, posé avec sur sa table de chevet.

Cependant, cette simplicité idéale demeurait un rêve lointain. Opale, bien qu'acceptant de se plier à la curiosité d'Ezekiel, avait l'intention décidée de ne pas rester passif. "On n'a rien sans rien" était la maxime du moment. Alors il en venait à se poser la question de savoir si la torture, dans sa forme la plus pure, avait un effet aussi drastique sur les nébuleux que sur les humains. Dans ce contexte particulier, la libération anticipée d'Opale en vie aurait posé problème, et il n'était pas sûr que le moment fût propice à cela.
 
Trop tot.
 
Embrassant une profonde envie d'engloutir cette île maudite, une conclusion qui aurait satisfait pleinement son dessein, Ezekiel était lucide sur la complexité de la réalité. Il avait besoin d'informations, de la capacité à localiser ses ennemis véritables, des créatures capables de faire échouer ses plans. En tête de ses préoccupations, il avait à l'esprit des nébuleux d'une puissance incommensurable, capables de lui faire front, ou alors une figure dotée de dons liés à l'électricité.
 
Cependant, dans le moment présent, Opale semblait ardent à en découdre-d’une certaine manière-, insinuant même qu'avec son apparence délicate, il faudrait bien plus qu'un simple verre pour le terrasser. Ezekiel réagit avec un simple haussement d'épaules, appréciant la perspective que cet homme, d’apparence si frêle, puisse résisté -un temps soit peu- aux effets de l’alcool. C'était précisément la raison pour laquelle il avait consenti à partager sa compagnie ce soir-là. Face aux interrogations inquisitrices, il préférait les échanges avec un interlocuteur d'un certain intérêt.
 
Malgré les nombreuses années qu'il avait vécues sur cette terre, le dragon était persuadé qu'il restait encore beaucoup à apprendre sur autrui et sur la vie en général. La première étape, à son sens, était d'explorer les méandres des nébuleux. Tant d'espèces inconnues, absentes des recueils poussiéreux d'écrivains ayant tenté de consigner ces créatures dans des ouvrages, l'intriguaient profondément.
 
Et comme l'adage le suggérait avec beaucoup de pragmatisme, "Sois proche de tes amis, mais davantage encore de tes ennemis…"
 
Lorsqu'Ezekiel posa sa première question, dépourvue d'une originalité flamboyante mais délibérément choisie pour sonder le terrain, Opale assura avoir, quant à lui, quelques hypothèses à son sujet.. Cela laissa entendre qu'il n'avait pas jugé nécessaire, avant leur rencontre, de fouiller les ses origines. Une constatation quelque peu préoccupante mais légèrement rassurante.

-        Je serais bien curieux de les entendre. Déclara le dragon en inclinant délicatement la tête sur le côté. D'un geste gracieux, il glissa sa main dans ses cheveux longs pour caler une mèche derrière son oreille.
 
Quel genre de spéculations Opale pourrait-il bien former en se basant uniquement sur son aspect physique ? Deux cornes, des yeux au regard sauvage, des crocs acérés... Ces traits distinctifs offraient peu d'indices, et dans le vaste monde des créatures qui peuplaient la terre, il doutait sérieusement qu’ Opale puisse frôler la vérité. Pourtant, la perspective d'entendre ces hypothèses s'annonçait des plus divertissantes.
 
À son grand regret, Opale prit une gorgée de sa boisson. Déjà ? Se moquait-il de lui ou cherchait-il simplement à piquer d'avantage sa curiosité ? Le fourbe ! Il retenait fermement cette interrogation pour plus tard, estimant qu'elle n'aurait que peu d'intérêt dans un état d'ébriété avancé.
 
Néanmoins, Ezekiel préféra se complaire dans le silence de ses pensées intérieures, délectant son esprit dans la contemplation éphémère de son verre, un élixir dont les reflets capturaient la lueur dansante de la faible lumière du bar. Ses prunelles azur, pareilles à des étoiles égarées, se braquèrent ensuite sur son interlocuteur, ce dernier arborant probablement une certaine satisfaction qu’il jugea sans fondement de « provocatrice ».
 
-        Vous n'êtes pas joueur, lança-t-il d'une voix feutrée en prenant une moue faussement indignée. Moi qui pensais vous simplifier la vie avec une question facile…
 
Opale avait orchestré son subterfuge avec habilité, insinuant la possibilité à Ezekiel de prendre les devants, puis se retirant dans un silence calculé en trempant ses lèvres dans son whisky. Un silence qui laissait Ezekiel avec une légère amertume bien vite dissipée. Cependant, au lieu de céder à la tentation de vider d'un geste théâtral le breuvage dans son propre verre par simple vengeance, il fut interrompu par une question qui le pris par surprise.
 
Cela semblait surgir de nulle part… non ? Une question sur une arme, pour quel objectif ? Était-ce une invitation à dévoiler les nuances de sa manière de se battre, une invitation à la sincérité au milieu de ce jeu ? Après un intervalle prolongé de silence, Ezekiel commença à envisager qu'il n'y avait peut-être aucun inconvénient à partager une réponse sincère. Après tout, ses maîtres l'avaient abandonné à son propre sort sur cette île, sans aucun lien direct avec eux. Ainsi, il pouvait bien se libérer de l'emprise de leur jugement pendant quelques instants !
 
-        Qu'est-ce qui vous amène à penser que je possède la moindre aptitude au combat ? Souffla-t-il, la mine amusé, alors qu'il croisait les bras.

En réalité, il savait que ces choses-là, entre créatures, se percevaient plus ou moins par instinct, en se basant sur l'énergie déployée. Ainsi, au vu de la perspicacité de son interlocuteur, il n'était guère étonné que celui-ci en soit venu à une conclusion aussi logique. Une lueur d'amusement dans ses prunelles était largement perceptible, lui laissant tout le loisir d’observer Opale.
 
Plongé dans ses pensées, Ezekiel cherchait la réponse appropriée à offrir. D'un geste instinctif, son verre trouva le chemin de ses lèvres, croquant la paille avec une sorte d'absence momentanée. Un silence accompagné d'une gorgée, oubliant pour un temps qu'il était supposé s'abstenir de boire s'il voulait donner une réponse à son interlocuteur. Eh bien, il semblerait qu'il allait jongler entre les deux.
 
-        Je dirais que cela varie en fonction des époques de ma vie, commença-t-il finalement, ses mots glissant avec une fluidité mesurée. En général, mes dons me suffisent. Et lorsque ce n'est pas le cas... eh bien, je sais utilisé mes crocs. Mais il est assez déplaisant de voir un combat se conclure trop rapidement, n'est-ce pas ? Alors, il y a bien longtemps, on m'a offert une arme emblématique de mon pays. Elle est extrêmement divertissante à manier.
 
Inutile d’en dire d’avantage sur ladite arme, Ezekiel choisissant délibérément de ne pas révéler son nom. Une prudence bien pensée, puisque le nébuleux qui lui faisait face semblait cultivé, il n’aurait aucun mal à localisé son habitation, alors il gardait en réserve les secrets que ses maîtres ne toléreraient jamais qu'il divulgue.
 
Dans tous les cas, Ezekiel avait offert suffisamment d'indices, laissant à son interlocuteur la tâche de rassembler ces fragments d'information. Il choisit de ne pas creuser davantage la question.. Cependant, l'orgueil et la confiance qu'il avait en ses propres capacités ne passerait probablement pas inaperçus. Une facette de sa personnalité qui, d'une certaine manière, laissait planer le doute. Peut-être bluffait-il pour intimider ouvertement Opale. Cependant, il avait promis d'être honnête, et cette sincérité, alliée à la vérité que seul un adversaire redoutable pouvait tenir tête à un dragon, transparaissait dans ses paroles.
 
À présent, le tour revenait au dragon de poser une question. Finissant son verre d'une traite, ne laissant que quelques glaçons et un citron, il fit signe au serveur pour une nouvelle commande. Un Bloody Mary cette fois-ci. Une fois cela fait, son attention se reporta sur Opale, l'observant avec intensité pour formuler une question
 
- Y a-t-il des valeurs ou des principes auxquels vous  attachez une grande importance? Comment cela influencent-ils vos actions et vos choix? demanda-t-il, en d’autre terme; qu’est ce qui vous anime.
 
 La question des valeurs, un thème souvent exploré en philosophie, en psychologie, et omniprésent dans tout travail qui scrutait la nature humaine. Les valeurs étaient le socle sur lequel reposaient les fondements d'une personne, dictant ses choix et guidant ses actions. Dans cette quête de compréhension, il se demandait si Opale se connaissait suffisamment bien pour dénicher le chemin menant à une réponse des plus intéressantes.
 
 
KoalaVolant
Lun 4 Mar 2024 - 22:31
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Opale Caladrius
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Inquiétant indicible. C’étaient bien les quelques mots qui venaient à l’esprit d’Opale lorsqu’il observait Ezekiel. Il captait difficilement quelconques informations derrière cette obscure silhouette fine. Ardues à glaner, le Caladre avait retenu qu’il s’agissait des plus anciennes entités qui se protégeaient le mieux, elles et leurs secrets. Il n’avait rien à gagner de cette curiosité, il ne pousserait pas trop loin les barrières érigées contre lui. Elles l’étaient bien certainement pour une raison, même s’il n’aimait pas être laissé à la porte. Peut-être qu’un jour, il le soignerait. Peut-être qu’un jour, il irait le visiter en rêve pour mieux le comprendre.

Lorsqu’Opale refusa poliment sa question, était-ce une pointe de frustration qu’il sentait poindre dans l’atmosphère ? L’oiseau fit légèrement pencher son verre vers l’avant du bout des doigts en soufflant du nez, les yeux dans le vide. L’avait-il surpris ? C’était, effectivement, une invitation à la sincérité. Le caladre effectua un léger signe de la main dans sa direction, avec un sourire désabusé.

-Je suis médecin. Il y a toujours des choses que l’on remarque. Et j’entends votre manière de vous mouvoir, c’est caractéristique.

C’était vraiment, simplement en prenant sa main fine aux cales stratégiques, là où la peau était plus ferme, il pouvait en déduire qu’il s’était entrainé longtemps. Et puis ses pas étaient discrets, sa démarche souple, la méfiance semblait animer les crispations qui ne passaient pas inaperçues de l’aveugle. Bref, ce n’était que des suppositions, mais la suite de sa réponse lui donna raison. Le nébuleux l’écouta avec attention.

Les époques… Carrément. L’image le fit hausser les sourcils. Arrivait-il a un point où l’on était si vieux que les années ne valaient plus la peine d’être comptées, qu’on les nommait époques ? Opale n’arriverait jamais jusque-là, à l’allure où il utilisait son pouvoir, il le savait, mais il ne pouvait s’empêcher de trouver ça décalé, et pourtant prononcé avec un naturel déconcertant. Et bien sûr, l’égo avec lequel parla Ezekiel ne laissait plus de place aux doutes. Les anciens aimaient tant prendre de haut leurs cadets. Conclusion : l’étranger était un vieux. Et qui avait retourné sa réponse à son avantage, qui plus est.

Le caladre profita également de l’occasion pour lui aussi finir son verre et en commander un autre à l’intention du serveur. Quelque chose de plus fort, de l’absinthe. Quoi ? on était vieux jeu ou on ne l’était pas. Il en bu une gorgée, se racla la gorge et se tourna vers Ezekiel, les jambes croisées, son regard sondant le sien. Tiens donc… Une question pour le moins… Spirituelle ?

-Hmm…

Souffla-t-il en croisant les bras, se penchant légèrement vers l’arrière pour que son dos rencontre le comptoir. L’un de ses doigts tapotait doucement contre sa manche. En voilà, une question. Ce qui l’animait ? Au-delà du désir d’en finir le plus vite possible avec ce monde, il y avait bien sur tout ce qui touchait au soin.

