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Avant la tempête [Flashback 1873] Feat. Ezekiel - TW sexisme, religion et homophobie :: Nitescence :: Lieux interdits
Calista Sanjaa
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Calista Sanjaa
Avant la tempête

• Feat Papa Ezekiel •
Les rayons du soleil matinal caressaient les rideaux de la chambre, transportant avec eux une chaleur agréable. Encore timide, la belle saison pointait pourtant le bout de son nez; les habitants de St-Ursanne pourraient bientôt se prélasser à l'extérieur. Cette douce lumière suffisait amplement pour que Calista ouvre les yeux. À trois ans, la petite fille avait un sommeil assez léger, ce qui pouvait réveiller toute la maison aux aurores. Un rythme de vie qui ferait pâlir plus d'un adulte; d'ailleurs, son énergie infinie lui avait déjà valu des remarques de la part des habitants du village.
"À ton âge, on commence à aider ses parents au travail !" disaient-ils.

Mais Calista n'écoutait qu'une seule personne, et c'était son père. Elle avait de la chance, Papa la laissait s'amuser et se prêtait même souvent aux jeux pour qu'elle ne s'ennuie pas. Comparée aux autres jeunes qu'elle connaissait, la petite bénéficiait d'une belle éducation. La seule chose qui la rendait perplexe était la visite régulière d'hommes en costume; ils discutaient longuement avec Ezekiel, leurs regards se promenant parfois sur la petite. Ensuite, ils scrutaient chaque détail de son corps et posaient des questions que Calista ne comprenait pas toujours, puis la porte se refermait derrière eux. Plusieurs fois, elle avait essayé de questionner son père, mais ses réponses étaient assez vagues. Comment expliquer cette situation à une enfant ?

Dans tous les cas, ces messieurs n'étaient pas venus depuis quelque temps; elle pouvait passer toute sa journée avec Ezekiel. Balançant ses jambes d'une traite, Calista se leva de son petit lit. Elle prit avec elle "Agrou", son fidèle dragon en peluche que son père lui avait offert à son anniversaire et emprunta le couloir pour se diriger vers l'autre chambre. Papa dormait encore, quelques légers ronflements s'échappaient de la porte entrouverte. Mais pour une enfant de trois ans, ce détail ne pesait pas dans la balance. Il fallait se lever maintenant !

"Papaaa" chuchota t-elle en s'avançant. "Papaaaaaa... ! Tu dors ?"

Pas de réponses, -à la limite un grognement faiblard- Calista finit par grimper sur le lit et le secoua de toutes ses forces.

"Aller Papa debouuut !"



Sam 23 Mar 2024 - 18:22
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Ezekiel Oldenbourg
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Avant la tempête


Dans les méandres intemporels de la nuit, Ezekiel se perdait parfois dans les reflets d'un passé tumultueux, où se mêlaient les teintes sombres de la mélancolie aux éclats fugaces de bonheur et de douleur. Tel un spectre solitaire dans l'obscurité, le dragon voguait entre les souvenirs, s'accrochant à ces fragments d'existence qui le liaient à son passé tourmenté. Malgré sa volonté farouche de les reléguer au néant, ces réminiscences le hantaient, surtout lorsque la fatigue le rattrapait, étreignant son esprit dans un étau de rêveries nocturnes.

Un matin, alors que les premiers rayons du jour effleuraient à peine la terre, Ezekiel s'éveilla dans la quiétude paisible de St Ursanne. Le village, engourdi dans les douceurs de l'aube naissante, s'éveillait progressivement, tandis que le dragon se laissait bercer par la lumière qui dansait à travers les rideaux. L'horloge murale, silencieuse compagne de ses nuits tourmentées, indiquait l'heure exacte : 5h32. Une constatation étonnante, alors que sa fille, d'ordinaire prompte à réveiller la maisonnée de sa joie contagieuse, ne s'était pas encore manifestée.

Un sentiment de grâce inattendue l'enveloppa, lui offrant un répit bienvenu. Sans brusquerie, il s'enveloppa de sa couverture, se laissant choir par la chaleur réconfortante de ses replis. Un sourire bref étira ses lèvres, tandis qu'il enfouissait son visage dans le doux refuge de son oreiller.

Sa fille, Calista, était tout ce qu'il lui restait de sa vie tourmentée. Une existence marquée par la perte déchirante de son compagnon, un choix déchirant dicté par des maîtres implacables. Mais c'est à travers Zélie, la mère de Calista, avait senti le plus de rage en apprenant qu'elle avait tout manigancé pour lui faire perdre à jamais celui qu'il aimait en secret.

