Dans les replis de l'ancienne France, désormais enracinée dans les fondations d'une République francophone, June a vu le jour. Il émergea dans les ruelles ombragées d'un pays désormais dominé par les humains, faisant partie intégrante du clan Tsuki no Yurei, (signifiant spectre de la lune) dont les origines s'étiraient vers le lointain Japon avant d'émigrer vers les terres européennes.

Établis dans l'écrin majestueux du Mercantour, les Nogitsune, une variété de Kitsune, renard à 9 queues.. Leurs apparitions partielles, qu'ils ne pouvaient effacer, les exposaient rapidement aux trafics. Bien que leur silhouette évoque celle du renard, ces êtres éthérés se déplaçaient avec une grâce quasi mythique, leurs pelages chatoyant dans les méandres de l'obscurité. Tous les cent ans, une nouvelle queue se tressait à leur encontre, chaque appendice suggérant une étape supplémentaire vers la fin de leur existence.

Espérant vivre en paix sur ces terres désormais envahies par les humains, les Nogitsune se heurtèrent à une réalité implacable. Les conquérants avides, assoiffés d’argent, se mirent à traquer ces créatures légendaires, relativement rare.

Consciente de la menace pesant sur son clan, surtout avec la rareté des naissances, Atlas, leur chef, après de longues délibérations, décida de tendre la main aux humains dans l'espoir d'un accord salvateur.

Le rendez-vous fut accordé, et Atlas partit à la recherche d'un terrain d'entente avec les hommes. Étonnamment conciliants, ces derniers acceptèrent. Leur condition était simple : en fonction du nombre de naissances, certains Nogitsune devraient être cédés aux hommes et vendus comme « esclaves » ou « animaux de compagnie » pour les familles fortunées, avides d'exotisme, tout comme certains possédaient des tigres, des caracals ou des servals. Contraint, le chef accepta. Ce marché perdura de longues années.

C'est ainsi que June et sa sœur virent le jour. Les naissances multiples n'étaient pas rares, et contrairement aux jumeaux humains, leur ressemblance physique se bornait souvent à la simple parenté et non à l'identité. June ne connut jamais sa sœur. Son pelage et ses yeux, vairons, se distinguaient des autres Nogitsune, peut-être héritage lointain des ancêtres Kitsune qui coulaient dans leurs veines à tous.

Offert en offrande aux hommes dès son plus jeune âge, June quitta l'Europe pour aboutir dans l'Union Tanmia. Ce terme, évoquant le « développement » en arabe, symbolisait l'aspiration à une union régionale axée sur la croissance et le progrès, regroupant les anciens pays du Maghreb. Sous l'égide d'un chef de l'État élu au suffrage universel, l'Union Tanmia aspirait à l'indépendance, tout en incarnant l'unité dans la diversité.

Initialement vendu au Maroc à un homme d'une richesse incommensurable et d'une violence redoutable, June, encore enfant, semait le chaos dans sa demeure, dévorant meubles et canapés. Battu, affamé, emprisonné, sa vie se tissait de brutalités dans un huis clos oppressant.

À la mort de son maître, son fils prit en héritage le nébuleux. Moins violent, il n'en fit pas moins preuve d'indifférence à l'égard de June, l'exposant comme un trophée de plus, un signe ostentatoire de sa richesse. Le plongeant cependant dans une profonde solitude.

À la mort de ce dernier, il passa entre les mains de l'aîné de ses trois enfants. Pervers narcissique, se fut probablement chez lui que June souffrit le plus, devenant plus farouche, plus méfiant. Mais ce dernier, confronté à des problèmes financiers, vendit la créature à sa dernière famille...

Il se retrouva précisément dans une famille dont la fortune dépassait l'entendement, principalement acquise grâce à l'immobilier. June fut ainsi élevé dans une vaste et opulente demeure marocaine. Offert à la cadette de la famille, Amina, alors âgée de 9 ans il avait pour rôle de lui tenir compagnie et de la protéger. À cet âge vénérable de 200 ans, l'équivalent d'environ 16 ans chez les humains, June avait pour mission de veiller sur cette enfant, troublée par d'innombrables phobies sociales, scolaires et anxiétés. Ses cours, étaient donnés par correspondance, suite à une vague de harcèlement implacable dans son ancienne école.