Mais lorsque l’on était né dans un but précis, ce qui nous faisait vivre était bien souvent ce qui menait à notre destruction. Il n’était pas certain que soigner les autres jusqu’à en crever était ce qui l’animait. Et pourtant… Il n’y avait plus que ça.

-Je ne pense pas être comme beaucoup ici dans la quête d’un endroit idéal. Je pense que c’est une connerie, que les humains et les nébuleux ne pourront jamais réellement coexister. Mais ce qui m’anime est inscrit dans mon code génétique.

Il détacha doucement sa main de son corps pour la ramener devant lui, observant se mouvoir les doigts fins dans toutes les couleurs et les lumières environnantes.

-Durant des années, on m’a dit qui je DEVAIS soigner. De quelle façon. Que si j’en mourrais, ce serait pour la cause juste. Mais laquelle, cause, hein ? Est-ce qu’il y a vraiment une cause pour laquelle on mérite de s’animer ? De mourir ? Ah ! Ahah. Quelle belle affaire. Qui étaient-ils pour décider pour moi ? Je crois que ce que je veux, maintenant, et demain, même après ma mort, c’est d’avoir apporté un peu de bien. Un peu de chaleur à celui qui la demande. Et à celui à qui je décide de l’offrir.

Il inclina la tête avec de nouveau, un vague geste en direction d’Ezekiel.

-Comme à vous, et votre main. Je m’en fiche de savoir si vous le méritiez ou non, je n’ai aucune idée de qui vous êtes. Peut-être que vous êtes un tueur. Ou quelqu’un de bien. Qu’importe, je n’étais pas là pour vous juger. Mais je vous ai servi, parce que j’ai estimé que vous en aviez besoin.

Opale pouffa en se retournant vers le comptoir.

-En bref, ce sont mes propres choix qui m’animent. Ce n’était pas une route facile. Les nébuleux sont des oppressés, c’est si facile de nous réduire à notre fonctionnalité pure. Et de s’en détacher, des siècles plus tard. Ici, au moins, les gens… Peuvent choisir la manière dont ils vont être exploités. J’imagine. 

C’était une réponse peut-être longue. Le médecin avait perdu l’habitude de parler autant, mais il appréciait ce qui le faisait réflechir. Elle lui laissait un goût amer, cependant. Il savait qu’il n’y aurait jamais de bonne réponse ou de mauvaise. Il aurait pu souffler une idiotie du genre « la paix » ou « l’amour » mais il n’y croyait pas. Pour lui, qui était sur cette île depuis plus de 50 ans, la question se poserait toujours. Il n'était pas certain de vouloir vivre en esclave jusqu'à sa mort, mais il ne pouvait faire que ça, ou mourir. Alors...


-A votre tour. Vous débarquez, entouré de votre théaaatrale aura de mystère, décidez d’enseigner sans paraître y trouver grand intérêt. Ni en ce lieu, ni en ses habitants. Si vous portez derrière vous le poids de siècles entiers, qu’est-ce que vous pensez trouver de plus sur Nitescence ? 


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Dim 10 Mar 2024 - 16:52
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Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel Oldenbourg
 

L'homme est un aveugle qui va dans le droit chemin =>Platon 


Une nouvelle fois, Ezekiel se tenait face à un individu dont l'acuité d'observation et la perspicacité étaient indéniables, comme si chaque regard porté sur lui était une lame affûtée scrutant les moindres replis de son être. Intimidant. Il savait qu'il devait manœuvrer avec une prudence minutieuse, veillant à ce que les fragments d'informations qu'il pourrait dévoiler demeurent sous son emprise, soumis à sa volonté incontestable.
 
Pourtant, il était évident qu'Opale avait déjà discerné en Ezekiel une créature capable de se défendre, une force indomptable dont la nature même ne pouvait être contestée. Comment aurait-il pu en être autrement ? Cette vérité semblait couler de source, inscrite dans les lignes de son existence. Ezekiel, pour sa part, espérait pouvoir sonder et identifier ceux dont la simple opposition pourrait lui causer d'insondables tourments. Malgré tout, l'interlocuteur d'Ezekiel, derrière son sourire et sa douceur, dissimulait habilement toute trace d'animosité ou de défiance à son égard... du moins en surface.
 
En tous les cas, Opale confirmait avoir saisi certains traits distinctifs chez Ezekiel, comme si il avait pénétré l'essence de la créature. L'idée même qu’il puisse dépeindre avec précision le portrait mental du dragon qu'il était, était à la fois intrigante et intimidante, mais Ezekiel restait en suspens. Il hésitait, conscient des abysses de malentendus que de telles révélations pourraient engendrer, redoutant que des vérités non désirées ne viennent ébranler les fondations de ses sombres projets.
 
Mais il y avait quelque chose de particulièrement délectable à contempler la manière dont autrui le percevait . Un être ancien, dont la profondeur était aussi insaisissable que les eaux profondes, il savait éveiller autant la curiosité que la méfiance chez ceux qui se risquaient à le côtoyer. Alors peut-être qu’il alimentait délibérément  la manière dont on le percevait…
 
Après l'interrogation plutôt franche d'Opale, Ezekiel prit le soin de prodiguer des indices sans révéler l'intégralité de ses secrets, laissant entendre, en même temps, qu'il valait mieux ne pas sous-estimer ses talents, au risque d'en subir les conséquences. Enflammer le regard d'Opale simplement pour jouer les séducteurs stéréotypés à la limite de la lourdeur et paraître comme un charmeur vieilli n'était en aucun cas dans ses intentions du jour. Non, en observant la créature avec attention, en percevant son charisme et le respect qu'elle inspirait, il était évident qu’Opale avait su conquérir sa place sur cette île. Il était même plausible qu'il entretienne un lien, direct ou indirect, avec la matriarche. Sans l'affirmer explicitement, Ezekiel envisageait déjà de confronter cette figure emblématique de l’île. Il imaginait volontiers sa puissance et la « couronne » qui l'entourait. Tôt ou tard, elle tomberait, tout comme l'endroit où ils se trouvaient tous. La simple idée d'introduire le maître des eaux au cœur de cette île représentait soit une erreur monumentale, soit un coup de poker audacieux que la matriarche était en train de jouer. Peut-être même avait-elle envoyé Opale, tout comme le psychologue, dans le but de l'évaluer et de peser sa force. Mais deux simples pions n'avaient sûrement aucune valeur à ses yeux si Ezekiel venait à être évincé du jeu. Dans cette optique, le jeu que lui proposait Opale n'était-il qu'un leurre, destiné à obtenir des informations qu'il transmettrait probablement à sa maitresse ?
 
Ezekiel se perdit dans ses pensées, tandis qu'Opale semblait méditer la question soumise par l'aîné des deux.
 
Son regard impassible, le dragon releva imperceptiblement un sourcil devant la réponse pour le moins inattendue de la créature. Une réplique des plus honnêtes, teintée d'une vulgarité inhabituelle, chatouilla l'envie d'Ezekiel de lancer un peu de sarcasme tel que "Opale, l'alcool semble vous rendre bien loquace", mais il étouffa cette pensée avec soin, redoutant d'offenser son interlocuteur et de mettre un terme prématuré à cette conversation qui commençait à titiller sa curiosité.
 
Contrairement à ce qu'il avait pu concevoir, le simple acte de guérir et de tendre la main à autrui ne relevait pas simplement d'un altruisme désintéressé pour Opale. Non, c'était une vocation, une destinée inscrite dans le tissu même de son être. C'était là le dilemme de nombreuses créatures dotées de pouvoirs extraordinaires, cloîtrées dans des rôles prédéfinis qui les dépouillaient de leur liberté véritable. Liberté ? Voilà un concept philosophique bien plus complexe que la simple absence de contraintes physiques.
 
Pourtant, à mesure que son interlocuteur se dévoilait légèrement, Ezekiel fut envahi par un léger malaise, comme s'il percevait chez Opale un besoin de se confier, une amertume latente. Il émit ainsi l'hypothèse que l'usage de ses dons pouvait le mener inexorablement vers sa propre mort, une tragédie prévisible dans le chemin éphémère de la vie et de la magie. À entendre ces confidences, Ezekiel eut l'impression de percevoir chez Opale un désir de s'affranchir... de quoi ? De qui ? Pourtant, malgré ses tourments intérieurs, la flamme de sa bonté ne vacillait pas. Était-ce par instinct inné de compassion, ou bien par un besoin impérieux de donner un sens à son existence et tourmentée ?
 
Sans même daigner tourner son regard vers Opale, Ezekiel inclina légèrement la tête sur le côté, intrigué par cette révélation. En effet, la créature l'avait secouru sans la moindre hésitation par… noblesse et dévouement ? Risible…. Peut-être en viendrait-il à le regretter un jour, mais Opale avait suivi ses convictions avec une fermeté admirable. "Quitte à devoir succomber prématurément... autant que cela se fasse sans l'ombre d'un regret", murmura-t-il en son fort intérieur.
 
-        Une réponse des plus intéressantes, souffla le dragon, songeur, sans pour autant se laisser emporter par l'image ou l'expression renvoyée par Opale.
 
Pendant qu'Ezekiel portait de nouveau la boisson à ses lèvres, il fut pris au dépourvu par une légère taquinerie voilée sous l'apparence innocente de son cadet. À tel point qu'il avala de travers la gorgée qu'il avait pourtant ingérée avec toute la précaution requise, l'obligeant à tousser alors qu'il tentait de retrouver son calme en se raclant la gorge avec dignité.
 
Une théâtrale aura de mystérieuse et gnagnagna..., pensa-t-il avec un mélange d'agacement et d'amusement, tandis qu'il s'efforçait de chasser la toux persistante qui le prenait.
 
Dans l'étreinte de l'instant, Opale semblait désireux de percer peu à peu le voile de mystère qui entourait la venue d'Ezekiel en ces lieux. Cependant, le dragon n'avait nullement l'intention de lui dévoiler la vérité, sachant que cela ne ferait qu'alimenter davantage ses espoirs.
 
-        Mon… aura de mystère vous dérange tant que cela ? Pourtant, je ne fais rien d’autre que de me préserver. Ne suis-je pas à votre goût tel que je suis ? lança le dragon sur un ton où perçait une certaine innocence, tandis que ses yeux perçants s'ancraient profondément dans ceux d’Opale. Les méandres des relations inter-espèces étaient empreints de subtilités, oscillant entre révélation et préservation, proximité et distance mesurée.  De plus, vous êtes mal avisé de vous moquer ainsi, alors que vous n'avez même pas daigné répondre à ma première question, soupira-t-il avec une touche de théâtralité, son expression boudeuse ajoutant une nuance de charme à cette être aux allures si sérieuse.

Ah, mais Ezekiel pouvait aussi arborer les traits capricieux d'un enfant gâté, un aspect de sa personnalité vite éclipsé alors qu'il croisait les bras avec un air déterminé, s'adossant à son siège.
 
Sans vouloir prolonger cet échange aux allures enfantines, il préféra se pencher davantage sur la question sous-jacente, manifestement importante à ses yeux, alors qu'Ezekiel exprimait sans détour son scepticisme quant à la viabilité de la création de cette idylle..
 
-        Ce n'est pas parce que vous n'avez pas su déceler les intérêts que je porte à cet endroit.. qu'ils sont inexistants. Rassurez-vous, j'y trouve mon compte. Déclara le plus âgé.
 
Par un pur désir de rétribution, Ezekiel n'avait pas l'intention de prolonger cette interrogation. Cependant, dans un geste de fair-play, il porta le verre à ses lèvres, laissant le liquide s'écouler lentement.
 
- Et puis, j'avais besoin de changer de paysage. Les montagnes, c'est charmant un moment, mais j'avais envie de m'offrir des vacances à la mer. lança-t-il avec une pointe de raillerie, avec une lueur pratiquement espiègle sur son visage difficilement sondable. Mais était-ce véritablement une moquerie ? En vérité, il y avait une part de vérité dans ses paroles. Dans son propre royaume, les vastes étendues d'eau étaient rares, et cette opportunité lui offrait l'occasion de ressentir à nouveau le frisson du pouvoir absolu, cette fois-ci sur les mers. C'était aussi, indirectement, un défi lancé à cette matriarche énigmatique, dont le mystère rivalisait avec le sien propre, celle-là même qui l'avait envoyé chez le psychologue mais qui, ironiquement, lui avait également accordé le privilège de séjourner ici.
 