Après avoir scellé le tragique destin de Zélie, la mère de Calista, la faisant ainsi payé son acte, Ezekiel avait pris, à l'étonnement général, la charge de leur fille.

Au départ, cette requête avait suscité l'étonnement et le scepticisme. Un homme élevant une enfant ? Une aberration, disaient certains. Pourtant, Ezekiel avait imposé sa volonté avec une détermination sans faille, se vouant corps et âme à l'éducation et à la protection de Calista. Et ainsi, dans l'aube silencieuse de St Ursanne, le dragon veillait sur sa progéniture avec une affection... relative ? Il faisait de son mieux.

Pourtant, en échange de cette garde, ses maîtres se permettaient des visites régulières à la petite. Ils l'observaient sous toutes les coutures, parfois lui conseillant fermement d'abandonner cette idée absurde d'élever son enfant.

- Vous savez, Ezekiel... L'homme et la femme ont des rôles bien définis. L'homme est une sorte de guide, un patriarche chargé de subvenir aux besoins de sa famille, mais il n'est pas destiné à s'occuper d'une maison ou d'un enfant. Ce n'est pas dans ses gènes, et ce n'est pas sain pour la petite...

Ezekiel ignorait ces propos avec tant d'aplomb qu'il n'en prenait même pas la peine de répondre. D'une voix assurée, il assénait que quiconque oserait la lui enlever se retrouverait rapidement au menu d'un dragon particulièrement vorace, une menace qui semblait toujours bien assortie.

- hé! je suis de votre côté, moi. Si vous étiez un humain, vous seriez déjà condamné à mort pour... vous savez... l'abomination que vous avez commise. Dieu ne peut tolérer qu'un homme puisse... -bon sang, excusez-moi mon Seigneur-... puisse entretenir une relation de nature romantique avec un autre homme. Votre âme est corrompue, c'est totalement contre nature, et je pensais vraiment que Zélie pourrait enfin vous remettre sur le droit chemin. J'étais persuadé que Dieu vous pardonnerait, mais vous avez décidé de... je ne pourrai pas couvrir chacun de vos méfaits, Ezekiel, les actes ont des conséquences. Chaque sexe dispose d'un rôle précis à jouer, cessez de provoquer les cieux, par pitié !

Oui, Ezekiel était bien conscient de tout cela. Il savait que Dieu viendrait le punir... Mais en attendant, ce concept ne semblait pas s'appliquer aux créatures tel que lui.. Pas à lui. Il était bien supérieur à un Dieu inexistant. Son silence parlait suffisamment, laissant entendre qu'il acceptait de jouer ce rôle ingrat à condition qu'on ne mêle pas son existence aux principes humains qui ne le concernaient pas.

Si les humains choisissaient de mettre fin à leur existence pour des motifs aussi insignifiants que l'orientation sexuelle de quelqu'un, s'accrochant à des principes dénués de tout sens au nom d'un Dieu dont il était sceptique quant à son existence...c'était leur problème. Ezekiel avait fini par abandonner l'idée de ne pas emmener Calista à l'église le dimanche, pour des raisons bien plus pragmatiques que la foi fervente qu'il ne possédait pas. Il ne voulait pas que sa fille devienne une paria, rejetée par les autres enfants du village et leurs parents, traitée comme un enfant du diable. Cette perspective lui semblait absurde.

Pourtant, même si Ezekiel avait toujours suivi sa propre voie, il devait admettre, en mettant son ego de côté, qu'il n'aurait pas pu y parvenir sans l'aide précieuse d'Edith. Cette humaine avait nourri sa fille alors qu'elle n'était encore qu'un nourrisson, une tâche que le dragon était incapable d'accomplir. Elle avait accepté de rester avec lui pendant la première année de la vie de Calista, malgré le fait qu'elle venait d'accoucher de son propre fils quelques jours plus tôt. En échange d'un salaire dérisoire, "gracieusement" accordé par ses maîtres, elle avait pris soin de la jeune Calista, l'assistant dans ses premiers pas dans ce monde compliqué. Son mari, resté dans leur propre demeure, venait leur rendre visite quand il le pouvait. Jamais la jalousie n'avait troublé ce trio improbable, car le couple savait parfaitement que les préférences d'Ezekiel ne penchaient pas vers les femmes. Si cela était une aberration pour certains, pour ce couple, elles étaient la bénédiction d'un homme marié qui pouvait ainsi dormir sur ses deux oreilles.