Ce fut pendant cette période que June apprit à maîtriser pleinement sa forme semi-humaine, un art qu'il aurait dû acquérir bien plus tôt. Cependant, faute de modèles, ce fut tardivement qu'il parvint à ce contrôle. Ils devinrent alors très proches, June prenant l'habitude de protéger Amina comme s'il s'agissait de sa propre sœur, revisitant des souvenirs flous de son passé, pourtant inconnu.

Hélas, prenant trop à cœur sa mission, June se retrouva souvent entre la petite fille et son père. Ce dernier, strict et peu enclin à comprendre les tourments de son enfant, s'adonnait régulièrement à des cris et parfois à la violence. June prenait alors les coups à sa place, ce qui amenait Amina aux larmes, laquelle s'empressait de soigner ses blessures avec le plus grand soin.

Avec le temps, cependant, ce fut le frère aîné d'Amina, Hamza, âgé de 18 ans, qui montra un intérêt croissant pour June. Si le père se montrait relativement prévisible dans ses actes, ce n'était pas le cas avec Hamza. Ses gestes étaient souvent déplacés, ses paroles ambiguës, et il usait de son autorité pour imposer sa volonté à June, qui passait alors moins de temps avec Amina.

Hamza était violent, vicieux, pervers, et June se retrouva seul, dépourvu de tout interlocuteur pour partager ses tourments. La mère, peu présente, le père, violent et distant, et Amina, une enfant, ne semblaient pas être des alliés potentiels.

Il subit donc les assauts répétés de Hamza, tout en tentant de remplir son rôle auprès de la jeune Amina. Cette dernière, innocente, ne comprenait pas les ecchymoses de June, que ce dernier refusait catégoriquement d'expliquer. Il perdait peu à peu sa joie de vivre, son envie de jouer, malgré les efforts déployés par la jeune fille pour le réconforter.

Et puis, un jour, après une énième agression de Hamza, June se retrouva face à Amina dans le long couloir de la maison. Son corps meurtri, sa fatigue palpable, il croisa le regard de la fillette, bouleversée, qui le contemplait, son doudou entre les mains.

-Ça va, lâcha-t-il simplement.

Ces mêmes mots, pourtant si insignifiants, avaient déjà été prononcés par un autre propriétaire. Était-ce le fait que la petite le voie ainsi qui lui brisait le cœur ?

- C'est Hamza.  lâcha-t-elle alors qu'il lui tournait le dos, le faisant tiquer. Je le sais, tu avais l'air si triste ces temps-ci. Je suis allée lui demander et il m'a raconté qu'il t'embêtait. Mais moi je vois bien, il te fait très mal, plus que papa qui ne fait que nous corriger quand il est fâché. Lui, il est méchant et moi, je ne suis pas d'accord.

Elle prit sa main avec un regard sincère, et June se sentit à son tour comme un enfant ayant simplement besoin d'être rassuré. Les larmes vinrent alors qu'elle lui offrait un câlin.

-Je... on peut aller prendre l'air, s'il te plaît, j'étouffe un peu, articula-t-il.

- Oui ! Et après, j'irai tout dire à papa.

Elle le prit par la main pour le guider dehors, les menant loin du vaste jardin vers le chemin des falaises, où la vue offrait un panorama magnifique. C'était apaisant... jusqu'à ce qu'Hamza les suive.

-Fiche le camp, Hamza. Tu nous gênes, lança-t-elle.

- Mais ferme-la, sérieux. Tu ne vas rien dire à papa, je peux te le dire.

- Ben si. June est mon meilleur ami et je refuse que tu lui fasses du mal avec ta... ta... sournoiserie, voilà !

- Ouh là là, madame se sent plus forte parce qu'elle possède un nébuleux, redescends sur terre, gamine. June est ton « ami » parce qu'on l'a obligé à le devenir, puisque personne ne t'aimait à l'école.

- Non, il m'a dit que c'était mon ami. Et toi, tu es juste un gros jaloux !