Enfin, il n'était point nécessaire de s'en alarmer à ce stade. Ezekiel opterait pour la sagesse momentanée, réservant le déclenchement de la guerre pour une occasion plus propice. Dans l'espoir fervent que ses maîtres lui transmettent leurs directives, peut-être par le truchement d'un autre nébuleux, aussi habile que lui à se faufiler ici.
 
- Bien, à moi maintenant...voyons... entama-t-il après une pause réfléchie. Étant donné que vous êtes déjà conscient de mon scepticisme envers les relations inter-espèces, pensez-vous sincèrement que ce projet puisse aboutir à quelque chose de... constructif ? À votre âge, vous devez savoir que les différences ont souvent tendance à diviser plutôt qu'à unir ou rassembler. Ne craignez-vous pas qu'une île isolée, perdue au milieu de vaste étendue d'eau, ne devienne le théâtre tragique d'une purge où seuls les nébuleux les plus impitoyables parviendront à s'élever au sommet de la hiérarchie ?
 

 
 
KoalaVolant
Ven 15 Mar 2024 - 22:03
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Opale Caladrius
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L'homme est un aveugle

qui va dans le droit chemin

Feat Kiel



Personnel. Persoun. L’individu, l’être humain, quiconque, la… Personne. Celui qui s’attache à l’autre. Titre attribué, épées reposant sur ses épaules comme le fidèle outil de celle dont il respectait les augures. Opale n’était pas un combattant. Il ne s’en cachait pas. Et pourtant, un jour il s’était éveillé avec sa rune changée, resserrant un étau qu’il avait longtemps ignoré. C’était il y a des années de cela. La raison de sa nomination était longtemps restée un mystère, la moindre de ses interrogations balayées dans le vent.

Et puis, la réponse était venue d’elle-même, insidieuse. Si Opale n’était ni roi, ni soldat, il était poète. Il savait manier les mots, les… Autres. C’était bien souvent malgré lui. Il lui suffisait d’afficher sa façade impassible mais douce, toute la tendresse dans ses gestes, ses sourires. Tout cela, il le répugnait, bien sûr. Mais il savait au fond de lui, si la Matriarche l’avait choisi, c’était pour ces quelques habilités qui forcent à la compassion. S’entourer d’âmes perdues, d’oiseaux blessés, les recueillir entre ses doigts et contre son cœur. Si l’intention n’avait jamais été mauvaise, elle n’en servait pas moins un dessein douteux.
En quelque sorte, il savait d’instinct qui approcher, non pas pour lui, mais pour elle.

Mais Ezekiel n’avait rien d’un animal apeuré, comme beaucoup de nébuleux qui se terrent au fond de l’île. Tout dans leur attitude montre qu’ils désirent disparaître. Mais non, le professeur était bel et bien présent, se dérobant nullement aux regards, aux gestes. Sa réponse sembla d’abord amuser son interlocuteur. L’intriguait-il ? C’était flatteur, en un sens. Il ne l’observait pas, mais il l’écoutait. Il ne sentait plus ses yeux posés sur lui. Ah… Et voilà qu’il le reprenait à son propre jeu.

Le mystère ne le dérangeait nullement, c’était d’ailleurs le contraire. Opale avait de l’imagination, il appréciait lire lorsqu’il le pouvait encore, dessiner, écrire… C’était toujours un plaisir d’imaginer les millions de fils à tirer d’une rencontre. Chaque injonction si parfaitement ficelée, entremêlée à d’autres. Il n’avait plus de doute sur le fait qu’Ezekiel était ancien, très ancien. Mais il semblait se dissimuler derrière la tenture de son apparence. Car le mystère, s’il était attirant, ne faisait pas tout.

-Elle ne me dérange pas. Sauf si vous vous cachez derrière elle.

Comme un enfant dans les jupes. Peur de confronter, peur de révéler. Opale lui ressemblait sur ce point, il n’avait pas une langue facile à délier concernant le passé. Le nébuleux avait esquissé une mine déçue en le voyant porter le verre à ses lèvres et le suivit en réponse. Des montagnes, hein ? Piètre indice. Il avait du vivre des centaines de vies différentes au court des siècles, il n’était pas aisé d’y déceler le vrai du masque.
Opale suspendit son geste en entendant sa question suivante. Il cilla, tournant la tête vers Ezekiel en l’inclinant légèrement, les sourcils froncés. En voilà, une idée. A peine arrivé qu’il craignait déjà un tollé ? Le chemin qu’il avait emprunté était sans doute jonché de morts pour y réflechir de la sorte. Paradoxalement, la peur ne semblait pas alimenter ces pensées. Seule… La pure interrogation. Etrange. Il rangea ses doutes dans un précieux petit tiroir et tapota doucement le bord de son verre contre le bar. Le bruit mat du bois contre la parois grisait le bout de ses doigts.

-Nous avons déjà eu des histoires, par le passé. Mais voilà plus de 50 ans que je suis ici, et tous semblent se faire aux coutumes… Peut-être car ceux qui veulent s’isoler le peuvent. Mais j’imagine que si ça doit arriver, cela arrivera. Et tout s’effondrera de nouveau. Un cycle inévitable, c’est certain. Ce ne serait pas la première fois ! Mais l’île est plus résistante qu’elle n’y parait. Et puis, nous avons nos runes.

Enonça-t-il, plissant les paupières pour observer les remous dans son verre à moitié vide. Les runes… Si anodines et pourtant si puissantes. Elles étaient le sceau de la Matriarche, son œil, son contrôle. Impossible de s’en défaire. Alors qui sait ? Peut-être pouvait-elle les réduire à néant d’un simple mot. La pensée le fit frissonner et il posa distraitement une main sur sa côte, là où elle se trouvait. Quoiqu’on en dise, dans ce bar, il était celui qui avait l’ascendant. Il ne pouvait pas contrôler car il n’avait jamais essayé de s’en servir, pas même une fois.

-Les humains et les nébuleux… Ne semblent pas fait pour vivre ensemble. Mais si on essaye… Oui, simplement un minuscule effort, peut-être que nous pourrions continuer à rester ici. Il y a un siècle, je ne pouvais pas m’approcher d’un diurne sans envies de meurtre. Et regardez-moi maintenant, nous partageons un foyer.

Il but une gorgée avant d’éclater de rire.

-Et donc. Qui gagnerait ? Vous, peut-être ? Messire crocs.

Opale était moqueur, mais il ne le pensait pas. Il se doutait bien, de la force d’Ezekiel. Le genre dont on ne rigole pas, habituellement. Mais voilà bien des années qu’il avait cessé de s’écraser face à plus fort que lui. Il n’y voyait plus l’intérêt. S’il voulait mener une révolution, il allait devoir s’y prendre mieux que cela. Une philosophie froide et distante n’était pas ce qui savait enflammer les cœurs. Trouver des partisans ici…

-A mon tour. Dansez-vous ?

Le nébuleux fit signe au barman et commanda deux verres, cette fois. Décidant de lui en offrir un. Toute sa légère amertume s’était envolée, bercée par les voix, l’alcool qui faisait effet au fond de sa poitrine et la musique jouée par une petite troupe au fond de la salle. Distraitement, Opale se frotta les yeux avant de ramener ses mains à l’arrière de sa tête pour y rassembler ses boucles folles, étayant les mèches qui caressaient ses tempes et sa chemise.


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Jeu 28 Mar 2024 - 1:01
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Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel doutait de ses chances de triompher dans l'arène des mots, bien moins certain que dans les tumultes humains où sa simple présence pouvait dicter le destin. Ici, il devait être encore plus vigilant, pesant chaque parole avant de laisser son souffle l'envoyer dans l'air. Il avait parfaitement saisi qu'Opale, sous ses dehors modestes et doux, possédait un esprit aiguisé, capable de saisir le moindre faux pas et de recomposer minutieusement le puzzle dans l'esprit du plus jeune.

Pour l'instant, malgré les interrogations à peine voilées qui flottaient dans l'air, aucun des deux adversaires ne montrait de signe de faiblesse ou de recul. Pourtant, malgré leur résistance à l'alcool, la douceur amère de celui-ci finissait par éroder leur maîtrise, et la méfiance se dissipait lentement tandis qu'ils se laissaient emporter par le jeu.

À trop jouer avec les mots pour dissimuler leurs secrets, ils se réfugiaient derrière la boisson, leur ennemie insidieuse, introduisant en eux des pensées, des réactions qui auraient dû rester cachées à leur vigilance.

Les paroles d'Opale résonnaient en lui comme un avertissement, confirmant une fois de plus qu'il n'était pas dupe, ni naïf. Ezekiel posa délicatement son menton dans le creux de sa main, observant avec intensité son interlocuteur habile.

- Hmm, je ne saurais comprendre ce qui vous incite à penser ainsi, répondit-il. Opale pouvait se consoler en ayant éveillé la curiosité du dragon, rarement porté à s'engager dans la conversation, surtout lorsqu'elle le poussait à se dévoiler davantage.

Il était presque certain que sa propre réponse avait déçu son cadet, alors qu'il portait son verre à ses lèvres, suivi par Opale, savourant autant sa frustration que l'alcool qui emplissait sa gorge.

Changeant habilement de sujet, Ezekiel s'étonnait sincèrement qu'une créature peut-être marquée par un passé tumultueux, dont l'intelligence était indéniable, puisse encore croire en une cause aussi vaine. C'était là ce qui l'intriguait. Pauvre Opale, aveuglée non seulement par ce qui était visible à l'œil nu... mais également par un désir sans issu.

Dans un silence sage, il laissa Opale contempler ses propres interrogations, percevant le frémissement perceptible d'une certaine surprise. Pourtant, ses incertitudes étaient évidentes , mais la réponse qui lui serait donnée promettait de lui apporté d’avantage de satisfaction.

Écoutant attentivement, il retint son rire à l'écoute de paroles si idéalistes, si candides. On aurait dit un poète célébrant une cause perdue, scandant ses vers avec l'espoir que l'univers l'entende.

- 50 ans... cela ne représente qu'une fraction de toute une existence.

Il contempla son verre, puis le monde, une scène vivante mais teintée de fiction lorsque l'on considérait combien la rencontre des âmes était entravée par la peur de l'autre, par la crainte de ce qui était différent.

- S’il suffisait de s’isoler pour dissiper la haine des uns envers les autres, bien des guerres auraient pu être évité.

Quelle excuse naïve. La véritable intelligence résidait dans la découverte de soi-même, dans la capacité à poser des limites lorsque la tolérance atteignait ses frontières, à respecter l'autre tout en se préservant. Voilà une démonstration d'intelligence dont n'était guère pourvus les humains, ni la plupart des créatures.

Opale évoqua aussi les runes dont disposaient l’ile. Il sentait leur pouvoir, mais doutait de leur efficacité en cas de tourmente grave. Elles lui semblaient plus un conte de fées, destiné à bercer ou à terrifier pour maintenir l'équilibre fragile du petit écosystème. Pour l'instant, il ne voulait pas s'en mêler. Il laissa donc son cadet poursuivre ses réflexions, concluant avec la même innocence qui semblait si lointaine de la réalité. Opale s'y accrochait, y croyait, espérait. Mais dans l'obscurité de l'univers, seul l'espoir peut-être une lueur d'éternité.

Il en vint même à le trouver mignon. Une réflexion fugace dans son esprit illuminé, qui se laissait lui aussi doucement emporter par les plaisirs de l'alcool, mais qui demeurait assez maîtrisé pour ne pas laisser échapper de telles sottises.