Dans la douce quiétude retrouvée, Edith avait regagné son foyer depuis près de deux ans et demi, emmenant avec elle son petit garçon pour s'installer à seulement quelques pas de la maison d'Ezekiel. Malgré cela, elle revenait régulièrement, prodiguant son aide pour guider la jeune Calista et initier son père aux rudiments de la vie quotidienne, y compris l'art de préparer des repas équilibrés. En d'autres termes, sans cette famille, il semblait improbable que Calista ait survécu plus de trois jours dans ce monde impitoyable.

Pensif, Ezekiel ne réalisa pas tout de suite qu'il était retombé dans les bras de Morphée... jusqu'à ce que Tornado-Alias Lica, sa fille, fasse irruption dans sa chambre. Ses chuchotements sois disant discret semblaient porter en eux la force d'une bourrasque, le pressant vivement de se lever. Il grogna alors, espérant que feindre le sommeil dissuaderait sa fille de toute idée farfelue de se lever aux premières lueurs du jour... Mais elle avait hérité de son entêtement légendaire, la poussant à adopter une tactique plus radicale : le secouer sans relâche jusqu'à ce qu'il réagisse.

- Oui, je DORMAIS, il est... maugréa-t-il en jetant un œil las à sa pendule, ...6h26, ce n'est pas l'heure pour se lever un samedi. Je suis un dragon en hibernation, alors reviens dans deux jours.

Au-delà du fait qu'une véritable hibernation ne durait pas seulement deux jours, et qu'on était au cœur du mois d'avril, Ezekiel finit par ouvrir les yeux dans un soupir théâtral. Puis, par pure vengeance, il s'extirpa de ses draps, veillant soigneusement à ce que sa couverture ne s'écrasent sur la tête de sa fille alors qu'il se levait en grommelant toujours.

En semaine, Ezekiel était souvent en déplacement hors du village, tel un voyageur éthéré ayant embrassé la cause des humains pour diverses missions. Il était chargé de gérer les créatures "hors de contrôle", les neutralisant ou les ramenant au village lorsque cela était possible. En son absence, il confiait la petite fille à Edith ou, si celle-ci était indisponible, à Mamie Charlotte. Bien qu'elle n'était pas réellement sa grand-mère, la vieille dame, malgré son caractère acariâtre et revêche, semblait apprécier la présence de l'enfant. Même si elle commençait toujours par grogner en répliquant "hé, tu me refiles encore ta sale gamine", il revenait toujours le soir, alors que la vieille dame contait des histoires intimes sur l'alliance entre les humains et les créatures à la fillette, ou lui enseignait l'art de planter des graines dans son potager.

Dans l'ensemble, cette petite existence avait tous les traits de la vie ordinaire d'une famille monoparentale, mais elle était soutenue par des voisins bienveillants... en apparence seulement. St Ursanne était un véritable tombeau sur lequel il s'asseyait sans culpabilité.

- Aujourd'hui est un jour spécial. Tu m'accompagnes en mission, annonça-t-il.

Edith lui avait conseillé d'utiliser des phrases simples et des mots clairs pour communiquer avec une enfant de cet âge. Lica approchait de ses quatre ans et commençait à formuler des phrases plus élaborées, posant des questions telles que "pourquoi" et explorant des notions plus abstraites comme "sur" ou "derrière/devant". Sa diction s'améliorait, évitant ainsi toute confusion lorsqu'elle devait répéter. Elle était également plus disposée à aider à mettre la table ou à essayer de faire son lit... ou à exprimer ses besoins avec des mots tels que "je suis fatiguée"... autant de petits signes qui rassuraient Ezekiel quant à son développement.

- Monsieur Courvoisier m'a assigné....des mots simples!... demandé de l'aider car un chat fait des déga...des bêtises dans sa grange et il veut que nous attrapions ce vilain fripon. expliqua-t-il.

Ezekiel trouvait les humains bien souvent dépourvus de bon sens. Ce chat contribuait probablement à réguler la population de rats, limitant ainsi la propagation de maladies telles que la peste qu'il avait connue. Cependant, le pauvre animal, au pelage noir, était associé à la sorcellerie, au malheur et à la ruse. Ne tolérant pas sa présence dans sa grange, Monsieur Courvoisier supplia Ezekiel de le capturer et de le tuer.

Mais les chats des fermes étaient des créatures solitaires et méfiantes. Il était peu probable qu'il se montre à un adulte peu engageant, même s'il tentait de l'amadouer avec des restes. Peut-être qu'en présence d'un enfant, il se montrerait plus conciliant. Ezekiel promit à Lica qu'il trouverait une nouvelle famille pour le chat, puis se rendrait dans la forêt avoisinante et le tuerait.