- Jaloux de quoi ? De toi, peut-être ? Pff, tu me fais pitié, il n'y a rien à envier. Les gens avaient raison de s'en prendre à toi, tu es la victime idéale. J'aurais fait la même chose à leur place.

Un mot de plus. June, qui avait préféré ignorer la conversation jusqu'à présent, ne pouvait rester indifférent à tant de méchanceté. Il se retourna vers le jeune homme et, pour la première fois, l'empoigna par le col. Malgré sa taille plus petite, il demeurait un Nogitsune, faisant reculer Hamza dans un hoquet de surprise.

- Mais tu veux te battre, sale cabot ? Je ne te dis pas la dérouillée que je vais te mettre en rentrant. Tu profites parce qu'il n'y a pas les parents ? Essaye pour voir.

Il devait se contrôler. Il détendit sa main et... Hamza en profita pour le frapper. June s'écroula sur le sol, toussant. Il lui lança un regard noir alors que l'humain lui assénait un violent coup de pied dans les côtes. Le Nogitsune usa de son don, ce qu'il faisait bien rarement, pour le faire chuter à son tour, prenant sa forme originelle pour tenter de le mordre. Mais alors qu'il lui envoyait un violent coup sur la tête, le faisant vaciller, Amina tenta de s'interposer en criant et en pleurant. Elle tenta de stopper son frère en l'agrippant, mais ce dernier lui donna un coup si violent qu'elle perdit l'équilibre... La terre se dérobant sous ses pieds, elle tomba dans les falaises.

June usa de son don pour tenter de stopper sa chute, mais il était trop étourdi pour réussir. Il parvint à descendre sous sa forme de renard, retrouvant le corps sans vie de la petite qui avait heurté les rochers pointus.

Hamza était parti chercher les parents... et bien sûr, il fut accusé de l'avoir poussé. Il se retrouva alors enfermé dans une pièce, attendant son sort, qui serait probablement l'euthanasie. Étant un nébuleux, son cas fut d'abord lourdement débattu avant que l'on puisse se débarrasser de lui. Cependant, même en attendant son sort, Hamza continua de le tourmenter, sans qu'il puisse se défendre à nouveau. Il aurait pu choisir de garder sa forme de renard pour éviter ces abus, mais la violence physique et la privation le poussèrent vers la première option. Pendant ce temps, il continuait de pleurer Amina, qui ne semblait guère manquer à son frère, bien au contraire.

Pourtant, le jour de son jugement arriva... L’Union Tanmia n'appliquant pas la peine de mort, une nouvelle loi avait été mise en place pour les nébuleux : ils pouvaient être endormis par injection létale, comme on le faisait avec les animaux.

Pour éviter de le déplacer, le médecin se rendit lui-même au domicile, l'attachant de sorte qu'il ne puisse pas bouger. Malgré la complexité de la tâche, June ne broncha pas. Mais le sourire cruel et victorieux d'Hamza lui donna une rage indescriptible. Il avait gagné. Non. C'était intolérable. Il allait mourir, oui, mais il mourrait avec lui ! À l'aide de ses dons qui s'étendaient à la pièce, des ombres désarticulées, semblables à des crocs, le débarrassèrent des cordes, tandis que, transformées en regard, elles se jetèrent à la gorge de son bourreau, sous les cris de terreur. Les parents hurlaient des mots incompréhensibles tandis que le médecin retirait ce qui semblait être une fléchette tranquilisante de son cou. Il y avait beaucoup de sang, des râles... Avait-il au moins réussi à lui trancher la gorge ? Ah... Il n'en pouvait plus. Alors que ses yeux se fermaient doucement, la porte s'ouvrit violemment.

- Oh mon dieu, Elysia, sommes-nous arrivés trop tard ? Bon sang !

- Je m'occupe de l'humain, Dante. Allez voir le nébuleux.

June ne comprenait pas qui étaient ces gens ni ce qu'ils lui voulaient. Il tomba presque dans les bras d'un homme excessivement baraqué qui semblait l'analyser minutieusement avant de soupirer.

-Oh purée, on a eu chaud. C'est juste un tranquillisant.