Pourtant, son rire le prit au dépourvu. Sa réflexion éveillait l'amusement, faisant croiser les bras du dragon sur sa poitrine. Il percevait chez lui une taquinerie, une provocation, comme s'il cherchait à le mettre à l'épreuve. Une assurance tacite qu'il pouvait le réduire en pièce détaché, et malgré tout son cadet ne s'y soumettrait pas. S'il devait affronter la mort un jour, autant le faire la tête haute, sans jamais fléchir devant elle. L'idée était délicieusement divertissante.

- C’est une éventualité.

Et il fallait se vêtir de ses plus belles parures. Orgueilleux, peut-être ? Mais réaliste également. Il se pouvait qu'il se trompe, mais il y avait aussi de grandes chances qu'il en sorte vainqueur. Si tel n'était pas le cas, lui non plus ne plierait pas face à l'adversité, préférant affronter la mort dans la tourmente qu'il avait toujours connue.

Pourtant, sous cette réponse concise, qui n'avait d'ailleurs pas besoin d'être développée davantage, Ezekiel était tenté de répondre à cette taquinerie en apparence innocente que lui offrait une fois de plus l'énigmatique figure en face de lui.

- Si tel devait être le cas, je vous réserverais une place de choix , car il serait inutile de lutter contre vous pour vous faire plier, répondit-il, où, malgré la pointe de badinage laissait plané un doute quant à la nature innocente de sa plaisanterie. Dans tous les cas, il serait préférable que ce ne soit qu'une malice en réponse à celle d'Opale plutôt qu'une réalité imminente.

Étonnamment, Opale continua avec une nouvelle interrogation, s'éloignant ainsi des sentiers initiaux de leur conversation.

-Cela fait deux questions, releva-t-il. Après tout, "qui gagnerait ?" avait été une question à laquelle il s'était fait un plaisir de répondre. Mais Ezekiel était d'humeur particulièrement généreuse ce jour-là. Qu'Opale en profite, car ce serait probablement la dernière fois que le dragon consentirait à ce jeu.

Pourtant, sa question le replongea dans des temps révolus. Alors qu'il fut tenté d'éluder la question pour savourer une fois de plus la frustration de son interlocuteur, ce dernier fit signe au barman de lui servir un nouveau verre. Et un deuxième ? Ezekiel fronça les sourcils, soucieux que son cadet ne finisse par lui faire un KO complet s'il accélérait ainsi le rythme... avant de réaliser que ce deuxième verre lui était destiné. Peut-être dans le but de l'amadouer.

Voilà bien quelque chose qui ne lui convenait guère. Il n'était pas du genre à céder pour ses beaux yeux.

Jamais. Quelle idée.

Pourtant... il répondit à la question.

Une faiblesse liée à l'alcool, probablement.

- La valse, seulement. Quelqu'un m'a enseigné cela il y a de nombreuses années, sûrement pour le simple plaisir de se moquer de moi. Alors disons que désormais, je me débrouille suffisamment pour ne pas paraître ridicule.

Ezekiel avait au moins un avantage dans ce domaine. Sa manière de se mouvoir était fluide, élégante, instinctive. Il n'avait donc pas été un si mauvais élève que cela. Pourtant, il n'avait certainement pas été doué. Parce que la proximité le gênait horriblement, ce qui finissait par le braquer. Et puis, il n'en voyait pas réellement l'intérêt. Pourquoi bouger avec grâce si ce n'était pas pour fondre sur ses ennemis ?

Malgré tout, il trouvait sa réponse un peu trop honnête, mais quelle importance ? Opale allait finir par sombrer à force de frotter ses yeux, son regard s'égarant dans le vague. Il sentait son propre corps se détendre, d'ailleurs. Il aurait pu continuer à boire, mais... il devait se montrer raisonnable.

Il termina son verre d'une traite avant de saisir celui si généreusement offert par Opale. Dans leur fierté respective, ils avaient tous les deux bu trop vite. S'ils étaient encore loin d'être ivres au point de ne plus tenir debout, il valait mieux les rappeler à l'ordre avant que la situation ne dégénère. Et que l'un d'eux finisse par avoir des actions forts regrettables.

- Ralentissez votre rythme. J'aimerais éviter d'avoir à vous ramener chez vous. Et si jamais vous oubliez votre propre adresse, que vais-je bien pouvoir faire de vous, hein ? ajouta-t-il, lui lançant un regard réprobateur, oubliant lui-même de lancer une nouvelle question.

 
 
KoalaVolant
Jeu 28 Mar 2024 - 17:09
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Opale Caladrius
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L'homme est un aveugle

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L’alcool érodait les défenses, les faisait doucement tomber. C’était amusant de se réfugier derrière l’alcool, le pire défenseur en matière de secrets. Si 50 ans ce n’était rien pour Ezekiel, pour Opale c’était déjà bien suffisant. Si sa vie s’était arrêtée à cet âge-là, il n’aurait sans doute pas eu de regrets. Tout autant que si elle s’arrêtait là, maintenant.
Les caladres étaient immortelles, jusqu’à qu’ils utilisent leur don qui les empoisonne a petit feu. Si Opale avait prit un autre chemin, une autre voie, peut-être aurait-il pu vivre éternellement comme Ezekiel. Mais il avait décidé de faire don de soi et périr en conséquence, à un âge tout à fait prématuré pour les oiseaux blancs. La réponse frontale de l’étranger le surprenait. Ses barrières s’étaient doucement abaissées, ou n’était-ce qu’une stratégie pour faire tomber celles d’Opale.

Une « éventualité » qu’il prenne le contrôle de l’île, de ses habitants. Mais à quoi bon ? Pour une fois que semblait régner un semblant de paix, aussi factice soit-elle, pourquoi l’arracher ? Ezekiel, semblant si mystérieux, si indépendant, serait-il à la botte de quelqu’un ? Cette réflexion avait fait hausser un sourcil à Opale alors qu’il récupérait le verre, poussant le second jusqu’à son invité. Il prenait son whisky fort, frais, pur. Son café fort et noir le matin. Des cigarettes à n’en plus finir. Il était loin d’être doux, si c’étaient les traits qu’on lui attribuait si aisément. L’amertume teintait tous les arrière-plan de sa vie. Et la réponse du professeur avait élargie son sourire.

-Comme vous êtes tendre ! Je tacherai de m'en souvenir. Je ne vous épargnerai pas non plus, si vous êtes à achever. Comme ça, nous sommes quittes.

La douce ironie n’en était pas totalement. S'il croisait un prédateur un jour, il priait simplement pour que ce soit rapide. Il avait porté le verre à ses lèvres, avalant une nouvelle gorgée, laissant le froid brûler son palais, s’attacher à sa gorge. Il n’avait pas fait attention au fait que lui offrir un verre déplaisait à Ezekiel. Ça existait, les gens comme ça ? La réponse de la valse lui fit hocher la tête et la seconde le fit tousser, moqueur.

-Quoi ?! Une seule danse ?

C’était pour le moins étonnant, pour sa part.

-Mais que faisiez-vous, toutes ces années ! Si j’étais vous et avec l’âge que vous semblez avoir, je me serais évertué a tout connaître.

Il avait lâché ça avec un peu moins de réserve que ses phrases précédentes et peut-être une légère candeur. Peut-être que le whisky faisait effet, finalement. Mais il se revoyait, jeune serviteur enchainé dans le joli domaine de bourgeois français tombée sous le feu des huguenots. Il avait appris tout ce qu’on apprenait aux jeunes maîtres de maison, en observant. Les soirées mondaines étaient très instructives et il connaissait la plupart des danses comme le passe-pied. Branle rapide, air à trois temps et pas glissés.

Courantes à la française, à l’italienne, floranes, gaillardes, gavottes, musettes et pavanes, le festival était carnavalesque. Il avait appris en regardant, car il n’avait pas toujours été aveugle. Mais en sortant de sa cage dorée, il s’était empressé de se rapprocher des gens, pour apprendre. Ezekiel semblait avoir plus de réserves, c’était sans doute le cas. Peut-être jugeait-il ça inutile… ? Dans tous les cas, c’était ennuyeux. Mais si Opale avait collectionné les danses, il en avait fait de même auprès de divers instruments de musique. C’était un monde qu’il appréciait, même si ici il en avait perdu l’accès et trop épuisé, il ne s’était pas enthousiasmé à rejoindre la joyeuse bande qui performait ici tous les trois soirs.

-Allons, ne faites pas le donneur de leçon, à donner des ordres à un membre du personnel. Je sais bien que vous allez m’abandonner sur les falaises, moi, le pauvre aveugle.

Rigola Opale en se frottant la joue. Il s’était retourné vers Ezekiel d’un geste souple avant de poser pieds à terre, ramenant une mèche derrière son oreille. S’il ne perdait pas (encore) l’équilibre, c’est que tout allait bien. C’était un problème après tout, quand on voyait aussi peu que lui, on rentrait facilement dans tout ce qui bouge ou ne bouge pas et on était encore plus facilement désorienté. Mais ce n’était pas le cas…

-Et… Si je vous invite à danser ?

Le médecin s’était retourné vers lui, les mains délicatement ramenées dans son dos, au creux de ses reins cerclés de son pantalon fin. Il souriait, juste un peu, son visage aux pommettes légèrement rosées par la chaleur et le whisky faisaient ressortir la blancheur de ses cheveux et de ses cils. La musique était assez forte, après tout, plusieurs habitants s’amusaient devant les musiciens. S’il ne le suivait pas, Opale irait seul. Il n’était pas venu jusqu’ici pour recevoir des menaces a peine dissimulées d’un presque inconnu qui n’était pas très loquace, tout en ayant accepté le verre qu’il lui avait offert. Et puis, Ezekiel n'avait pas posé sa question.



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Jeu 4 Avr 2024 - 20:03
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Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel Oldenbourg
 

L'homme est un aveugle qui va dans le droit chemin =>Platon 


Ezekiel avait semé les graines de sa curiosité, sans soupçonner qu'elles fleuriraient en une nuit d'ébène où les verres se faisaient complices de leurs émois. Son palais savourait les nectars de l'alcool mais même le plus intrépide des nébuleux ne pouvait échapper à l'ivresse. Malheureusement. Bien qu'il eût l'habitude des libations, il ne restait pas insensible à leur effet. Sous l'emprise des breuvages, ses défenses s'effritaient légèrement, mais il remarquait qu'il n'était pas le seul à succomber. Cependant, tous deux demeuraient encore maîtres de leurs facultés. Du moins, pour l'instant.

Pourtant, même pour une seule soirée le dragon gardait un œil vigilant, dissimulant habilement toute menace dans l'ombre de son regard. Mais était-ce là une nécessité réelle ? Lorsque les mots taquins d'Opale firent écho, il tiqua imperceptiblement. Ezekiel sondait alors son interlocuteur avec une intensité presque dérangeante, conscient des arcanes qui se dissimulaient derrière son faciès qui n'y laissait rien paraitre. Il goûta du bout de sa langue aux nuances subtiles du danger, sachant que sous le vernis de la courtoisie, Opale aurait pu déployer ses propres stratégies pour le faire tomber s'il en ressentait le besoin. Poison de l'esprit, toile d'araignée tendue dans l'ombre, ou bien sombre complaisance à invoquer les démons du passé s’il venait à trop parler, tout semblait possible.

Alors qu'il s'abîmait dans la contemplation de son verre, offert par Opale dans sa générosité qui n’était plus à prouver, ce dernier éclata presque d'étonnement, déclenchant ainsi l’interrogation du plus âgé.. Énigme fugace de l'instant, dont la résolution demeurait insaisissable, mais dont l'évidence était que cette réaction était à préméditer.

Opale avait réussi à cueillir un sourire sur les lèvres d'Ezekiel « Avec l'âge que vous avez », soulignant ainsi l'évanescence des siècles qui filaient pour les êtres célestes, imprégnés d'une longévité bien au delà des humains. Car, en dépit des apparences, Ezekiel savait qu’ Opale portait lui aussi les stigmates de l'éternité. C'était souvent la nature intrinsèque de chaque créature qui les guidait inexorablement vers leur déchéance, bien avant que les éclats de leur existence ne s'éteignent définitivement.