- Nous pourrons également prendre notre petit déjeuner sur la place du village. On ne part pas en mission le ventre vide.

D'un geste habile, il retira la couverture de la tête de Lica pour lui ébouriffer les cheveux avant de partir se doucher et de se changer. Ensuite, il aiderait Lica à s'habiller pour rejoindre le petit restaurant bien connu de tous.

KoalaVolant
Dim 24 Mar 2024 - 17:27
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Calista Sanjaa
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Calista Sanjaa
Avant la tempête

• Feat Papa Ezekiel •
Bien décidée à ne pas le laisser se rendormir, Calista s'était tenue prête à agripper les cornes de son paternel ; marques de leur appartenance aux dragons particulièrement chatouilleuses et situées au-dessus de leurs fronts. Mais son aîné fut plus rapide, déposant sa couverture sur sa tête et évitant ainsi la "bataille de guilis" qu'ils se livraient quotidiennement.

Les mots prononcés par Ezekiel résonnèrent dans sa tête, déclenchant un petit cri d'excitation chez sa fille. Ils partaient en mission, comme les grands ! Enfin la mission en question sonnait bien plus comme une balade pour elle plutôt qu'une réelle responsabilité, un mot qu'elle ne connaissait pas soit dit en passant. Ses yeux pétillèrent à la mention du félin, Calista aimait beaucoup approcher les chats pour les caresser. D'ailleurs, elle prenait beaucoup à cœur ce geste, son père lui ayant appris à bien respecter les animaux, elle faisait de son mieux pour être douce malgré ses mouvements patauds. Il est arrivé qu'une fois malheureusement cela ne suffise pas et sa main s'était retrouvée avec une vilaine griffure, la dragonne avait pleuré toutes les larmes du monde dans les bras d'Ezekiel jusqu'à la maison. Étrangement cet accident l'avait marquée mais pas découragée, la petite étant en réelle admiration pour ces boules de poils.

Ouiii ! Un petit déjeuner au village !
Son ventre réprima un petit gargouillis à cette idée. Sautant du lit en rigolant, elle suivit Ezekiel comme un poussin et Agrou toujours en main. Le fameux "dragon" ressemblait davantage à un torchon auquel on avait ajouté quelques fils pour le rendre plus crédible mais il ne loupait pas une seule aventure de sa maîtresse que ce soit à la maison, dans l'herbe ou la gadoue.

"On va manger quoi ? Moi je veux manger des choses trop bonnes comme chez Edith !"

Sa tête passa à l'intérieur de sa jolie robe, manquant de s'accrocher à ses cornes tandis que son père l'aidait à l'enfiler. Sacrée Edith, c'était une cuisinière hors pair en plus d'être une belle personne. Calista était très heureuse de la compter parmi les voisins, elle pouvait souvent lui rendre visite et jouer avec son fils, Arthur. N'ayant pas beaucoup de différence d'âge, ils étaient très proches et jouaient souvent à cache-cache dans le jardin, au grand dam de leurs parents qui ne voulaient pas les perdre de vue.

"Et pourquoi le euh, le chat il fait des bêtises ? Il est pas gentil ? Est-ce que je pourrais le caresser même s'il est pas gentil ?"

Une veste en laine habillait ses épaules, la protégeant des possibles fraîcheurs matinales. Très excitée, Calista trépignait au milieu de la maison en chantant des "on va voir le chat ! on va voir le chat !". Papa venait aussi de rassembler ses affaires et c'est main dans la main qu'ils quittèrent la maison en direction de la grande place.

L'air de la campagne vint chatouiller ses narines tandis qu'un petit groupe de pigeons devant les habitations prirent leur envol. Les rues pavées étaient encore calmes mais elle aperçut le mari d'Edith dans son jardin, lui aussi matinal et se mit sur la pointe des pieds pour lui faire coucou. Ils longèrent ensuite le chemin au bord du Doubs, la rivière traversant le village avant de prendre le pont Saint-Jean. Calista s'amusait à se suspendre à la main de son père, faisant de grands sauts en se balançant et ainsi faire semblant de "voler". À chaque essai, son regard tentait d'apercevoir, durant une fraction de seconde, l'eau de la rivière plus en détail car les murs entourant le pont étant un peu trop grands pour elle. Papa avait de la chance avec sa grande taille, il pouvait tout voir. Mais Calista pouvait être encore plus grande, à une petite condition.

"Papa, tu me prends sur tes épaules ?"