- L’humain a perdu beaucoup de sang, mais il est sous contrôle.

Médusés, les parents et le médecin les regardèrent, communiquant en arabe comme ils l'avaient toujours fait. Voyant que les inconnus parlaient entre eux en anglais, ils les interrogèrent sur leur venue ici.

-Secret défense ! On ramène les nébuleux égarés à la casa.

- votre fils, peut-être ? il va s’en remettre, En même temps, quelle idée de détenir des nébuleux pareils chez vous.

June fut ainsi conduit jusqu'à ce qui semblait être une petite maison où les deux individus semblaient avoir élu domicile pour un temps. Un jour plus tard, après avoir dormi, June se réveilla en sursaut, reprenant forme humaine et grognant en les voyant méfiants. Ils se présentèrent alors : Dante, un centaure, et Elysia, une fée. Il apprit plus tard qu'ils étaient tous deux des passeurs, ce qui, à ce moment-là, ne lui disait pas grand-chose. Deux jours plus tard, Elysia annonça qu'elle retournait en République francophone où elle semblait avoir laissé des collègues, faisant aussitôt tiquer le renard.

- Je viens aussi ! C'est là-bas que vivait mon clan, je le sais. Laissez-moi venir, je vous en prie, implora-t-il.

Elle jeta alors un regard mal à l'aise à Dante et marmonna.

-Je vous laisse lui expliquer, dit-elle.

Dante le regarda, inspira profondément et commença à expliquer :

- Nous étions en mission en République francophone, nous avions entendu parler de ton clan et des problèmes qu'il rencontrait, mais nous sommes arrivés trop tard. Ils ont tous été tués. Apparemment, c'était pour des mesures anti-rage, il y aurait eu une recrudescence.

June gémit, baissant les oreilles.

- On savait que des enfants avaient été vendus, mais tu es le seul que nous ayons retrouvé en vie jusqu'à présent. Certains ont été tués pour endiguer la rage, d'autres à cause de violences ou de négligence.

Il n'avait donc nulle part où aller... Pendant plusieurs semaines, il vécut dans cette maison, toujours sur les terres marocaines, avec Dante qui lui expliquait un peu la vie, l'aidait même à maîtriser ses dons, et qui petit à petit lui parlait d'une île incroyable et mystérieuse où tout le monde, quelle que soit sa race, vivait en parfait communion... C'est ainsi qu'après avoir recueilli les informations nécessaires sur le Nogitsune et s'être assuré de sa bonne foi, June fut emmené à Nitescance.

Il commença ainsi comme étudiant avant de demander à accompagner Dante à l'extérieur de l'île, ce qui lui fut d'abord refusé. De longues années plus tard, après avoir insisté longuement, Dante partagea son cas avec la matriarche, probablement, et il fut pris à l'essai avec lui. Pendant longtemps, il le suivit dans ses aventures hors de l'île pour ramener d'autres nébuleux. Dante le testait, n'étant pas tendre et strict quand il s'agissait de ce travail crucial pour l'île. Chacune de ses actions était rapportée, ses progrès aussi, jusqu'à ce qu'il devienne autonome et passeur à part entière. Il lui fit même passé une sorte d’examen pour cela.

Pourtant, deux ans après être devenu passeur, Dante fut blessé violemment à l'une de ses jambes. Soigné, mais refusant d'utiliser les créatures détenant des dons de soin plus que nécessaire, il accepta son destin et prit sa retraite dans ce monde particulièrement violent pour se consacrer à son nouveau projet : l'ouverture d'un bar où les hôtes et hôtesses "la patte de Velours" chouchoutent les clients, leur tenant compagnie et les dorlotant selon leurs besoins. Si désiré, on peut demander explicitement un hôte en particulier pour la soirée ou même lui demander de porter des vêtements spécifiques selon les désirs. Tout ce qui est d'ordre sexuel est proscrit, le reste est accepté. Il y a également une partie en retrait du bar qui est le sex-shop.

June vit actuellement à l'étage, qu'il loue à Dante, en échange de quoi il travaille là-bas lorsqu'il est présent sur l'île.

Un petit mot de la fin si tu en as envie <3