- Oh, ne me jugez pas ! Je n'avais guère le temps pour me pencher sur des futilités, riposta-t-il avec une moue contrariée.. Il était tentant de croire que la sagesse fleurissait naturellement avec le passage des siècles, mais la réalité était bien plus nuancé et complexe. Malgré les millénaires écoulés, Ezekiel savait qu'il restait des secrets à découvrir, des fragments de connaissance perdus dans les méandres du temps. C'était là la cruauté de l'immortalité, une soif inextinguible de savoir, même au prix de la dure leçon de l'humilité. Qu'il devait à présent encaisser.

- J'étais souvent sur les zones de conflits ou dans les montagnes. Mais je lisais beaucoup... dans le peu de temps libre dont je disposais...

Il retint à temps l'envie d'ajouter que sa présence avait suscité assez de frayeur chez autrui pour les dissuader de s'approcher, encore moins pour partager des moments de convivialité. Refusant tout lien avec ses pairs nébuleux, ses interactions se résumaient à leur plus simple expression.

Mais qui aurait osé s'approcher de lui ? Son aura avait semé suffisamment de tumulte pour graver son empreinte dans les mémoires, et quand vint l'heure de la retenue, il était déjà trop tard pour effacer les cicatrices qu'il avait infligées, tant aux humains qu'aux créatures, inconscient des ravages de son passage.

Enfin... il fut vénéré à Saint-Ursanne, pareil au faux prophète se parant des louanges qu'il ne méritait point, déguisant sa cruauté sous l'apparence du sauveur. Ainsi instruit, il se gardait bien de tisser des liens plus profonds, ne s'aventurant qu'en superficie dans les affections nébuleuses.

Ainsi, la remarque facétieuse d'Opale, bien que taquine, lui rappelait cruellement qu'après un millénaire écoulé, sur bien des sujets, il demeurait aussi égaré qu'un simple mortel..

Sa riposte suivante sonnait comme une brève de rébellion, mais derrière l'arrogance enfantine, il se surprenait à envisager que, s'il avait pu élever sa fille, beaucoup de chose aurait pu changer. Quel âge aurait-elle atteint ?

Pas maintenant. Il se refusait d'y penser.

Il se concentra à nouveau sur son interlocuteur.

Pourquoi donc lui interdirait-il de commander ? Monsieur du personnel, vraiment ? Jouait-il désormais la carte de son rang ? C'était plutôt mignon, mais loin de dissuader le plus agé.

- Oh ? Parce que vous, Monsieur Caladrius, membre du personnel, m'ôteriez le droit de faire usage de bon sens? En mon temps, l'on savait accorder une oreille attentive à nos aînés. Et on les écoutait.

Pourquoi diable pensait-il qu'il pourrait se permettre une telle chose ? L'alcool le faisait-il dériver dans un océan de pensées fantaisistes, ou était-il simplement plus lucide qu'il ne le laissait paraître ?

- Mais quoi qu'il en soit, le constat demeure le même : j'ai déjà décrété que cela suffisait pour vous.

Ezekiel prononça ces mots avec fermeté, un ton qui ne laissait aucune place à la contradiction. Les distinctions de statut ou de titre ne sauraient entraver sa décision même si cela impliquait d'adopter une posture plus directive. Ce n'était pas l'un de ses maitres, il faisait donc ce qu'il voulait.

Plus obstiné que de coutume, Ezekiel préférait trancher net la conversation pour l'instant. Contrairement à ce que l'on pourrait supposer, il n'éprouvait guère de plaisir à émettre des ordres. Il était bien plus à l'aise du côté des récepteurs . Mais il redoutait de voir la situation se détériorer davantage.

Et, bien qu'Opale ne soit en rien un enfant, et qu'il ait probablement autant d'expérience que lui-même, Ezekiel avait décidé de mettre un terme à cette interaction. S'il laissait son cadet persévérer dans cette voie, il risquait de révéler des secrets qui pourraient être exploités à son désavantage, et Ezekiel n'hésiterait pas à s'en saisir. Pourtant, si la conversation s'en tenait là, et qu'il ne disposait pas suffisamment d'informations sur Opale, il ne pouvait entreprendre aucune action contre lui, et ses supérieurs ne pourraient lui en tenir rigueur. Il était fort probable que l'alcool eût son rôle à jouer dans ce raisonnement, qui, bien qu'éloigné de sa nature habituelle, lui semblait néanmoins nécessaire-en cet instant - pour n'avoir aucune réel raison d'en faire sa cible.

Et puis... Opale ne semblait point disposé à s'en aller.  Alors qu'il se dressait avec souplesse pour lui faire face.

Mais sa requête suivante, d'un coup, captura le regard acéré d'Ezekiel, étonnement sincère qu'il ne pouvait ni feindre ni dompter. Mystère planait sur les desseins de son interlocuteur. Une innocence presque enfantine illuminait son visage, exempt de toute malice, il se tenait là, attendant une réponse sans l'ombre d'une appréhension.

- Vous... m'invitez à danser? Quelle audace. Un soupçon d'ironie pour regagner son aplomb, pourtant, la surprise demeurait réelle... car son objectif initial n'était certes pas de partager légèrement le temps avec son humble membre du personnel.

Et pourtant, comment aurait-il pu décliner ? Un regard furtif vers son verre, suivi de sa capture soudaine dans sa paume, acheva de le vider d'un trait.

Soit, il imputerait ce choix à l'effet de l'alcool.

- Très bien alors, mais vous aller devoir me guider. Je ne suis guère habile, et il me semble que ma dernière tentative remonte à près de trois siècles, un temps qui commence à se dissoudre.

Ezekiel se leva alors, ramenant délicatement une mèche de ses longs cheveux de jais derrière son oreille. Après une brève hésitation, il lui tendit sa main droite, bien que celle-ci portât encore les blessures qu'il s'était infligées, qui commençaient à cicatriser sans douleur apparente. D'un pas supplémentaire, il se rapprocha encore.

Son regard balaya les créatures qui semblaient s'être égarées sur... la piste de danse ? Il n'était pas certain de leur intention véritable, mais il ne put ignorer le couple de créatures enlacées, se fondant l'un contre l'autre. Ezekiel aurait juré que s'ils avaient été seuls, ils auraient fini par se dévorer tout cru. Au sens figuré malheureusement. Mon Dieu. Un frisson indomptable le parcourut, et il détourna son regard de cette vision d'horreur pour se concentrer sur Opale. Il pouvait encore se rétracter, n'est-ce pas ? Non, il ne pouvait décemment pas esquiver maintenant. Il n'avait jamais reculé devant un combat... alors pourquoi cela lui inspirait-il plus de crainte qu'une morsure à la gorge ?

- D'où vous vient cette... passion pour la danse ? Votre réponse laisse entendre que vous en êtes coutumier.

Il consentit à se rapprocher des musiciens... mais aussi loin que possible des couples mielleux.

Avait-on déjà envisagé de leur proposer une chambre, plutôt que de dévoiler leur affection ici ? Car cela rendait la situation singulièrement inconfortable pour lui.
KoalaVolant
Dim 7 Avr 2024 - 11:58
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Opale Caladrius
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Stigmates d’une éternité, ou d’une vie trop courte. Ce qui était sûr, c’est qu’Opale n’avait pas ce temps à dépenser en réflexion et babillage. Il préférait être aussi tendre que franc. Loin de lui, tous ces êtres aux âges éternels qui préféraient dépenser leurs minutes en réflexion plutôt qu’en actes. Paradoxe de l’être immortel, son corps et son âme gagnant en pureté au fil des années, devenant un objet de désir, préservé dans les affres confortables d’une vie de prudence. Mais Opale avait réussi à cueillir un sourire sur les lèvres de son comparse d’un soir, il l’avait senti avant même de le voir. Si la dance, la musique, l’amour et l’art étaient futile, Opale l’était tout autant. Un parole si creuse, effleurant une certaine naïveté de la part du professeur sur certains goûts de la vie dont il semblait avoir été privé.

Les zones de conflits… Opale ne pouvait que le comprendre. Il s’était retrouvé enchainé en cœur de guerre, bien malgré lui. Médecin au front durant la première guerre mondiale, il n’avait pas échappé aux horreurs qui l’habitaient encore. Et il était certain que la lecture sied à merveille à Ezekiel qui semblait être un puit de connaissances inépuisable qui se lisait dans le moindre de ses gestes et mots, soigneusement choisis. Du temps, il en possédait certainement trop pour être véritablement sage. Sa maladresse ne cessait de l’attendrir. D’abord la lettre, puis ces quelques mots prononcés à mi-mots. Un ainé hein… Opale ne le considérerait pas comme tel, s’il refusait de lui dire son âge. C’était le jeu, d’être aussi mystérieux.

« cela suffit » décrétait-il. Grands airs, bien faibles mots. Opale n’en avait cure, cela lui laissait seulement un vague sourire sur le visage. Qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire, qu’il ne boive trop ? C’était vrai, il y avait des choses, des mots, des actes parfois regrettables. Le médecin ne prévoyait pas de l’écouter plus que cela, mais il décida de paraître sage. Ses mains délicatement ramenées dans son dos, il attendait patiemment la réponse d’Ezekiel. De l’audace, pour une simple valse ? Si le professeur avait eu de l’importance à l’extérieur de l’île, ici son poste, tout ce qui le rendait précieux aux yeux convoiteurs, tout ça s’était envolé en posant le pied sur Nitescence. Alors, Opale ne savait pas vraiment s’il s’agissait d’audace ou de franchise.

Le caladre avait envie de l’inviter à danser, alors il le faisait. Voilà tout. L’instant suspendu de l’hésitation ne dura pas alors qu’Ezekiel se relevait avec la même élégance qui avait su l’assoir. Un sourire éclaira le visage d’Opale, jusqu’à impassible et patient. Sa main se glissa doucement dans la sienne et il ferma les yeux. Sa paume à l’entaille était pratiquement guérie. D’une simple pression, il sentit à la chaleur, la teneur, que tout allait bien. Son examen mental et instinctif ne dura que quelques secondes durant lesquelles ses doigts glacés se pressèrent contre les siens. Ils se rapprochèrent et le nébuleux rit

-En ce cas, soyez un ainé éclairé et laissez moi vous guider.

Lâcha-t-il simplement d’un ton rassurant, l’entrainant sans tirer devant les musiciens, sur le plancher usé par les nombreuses fêtes et danses qui avaient lieu ici. Son sourire s’étira en entendant l’énonciation de « trois siècles ». A peu prêt l’âge auquel il avait commencé à observer les danseurs. Comme quoi, il n’était jamais trop tard pour apprendre. Opale se détacha un instant d’Ezekiel pour ramener ses cheveux à l’arrière de sa tête, attrapant un ruban glissé à sa ceinture pour le pincer entre ses lèvres, puis le nouer dans ses boucles pâles qui retombèrent contre sa nuque. Le médecin rattrapa ses mains et il sentit… Quelque chose. De la gêne ? Est-ce qu’il s’agissait de cela ?

L’empathe écarquilla un peu les yeux, les plongeant dans ceux d’Ezekiel. Peut-être, juste un peu, qu’il le sondait. Mais c’était un instinct qu’il ne contrôlait pas et curieusement, c’était la première vraie émotion qu’il percevait chez le professeur. Surement que l’alcool avait élimé ses barrières, là où les failles résident. Opale regarda autour de lui, ne distinguant que les silhouettes mouvantes et floues des autres danseurs. Était-ce lui qui le perturbait, ou les autres fêtards ? Il avait envie de se moquer, mais il décida de ne pas enfoncer le couteau. Pas tout de suite.

-Tiens, saviez vous que la valse vient de l’allemand Walzer ?

Tourner. Il voulait vérifier quelque chose mais malgré l’accent quasiment impeccable de Ezekiel, il avait cru percevoir une légère pointe qui ne lui était pas étrangère puisqu’il avait beaucoup voyagé aux alentours de la France. Il sourit, glissant sa main dans le dos d’Ezekiel, la posant simplement sans serrer. Il était svelte et plutôt féminin avec ces longs cheveux fins qui caressaient la main d’Opale. Et ce malgré la force qu’il proclamait haut et fort. Il ne voulait pas non plus qu’il soit inconfortable, vu qu’il avait l’air pudique. Opale ferma les yeux, écoutant la musique, son tempo, da capo, trois temps.

-Nous partons à droite. Suivez mes pas, Ezekiel.  

Souffla-t-il avec un geste encourageant. Opale guidait le « couple » du bassin et du bras. Il était plus simple de tourner vers la droite.

-1. 2. 3. 4. Et tournons.

Murmura t-il, autant pour lui-même que son partenaire, avançant avec une étonnante souplesse et précision. Il remerciait ses années d’entrainement, à la fois forcé et volontaire. Ses cheveux pâles suivaient ses gestes, encadraient parfois son visage, y glissant quelques mèches.

-Pour répondre à votre question, j’ai commencé à danser à la cours de Louis XVI. Enfin… J’observais, surtout ! Mais ça ne m’a jamais vraiment quitté, je crois. A cette époque, je le désirai plus que tout. Quand j’ai enfin pu me mouvoir à ma guise, c’était une manière pour moi de témoigner cette liberté, j’imagine.

Répondit-il avec une forme de douceur amer. Ezekiel suivait sans mal, malgré quelques maladresses qu’Opale remarquait par habitude. Cela le faisait sourire. Parvenait-il à ébranler cette montagne de certitudes ? Il était certain que l’alcool le rendait plus désinvolte qu’il ne l’était habituellement, plus doux aussi. Mais il n’en dévoilait pas trop non plus, gardant ses secrets bien enfouis. Il serra doucement sa main dans le dos d’Ezekiel, tout de même étourdi par les nombreux verres qu’ils avaient enchainés sans manger une miette.

-Finalement, vous gagnez le pari. Voilà bien longtemps que je n’avais pas bu ainsi, je suis démasqué.

Pouffa-t-il en inclinant la tête, prenant garde à ne pas rentrer dans les autres danseurs. Les musiciens battaient une cadence tranquille, aux cordes graves. Les lumières chaleureuses et obscures dansaient dans ses yeux opales. Le médecin était toujours intrigué, par ce mystérieux professeur. Attiré, pour le moins qu'on ne puisse dire. Cette proximité n'aidant en rien à sa clarté d'esprit. Sérieusement, comme allait-il rentrer chez lui ?

-Si vous aimez vous battre, j’imagine que combattre une forme de danse, je me trompe ? Vous êtes quasiment irréprochable !



notes
Mar 16 Avr 2024 - 23:42
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Ezekiel Oldenbourg
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Il avait consenti, peut-être par arrogance... Comment aurait-il pu esquiver alors qu'il avait jusqu'alors disserté sur ses aptitudes ? Opale se serait certainement gaussée de lui. Et un défi, quel qu'en soit l'adversaire, ne pouvait être décliné... Oui, il le prenait ainsi, sinon il serait accablé d'une gêne particulièrement tenace.

Ce n'était pas tant l'idée de danser et de paraître maladroit qui l'embarrassait, mais plutôt le frisson de chaleur évoqué par le contact. Ce sentiment ravivait en lui des souvenirs qu'il aurait préféré laisser enfouis. Jadis, il n'avait pas esquivé les interactions humaines de la sorte. Peu pourraient croire que lui aussi avait aspiré à la tendresse pour apaiser son âme, à une époque où il n'était qu'un pantin entre les mains de ses maitres. Il aspirait à être reconnu, à ce que sa voix porte, à ce que quelqu'un partage sa douleur. Egoïstement. Pourtant, il avait toujours échoué à choisir les alliés propices pour apaiser son tourment. Ou peut-être les avait-il repoussés, refusant ainsi toute once de quiétude qui aurait pu lui être offerte.

Il n'était pas à plaindre, car il voyait là le travail implacable du karma accomplissant son œuvre. Les humains, dans leur poignante quête de sens, auraient assurément invoqué la justice divine, attribuant à Dieu le rôle du juge châtiant ses péchés et le condamnant à errer dans le silence et la solitude. Mais peu importaient les croyances, car le résultat demeurait inchangé : une condamnation éternelle aux abîmes de l'isolement.

Il savait qu'il n'avait plus droit à ces élans de faiblesse, que seul son devoir devait prévaloir, sinon tout ce qu'il avait sacrifié jusqu'à présent, tous ces efforts consentis, auraient été vains. C'était évidemment à ce moment précis, quelques verres plus tard, qu'il se laissait emporter par ses pensées errantes.

Il aurait dû se maudire d'avoir ainsi laissé sa garde vaciller, un frémissement à peine perceptible dans ses paupières alors qu'il se redressait avec la même prestance, ne permettant pas à l'alcool de dicter sa conduite. Il sentait lentement son emprise grandir, tel un serpent insidieux enroulant son esprit. Tentateur irrésistible du jardin d'Éden... Combien de fois avait-il entendu cette histoire, la considérant davantage comme un récit mythique que comme une vérité absolue... Ou peut-être comme une leçon de vie.

En tout cas, Opale lui avait offert un sourire, sans doute satisfait de sa réponse, anticipant peut-être un refus, tandis qu'il prenait sa main. Ezekiel avait à peine tiqué, se laissant emporter, et, une fois de plus, il se retrouva transporté à ses jeunes années où ses préoccupations étaient tout autres.

- Je m'en remets à vous, avait-il simplement murmuré. C'était assurément la dernière fois qu'il cédait à l'attrait de l'alcool... Du moins à ce degré et à jeun. Ses pas demeuraient fluides, mais ses paroles, ses pensées, commençaient à revêtir une nuance qui ne lui convenait guère.

Il laissa Opale s'éclipser doucement, tandis qu'il nouait ses cheveux avec une délicatesse prévoyante, anticipant tout éventuel embarras. À y réfléchir plus profondément, cette action lui conférait une aura singulière, évoquant une réminiscence lointaine d'un jour où un homme de pouvoir l'avait interpellé. Jeune encore, à peine deux siècles écoulés, il avait senti le poids de son regard sévère caresser ses mèches avec un mépris à peine voilé : "Qu'est-ce donc que cette crinière de femme? Qui vous a autorisé à arborer une telle coiffure ?" Aujourd'hui, il aurait sans doute répliqué que la "femme" risquait bien de lui broyer le bras... Mais il avait simplement incliné la tête, sollicitant humblement sa gouvernante pour rectifier le tir dès le lendemain, optant pour une coupe plus conforme à son genre.

Puis vint le temps de la rébellion, où il décida de laisser pousser ses cheveux malgré les quolibets incessants.

Dans le regard d'Opale, Ezekiel crut déceler le désire de pouvoir le sonder d'avantage. Le dragon demeurait un mystère à percer, et peut-être était-ce aujourd'hui qu'il laissait entrevoir une parcelle infime de son essence. Si minuscule soit-elle, cette ouverture demeurait une rareté à saisir délicatement...

Oh, tiens ? Une leçon théorique se dessinait-elle dans les intentions d'Opale ?

«Sehen Sie, Frau Wagner! Mir wurde der Walzer beigebracht. Würden Sie so freundlich sein und mit mir tanzen?»

- Maintenant que vous en parlez, cela me parais évident, directement associé au verbe Wälzen lui-même.

Drehen, certes, évoquait de façon précise le simple mouvement de tourner, mais Wälzen, ah, ce terme déploie bien plus que cela. Il incarne précisément l'action de cette danse... Tourner en cercle, certes, mais d'une manière qui transcendait la simple rotation physique. Chaque pas devenait alors une symphonie intérieure, un tourbillon d'émotions et de pensées qui se mêlent en une harmonie envoûtante.

Mais voilà encore des pensées futiles qui s'immisçaient. Ezekiel se rappelait qu'il devait redoubler d'attention envers Opale. S'il demeurait si près de lui, il sentait subtilement qu'on lui offrait une porte de sortie, une échappatoire sur laquelle se raccrocher... Ah, si subtil, et pourtant, Ezekiel était convaincu qu'Opale discernait bien des choses sur le dragon.

Pourtant, sans un mot, acceptant simplement de se laisser guider, Ezekiel écoutait docilement les instructions de son... compagnon de danse? Il saisit les infimes impulsions pour suivre au mieux ses pas. Ezekiel excellait dans l'art de se mouvoir et de s'adapter, mais pour un expert tel qu'Opale semblait l'être, ses maladresses, aussi légères soient-elles, ne pouvaient échapper à son regard aiguisé, tel un faucon scrutant sa proie dans les dédales de la nuit.

Il se laissait emporter par la cadence des mots, par le rythme envoûtant de la conversation, mais... il se questionnait sur la pertinence de cette danse à exécuter après avoir cédé à l'alcool de manière si généreuse.

Écoutant Opale d'une oreille attentive, il plongeait dans les récits de l'origine de sa grâce... La cour de Louis XVI. Un Français peut-être ? Ou peut-être avait-il simplement résidé là-bas ? Ezekiel commençait à discerner pourquoi Opale était si empreint d'élégance, avec cette touche de vieille France qui semblait imprégner chacun de ses gestes, une fragrance d'antan flottant dans l'air.

Pourtant, alors que sa main délicate se pressait dans son dos, le poussant instinctivement à baisser la tête vers Opale, avant même qu'il ne puisse esquisser une banalité pour rompre le silence qui s'épaississait, Opale s'avoua vaincu. Ah, l'alcool... Ezekiel avait pourtant prévenu. Habituellement, il aurait peut-être été tenté de souligner cette prémonition, de lui rappeler "je vous avais averti", mais à la place, il se contenta d'un simple acquiescement, comme un murmure plus sage.

- Je vais vous ramener, déclama alors le dragon avec une étrange sollicitude.

Il se pressa légèrement plus contre Opale, comme s'il craignait qu'après cette révélation, le médecin ne vacille, cherchant dans ce contact une forme de sécurité instinctive.

Pourtant, malgré ses maladresses, il reçut un compliment qu'il n'estima pas tout à fait mérité, mais il était si rare de recevoir des éloges pour autre chose que ses compétences professionnelles, alors...

- Ah... ah. Merci, Opale, vous êtes bien aimable, répondit-il avec une sincérité teintée de surprise.

Ezekiel marqua une pause, scrutant attentivement le visage d'Opale pour déceler le moindre signe de faiblesse.

- Vous êtes réellement... doué, je dois l'admettre. Pour danser, s'entend, pas pour boire. ajouta-t-il avec une pointe de taquinerie, esquissant un sourire qui adoucissait ses paroles, les rendant légère.

Étrangement, il accueillait avec bienveillance la reconnaissance de son infériorité face à Opale. Pour quelqu'un privé de la vue, celui-ci semblait véritablement fusionner avec son environnement, tel un artiste harmonisant chaque geste avec une précision exquise. Il était difficile d'imaginer qu'il puisse être affecté par une quelconque déficience visuelle. Ses mouvements étaient empreints d'une grâce transcendante...

- Eh bien... c'est un duel que j'ai incontestablement perdu, conclut-il en détournant légèrement le regard, effectuant une légère inclinaison de la tête.

C'était étrange, toutes ces pensées qui s'entremêlaient, tissant un tableau complexe de réflexions et d'émotions. Mais il était temps de mettre un terme à cette introspection. Bien qu'il n'eût pas exprimé grand-chose verbalement, il sentait qu'il avait atteint une limite à ne pas dépasser, comme si les contours de sa conscience étaient définis par les ombres fugaces de ses pensées.

Il n'aurait de toute façon pas dansé bien longtemps, mais peut-être était-ce mieux ainsi. Ezekiel invita alors le plus jeune à rejoindre leur table pour rassembler leurs effets.

- Cela vous convient-il que nous partions maintenant ? Vous vivez avec quelqu'un, par hasard ?demanda-t-il, soucieux de s'assurer qu'Opale ne se retrouverait pas seul une fois parvenu à bon port. Tiens, cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas enquis du bien-être de quelqu'un d'autre. Déroutant. Il se figea un instant et, plus naturellement lui tendit sa main... ou son bras ? Voulez-vous vous appuyez sur moi ?


KoalaVolant
Jeu 18 Avr 2024 - 23:15
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Opale Caladrius
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Les élans tendres et faibles savaient bien souvent dicter le cœur. Infime et minuscule éclat qu’Ezekiel laissait entrevoir. Un fil rouge, à tirer, lentement mais surement jusqu’à lui. Opale écouta la leçon avec un sourire en coin à peine dissimulé. Tiens donc, avait-il visé juste ? La manière dont le mot roulait contre sa langue indiquait le naturel avec lequel il était prononcé. Des montagnes et un Allemand impeccable. Le nœud géographique restait incertain tout en se resserrant mais Opale joua l’innocent, hochant la tête avec une moue.

Ah ! Bien évidemment, qu’il en savait plus que lui. Le caladre n’était pas familier avec l’allemand. Contrairement à de nombreux nébuleux polyglottes, il n’avait pas eu l’occasion de réellement se consacrer à l’apprentissage d’autres langues que le français et l’anglais. Il avait eu 50 ans de retard, déjà, enfermé dans sa jolie tour d’ivoire. Et puis il avait été baladé de mains en mains, guerres en guerres jusqu’à sa fuite à Londres où il avait espéré commencer une nouvelle vie. C’était une belle langue, néanmoins. Peut-être qu’avec un peu de chance, il pourrait un jour obtenir des cours d’Ezekiel ou Gerhard, s’ils se montraient cléments.

Comme il le suivait sagement, suivant avec docilité ses indications, ses gestes. C’était cette aisance dans le moindre mouvement, l’écoute de chaque petite crispation d’opale et de ses pas. Le nébuleux baissait la tête pour mieux l’observer dans toute sa proximité. Peut-être en profitait-il, il était rare qu’il ne puisse observer ses interlocuteurs d’aussi prêt. La distance d’un souffle, d’une main à peine, lui permettait de dessiner des traits plus précis qui se jouaient dans son théâtre mental, se rangeaient précautionneusement dans les tiroirs de sa mémoire. Comme il était rassurant de soudainement parvenir à placer un visage sur un mot, une attitude, une conversation. Leurs jambes se rencontraient, leurs vêtements se froissaient par intermittence et au rythme de leur danse. Ils devaient paraître élégants, du moins c’est ce que songea Opale.

Ezekiel avait une présence qu’il ne saisissait pas, il se sentait flatté d’être soudainement à la hauteur de ses attentes. Il espérait, secrètement, que cette danse ne soit pas totalement insufflée sous la contrainte. Et puis, les quelques mots brisèrent ce silence intime qui ne concernait qu’eux, pourtant balayé par la musique qui battait son rythme. Opale esquissa une expression faussement déçue, un léger hoquet resta coincé dans sa poitrine en sentant Ezekiel raffermir sa prise contre son dos. Il était vrai, il se sentait désorienté mais non pas malmené. L’instant lui plaisait, mais ce n’était peut être pas le cas du professeur, après tout. Il n’était plus assez lucide pour faire la différence.
Et puis il lui sourit. C’était un sourire étrangement sincère, qui n’échappa pas au cœur ouvert du médecin qui inclina légèrement la tête, laissant couler une mèche le long de sa tempe.

-Il est vrai, je m’adonne fort peu à la boisson lorsque je suis seul.

Murmura-t-il, souriant en retour alors que l’égocentrique professeur admettait avoir perdu le duel. Les dualités de l’alcool ne lui permettaient pas de savourer sa victoire. Il ramena une mèche derrière son oreille, pouffant.

-C’est étonnant, au sortir de votre bouche. Vous entendre dire que vous avez perdu. Mais Ezekiel, je ne crois pas qu’il y aurait pu avoir un gagnant.

Enonça-t-il, l’articulation un peu plus lente. Il était vrai, maintenant que les minutes s’étaient écoulées et que son corps avait assimilé les informations, tout lui semblait plus chaud et engourdi. Lorsqu’Ezekiel le quitta quelques instants pour récupérer leurs affaires, Opale resta immobile, soudainement bien désorienté. Il ne l’admettrait pas, cependant. Cela lui faisait l’effet d’être lâché dans le vide. Le nébuleux se proposait alors, avec une sollicitude presque affective.

-Si tel est votre désir, allons-y sans tarder.

Lâcha-t-il dans un rire et sans hésitation, il glissa sa main glacée dans la sienne avant de se serrer à son bras. L’acte suffisait en réponse et ils quittèrent le bar d’un même pas. Opale était un peu déçu de finir la soirée si tôt, si ça ne tenait qu’à lui il serait resté jusqu’à la fermeture. Mais Ezekiel ne semblait pas être du genre social et il ne voulait pas le forcer, maintenant qu’il semblait s’ouvrir quelque peu à sa douceur. Les rues étaient fraîches et obscures, il n’y avait plus âme qui vive.

Opale indiqua vaguement la direction dans laquelle ils devaient se diriger, quittant bien vite les pavés droits et rassurants pour s’engager dans les chemins noirs et caillouteux. En bas de la pente longeant la forêt et s’enfonçant dans la plaine, un petit panneau de bois indiquait « maison médicale ». Un drôle d’éponyme pour un lieu qui était en réalité, loin de l’être. Le silence s’était installé dans la clarté de la lune, ronde et pleine ce soir-là. Les vents violents avaient balayé les nuages épais, laissant le voile étoilé se pâmer en beauté.

-Je vis avec mon colocataire, un psychologue humain. C’est amusant, il doit être arrivé a peu prêt en même temps que vous ! Vous êtes des mystères, tous les deux.

Souffla Opale, les yeux rivés sur le sol pour éviter de trébucher. Quoique, dans le fond, cela ne servait pas à grand-chose, le vide obscur comme le ciel avalait ses pas goulument. Une légère inspiration et il ferma les yeux, ses cheveux balayaient son visage pâle comme celui d’un spectre.

-« Dans le vieux parc solitaire et glacé, deux formes ont tout à l’heure passé. Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, et l’on entend à peine leurs paroles. Dans le vieux parc solitaire et glacé, deux spectres ont évoqué le passé. Te souvient-il de notre extase ancienne ? Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ? Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom… ? »

Déclama-t-il d’une voix douce, tournant les yeux vers Ezekiel. Ils avaient marchés de longues minutes dans le silence, brisé par le doux monologue d’Opale qui se laissait emporter par la brise. Le chemin était plus escarpé, piqué des herbes folles et fleurs jaunes qui fleurissaient en cette fin d’hiver. Les petits cailloux roulaient sous leurs semelles et le médecin resserra sa prise contre Ezekiel, sentant son odeur, sa chaleur. C’était rassurant, de ne pas remonter seul dans la nuit froide. Il ne pensait pas assez clairement pour se dire que le professeur était un quasi inconnu, que s’il avait voulu le pousser, là, dans la mer en contrebas, il aurait pu. Cela lui arrivait pourtant rarement de baisser ainsi sa garde, mais il se sentait bien. Voilà longtemps qu’il n’avait pas ressenti une chaleur tendre et jumelle.

-Colloque sentimental, Paul Verlaine. Ah, pardonnez-moi si c’était impoli, c’était simplement l’instant qui… Enfin… Appréciez-vous la poésie ?

Dit-il dans un rire clair comme la lune. Et puis, ils arrivaient. Lui ne la voyait pas, mais la silhouette austère et imposante du manoir se découpait dans la nuit moins obscure. Lui, il l'aimait encore mieux lorsque l'alcool avait empoisonné son cerveau. Ses sens engourdis, ses pensées alourdies, il n’avait pourtant aucun mal à déclamer ce qui lui faisait sens, sur l’instant. Et puis, les voilà à quelques pas de la porte. Opale ne voulait pas que l’instant se finisse.

-Attendez.

Murmura-t-il, une once d’inquiétude dans le cœur. Il ne voulait pas rentrer dans le noir et la poussière. Pas maintenant.

-Puis-je vous en citer un autre ?

Il s’était légèrement détaché d’Ezekiel, tentant de le percevoir au-delà de la nuit qui peignait ses traits. Il ne voyait que ses cheveux flottés par la brise. Cela ne faisait pas de sens, ce qu’il désirait et ce qu’il pensait ne se raccordait plus et soudain, un empressement lui serrait le cœur.

-« Reste. N’allume pas la lampe. Que nos yeux, s’emplissent pour longtemps de ténèbres et, laisse tes bruns cheveux verser la pesante mollesse… De leurs ondes sur nos baisers silencieux. »

Opale inclina légèrement la tête vers l’avant laissant tomber ses cheveux le long de son épaule. Il lui faisait pleinement face, sa main était toujours dans la sienne.

-Puis-je vous embrasser ?

Son ton avait quelque chose de lointain, presque détaché.

Il n’y avait pas d’amour. Il n'y avait presque jamais d'amour chez Opale. Il semblait en déborder, mais ce n'était qu'illusion.
Ce n’était pas réellement conscient. Il savait simplement qu’en l’instant, il désirait un peu plus de chaleur et de cœur aussi. Car il se sentait seul et que quand venait la nuit et ses pensées, le tout était hanté et amer. Et lui se noyait dans le vide de sa chambre. Et l’alcool, aussi béni que maudit, libérait la pudeur, la laissait filer dans la nuit. Il n’y avait plus ce voile d’apparences qui suffisait au jour, il n’y avait plus la crainte de déplaire. Et puis, s’il le repoussait, il ne s’en souviendrait probablement pas. Ce serait moins vexant, probablement.
Le poison desserrait sa poitrine, coulait loin et profondément dans ses veines, chaud et sans peur. Son corps était moins droit, plus souple, son visage plus détendu et baigné de sommeil et de désir pour cet inconnu qui ne serait surement rien d’autre que le tendre d’un soir, au visage noyé dans l’aveugle. L’infime instant se suspendait et lui, était à la merci des lèvres d’Ezekiel.


notes
Lun 22 Avr 2024 - 14:47
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Ezekiel Oldenbourg
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L'homme est un aveugle qui va dans le droit chemin =>Platon 


Dans la douce lueur de l'heure encore tendre, le bar éclatait d'une effervescence à peine entamée. Ezekiel, pourtant peu enclin à s'y attarder, s'y retrouvait comme en son foyer, enveloppé de ses rituels familiers, des visages coutumiers, et d'une vie en apparence si bien ordonnée.. et lointaine. Très lointaine et bercé d'illusion. Oh, combien aurait-il dû accorder davantage de temps à cette danse offerte avec tant de générosité ! Tel un élève assidu, il suivait les pas de son professeur, conscient que celui-ci, d'un regard scrutateur mais doux, percevait chaque détail. Ezekiel, imposant par son charisme et sa prestance, était cependant contraint de lever le menton pour rencontrer le regard de son guide.

Cet inconfort aurait pu le troubler, mais nul reproche ne lui venait à l'esprit, absorbé qu'il était par la cadence de la danse, s'adaptant avec sa propre grâce, tout en admirant en silence la souplesse inégalée de son mentor, même si celui-ci, visiblement, avait quelque peu abusé des libations.

Ainsi, c'est Ezekiel qui mit fin à leur proximité, une décision mûrement réfléchie, désormais conscient qu' Opale avait quelque peu exagéré, une conclusion à laquelle ce dernier parvint de lui-même. Ironie du destin ! Lui qui avait espéré éviter cette issue se retrouvait maintenant préoccupé par le moyen de regagner le foyer du médecin. Il savait que son cadet serait incapable de le faire seul, une évidence indéniable. Et ainsi, il se rendit à l'évidence, vaincu, du moins dans cette joute de danse. Il n'avait pu rivaliser, emporté par les tourbillons de l'alcool, et il reconnaissait volontiers cette défaite qu' Opale refusait de qualifier comme telle. Si Ezekiel avait été pleinement lucide, il aurait sans doute répliqué que c'était là une déclaration typique d'une victime.

Alors qu'il rassemblait ses effets, Ezekiel était intimement convaincu qu'Opale aurait volontiers prolongé leur odyssée nocturne. Un brin ? Non, tout du long, assurément ! Opale, pareil à un papillon social, semblait s'enivrer des lumières et des rires de la nuit. Ezekiel aurait presque ressenti un zéphyr de remords à interrompre les folies nocturnes de son compagnon de la soirée, mais il avait fait vœu de modération, et Opale semblait flotter dans une nébuleuse éthérée. Mais le dragon ne pouvait se résoudre à s'éloigner, craignant de laisser choir une nouvelle fois une âme désorientée.

Il laissa néanmoins à Opale le privilège de tracer leur chemin, ce qu'il fit de manière approximative, procurant un soulagement fugace à l'aîné qui n'avait guère envisagé un instant de devoir ramener son camarade chez lui, ignorant tout de son lieu de résidence. Après tout, s'il n'avait pas délégué cette tâche à Eline, il aurait eu connaissance du domicile du médecin. Un subtil jeu du destin, une vengeance envers les caprices de la vie.

Du moins, Opale n'était pas seul dans sa demeure. Il cohabitait avec un humain. Ezekiel releva un instant ses yeux pétillants à la lueur de la lune. Des mystères, hum...

-Je ne crois pas l'être. Mais je présume que je vous suscite quelque curiosité.

Alors que la nuit enveloppait leur "périple", Ezekiel se laissait happer par les ténèbres, tandis qu'Opale, , le guidait sur le sentier éloigné de l'agitation urbaine. Chaque pas résonnait comme une réminiscence des chemins non parcourus, des destinées contournées. La fine pluie, plus discrète, pareille à des larmes du ciel, caressait leur peau, illuminant les cornes d'Opale d'une lueur presque céleste.

Une étreinte réconfortante, mais chargée de souvenirs d'un temps révolu, oppressait le cœur d'Ezekiel. Les murmures du passé, comme des échos lointains, semblaient se faufiler entre les gouttes de pluie, éveillant des sentiments enfouis, des regrets inavoués.

Et puis, dans ce silence brisé seulement par le crépitement de la pluie et de leur pas, Opale finit par le rompre, en citant un poème, comme une mélodie qui réveillait les échos d'une époque lointaine. Des vers tissés dans le temps, évoquant un autre monde, une autre réalité où les tourments n'avaient pas encore terni l'éclat des sentiments.

Une douleur sourde s'empara de l'âme d'Ezekiel, tandis que les paroles de Opale agissaient comme des lames acérées, réveillant des aspects de sa personne, sous des couches de résignation.

Il avait senti Opale se resserrer contre lui, une pression croissante qu'il s'efforçait de repousser, refusant de céder à la panique insidieuse qui le guettait. Il n'avait nullement envie de se laisser envelopper par la chaleur de son camarade, ni même par son parfum.

Et Opale, semblant ignorer les sombres pensées qui tournoyaient dans l'esprit d'Ezekiel, continuait d'avancer, aveugle aux dangers qui les entouraient. Ezekiel envisagea brièvement ce qui pourrait se passer si jamais il reprenait pleinement conscience de la situation, si l'envie lui prenait de faire basculer Opale dans les abysses de l'océan. Dans son état actuel, il n'aurait aucune chance de survivre.

Pourtant, il garda le silence, se plongeant presque dans la méditation provoquée par le poème qu'Opale avait récité, peut-être dans l'espoir que celui-ci s'excuserait pour son intrusion. Malgré son état chancelant et sa compagnie inattendue, Ezekiel conservait un flegme presque irritant, exprimant ses pensées dans un anglais détaché mais toujours aussi distingué.

- Oui, j'apprécie beaucoup. La poésie et l'écriture en général... Pas besoin de vous excuser, vous avez une voix des plus agréables.

Opale laissa échapper un rire cristallin, semblant se détendre pleinement, comme s'il partageait une confidence avec un vieil ami. Ezekiel se prit à imaginer la réaction des passants, s'ils croisaient leur chemin dans cette nuit embrumée. Il aurait pu se replonger dans les souvenirs de sa jeunesse, mais il se reconnaissait davantage en Opale : jeune, insouciant et totalement aveugle.

Alors que le bâtiment se dessinait à l'horizon, ils atteignaient enfin leur destination. C'était l'heure de se séparer, et Ezekiel espérait secrètement oublier cette soirée dès le lendemain. Comme si, dans un rêve trouble, ses préoccupations s'étaient momentanément évaporées, laissant place à une étrange légèreté. Il se préparait à regagner son foyer et puis...

Un seul mot, lancé avec une urgence palpable. Opale semblait tourmenté, sa voix empreinte d'une supplication presque déchirante. Ezekiel posa son regard étincelant sur lui, en silence. Il n'avait jamais eu l'intention d'écourter la soirée, mais Opale semblait profondément regretter cette perspective, cherchant à le retenir.. Pourquoi ?

Opale se détacha de lui, lui faisant face, découpé par la lueur de la lune comme s'il tentait de percer un mystère, de saisir un dernier éclat dans l'obscurité.

Retenu par les vers d'une nouvelle poésie, sans pour autant se sentir contraint, Ezekiel observa Opale et hocha doucement la tête. Mais à mesure qu'il écoutait, une appréhension grandissante l'envahissait. Car bien que le texte ne perdît rien de sa beauté, il semblait implicitement attendre quelque chose de lui. Quelque chose qu'il ne pouvait offrir, pourtant.

Sa main, pourtant sur le point de se dérober à l'entente des mots, demeurait fermement tenue dans celle d'Opale. Elle aurait dû se libérer, mais elle restait là, comme si elle avait perdu toute prétention, toute assurance, ne parvenant plus à déterminer ce qui était le mieux à faire. Ezekiel aurait pu feindre de ne pas comprendre les sous-entendus pourtant si évidents... Mais la suite de ses paroles ne lui laissa pas cette possibilité.

Face à Opale, le dragon restait imperturbable, son regard scrutant le "jeune" nébuleux avec une intensité silencieuse. Les mots du médecin avaient coulé avec une aisance déconcertante, une aisance presque dénuée de tout sentiment. Il semblait si disposé à s'offrir à un inconnu. Un simple baiser, certes, mais échangé sans que les deux hommes ne se connaissent vraiment. Ezekiel se demanda s'il était démodé, ancré dans des principes d'un autre temps. Peut-être, quelque part, était-il vieux jeu finalement.

C'était un baiser sans engagement, une simple quête de chaleur dans le froid de la nuit. Rien de plus. Ezekiel aurait même pu prétendre ne pas s'en souvenir, effaçant ainsi toute trace de cette interaction fugace.

Mais le plus agé n'était pas de cette trempe. Il ne se liait pas facilement aux autres, ne dévoilait pas sa vulnérabilité. Plus maintenant. Et pourtant, en observant longuement Opale, il réalisa qu'il aurait pu être n'importe qui à cet instant précis. La demande de réconfort était universelle, impersonnelle. Tout le monde aurait pu lui convenir. Mais le dragon refusait d'être relégué au rang de simple figurant dans la quête de chaleur d'un inconnu.

Une infime part d'Ezekiel, peut-être enivrée par l'alcool ingéré, espérait encore trouver un jour un ancrage, un lien avec quelqu'un. Mais cette pensée honteuse fut balayée rapidement alors qu'il réalisait qu'il était resté muet pendant une minute entière, cherchant les bon mot pour répondre à Opale.

-Ah...ha. Je crains de ne pouvoir répondre à votre demande. Je n'ai pas assez bu pour penser que ce serait une bonne idée, déclara finalement Ezekiel, rompant le silence qui s'était installé entre eux.

Peut-être Opale aurait-il trouvé cette réflexion futile. Ezekiel était conscient que le besoin de proximité était souvent une illusion destinée à masquer la solitude. Il l'avait lui-même ressenti, luttant en vain contre cette sensation oppressante chaque soir alors qu'il se noyait dans ses propres pensées. Pourtant, il s'était écoulé bien longtemps depuis qu'il s'était véritablement abandonné à quelqu'un. Quelque chose s'était fracturé en lui, transformant le simple contact en une forme d'emprise, où la chaleur avait cédé la place à la suffocation.

Par-delà ces réflexions, Ezekiel en était venu à reconnaître que ses maîtres n'auraient désormais plus aucune tolérance à son égard. Lui qui avait jadis considéré le contact comme un jeu superficiel, une simple diversion pour s'évader, avait été confronté à se faire prendre à son propre jeu... à cette émotion complexe et enivrante. Engendrant le plus difficile des choix, le menant sur le chemin de la désolation. Depuis lors, il avait décidé de ne plus s'aventurer sur ce terrain. Le fracturant d'avantage avec Zélie.

Et bien qu'il ne se considérât pas comme un donneur de leçon et que la vie d'autrui l'intéressât aussi peu que la météo du lendemain, voir Opale se mettre en danger le contrariait. Il savait que c'était l'alcool qui parlait, mais il refusait d'assumer ces pensées ce soir-là.

Ce qui le dérangeait le plus, c'était de constater que ses intentions avant leur rencontre n'avaient rien eu de sain ni d'amicales. S'il avait su qu'il ramènerait Opale ce soir-là, il aurait peut-être même envisagé de le laisser sombrer dans les profondeurs de l'océan ! Mais à présent, il devait faire face à cette réalité inattendue, et expliquer des choses qui dépassaient le cadre de son rôle initial. Il se surprit à penser que, s'il avait eu la chance de voir sa fille grandir, tôt ou tard, il aurait été confronté à une situation similaire. Quelle ironie du destin, pensa-t-il, alors qu'il se tenait là, au bord de l'inconnu, face à son cadet.

- Opale, excusez-moi de vous le dire, mais vous êtes inconscient. On ne boit pas autant en présence d'un inconnu, on ne se laisse pas ramener seul la nuit par un inconnu, et pour l'amour du ciel, on ne fait pas de telles demandes à un inconnu. Sérieusement, qui pourrait vous refuser quoi que ce soit ? Vous êtes... charmant semblait être le mot approprié, mais il préférerait encore être frappé par la foudre que de prononcer ce mot. Qu'importe, vous êtes un idiot.

Ezekiel observa Opale avec une certaine perplexité. Il semblait se laisser emporter par le moment, simplement désireux de satisfaire un besoin et n'hésitant pas à en faire la demande, sans craindre le rejet. « Qui ne tente rien n'a rien ». Ce genre de comportement était souvent le fait de personnes ayant connu de nombreuses privations par le passé, désireuses de profiter de la vie sans se soucier des conséquences, sans laisser place aux regrets.

Il remercia silencieusement le ciel de ne pas avoir sombré plus profondément dans l'ivresse, évitant ainsi de céder à cette requête qui, au fond, n'avait que peu de sens. Pourtant, il réalisa qu'il était incapable de succomber à la tentation. Il avait fallu bien plus qu'une simple affinité passagère dans le passé pour qu'il se laisse réellement séduire par une telle idée. Désormais, alors qu'il semblait ne ressentir qu'un profond dégoût envers ses semblables, la tentation s'éloignait davantage, devenant hors de portée. Plus jamais il ne se laisserait entraîner dans un tel piège.

Reprenant le même détachement que son interlocuteur, Ezekiel se détourna légèrement avant de se figer.

- C'est pas de moi dont vous avez besoin, là, tout de suite.

Mais d'une bouteille d'eau fraîche, d'un lit confortable, de la présence probablement rassurante de son colocataire, et d'une affection qui n'était pas la sienne à offrir.



KoalaVolant
Mer 24 Avr 2024 - 11:58
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