Dim 31 Mar 2024 - 5:53
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Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel Oldenbourg
 

Avant la tempête


Ezekiel offrit un baillement d'une langueur presque théâtrale, se déployant ensuite avec la souplesse d'un félin. L'aube promettait une mission en apparence anodine, mais sa fille rayonnait d'enthousiasme à l'idée de l'accompagner. Une alacrité juvénile imprégnait l'atmosphère, même si cela signifiait débuter leur journée à une heure où les ombres nocturnes peinaient encore à se dissiper. Cependant, cette escapade matinale les ramènerait chez eux au seuil des premières lueurs, grâce à l'ardeur matinale de sa jeune fille. Ezekiel se remémorait avec une tendresse teintée de mélancolie les nuits blanches consacrées à veiller sur sa progéniture, lorsque Morphée semblait ignorer leurs appels répétés. Si Edith, assumait principalement ces veilles nocturnes, Ezekiel refusait de rester en marge, désireux de partager les moments cruciaux de la prunelle de ses yeux.

Pourtant, même maintenant, alors qu'il laissait sa fille se préparer seule un instant, une ombre de préoccupation persistait dans son esprit. Parfois, au cœur de la nuit, il s'éveillait en sursaut, traversant silencieusement le seuil de leur demeure pour se tenir devant la chambre de sa fille, comme pour vérifier qu'elle était toujours là, blottie dans les bras de l'innocence.

Quelle étrange habitude, songeait-il. Et quel étrange sentiment... inquiétant.

De retour auprès de sa fille, alors qu'elle entamait déjà une conversation sur ses préférences culinaires, Ezekiel se laissait bercer par les réflexions d'Edith sur les préoccupations primordiales des enfants de cet âge, tout en s'abîmant dans ses propres pensées sur la nature humaine. Les méthodes éducatives de certains parents humains le laissaient songeur, imprégnées de violence physique et d0une telle sévérité envers leur propre descendance. Pour lui, la notion même de violence parentale restait un mystère incompréhensible. Bien qu'il exerçât son autorité avec fermeté, Ezekiel préférait toujours expliquer les choses à sa fille, sauf lorsqu'il s'agissait de la mère de Lica. Les interrogations de Calista sur l'absence maternelle résonnaient comme une mélopée douloureuse, mais Ezekiel préférait protéger son innocence des actes horribles qu'il avait pu commettre.

Bien que la société et ses proches espérassent qu'il trouve une nouvelle compagne pour offrir une fratrie à Calista, l'idée le répugnait. Les souvenirs de toxicité, de manipulation et, surtout, le désintérêt profond qu'il éprouvait pour les femmes, le dissuadaient de toute nouvelle relation. Quant à son travail, Ezekiel préférait le dissimuler aux oreilles de sa fille, craignant qu'elle ne partage trop d'informations avec autrui. En réalité, son emploi impliquait souvent de gagner la confiance des créatures pour mieux exploiter leurs failles, un jeu subtil de confiance et de manipulation dans lequel il excellait avec une maîtrise presque terrifiante.

Tandis qu'il assistait sa fille dans les rites de son habillage et de sa toilette, son rôle se cantonnait à des gestes précis : ajuster la fermeture éclair de sa robe dans son dos, veiller à ce que ses cornes délicates ne s'accrochent pas aux étoffes tandis qu'elle s'y glissait dedans. Un sourire, discret ourlait ses lèvres alors qu'il murmurait:

- Nous ne ferons qu'un simple petit déjeuner. Un peu de pain, des céréales, un jus... Enuméra t-il.

Ces mets délicats, réservés aux palais des plus aisés, étaient le reflet tangible de l'ardeur de son labeur de dragon enchainé à ses maitres, rétribué à la mesure de son dévouement. Cependant, par instants, un doute fugace s'insinuait en lui, questionnant la valeur de ses longues absences malgré les bénéfices financiers, mais il s'efforçait toujours de préserver la qualité des moments partagés avec sa fille, empreints d'une rare préciosité... du moins, le souhaitait-il ardemment.

S'efforçant de dissimuler le sourire tendre qui s'immisçait sur ses lèvres alors que sa fille poursuivait ses interrogations sur le sort du minet qu'ils devaient capturer, il se retrouva aux prises avec un dilemme délicat. Comment exposer à une enfant de trois ans la profonde aversion des humains envers les chats noirs, symboles de superstitions séculaires liées aux redoutables sorcières ? Ces félines créatures, souvent victimes de la cruauté des préjugés, étaient fréquemment vouées à une mort impitoyable sur le bûcher central une fois capturées. Comme leur maitresse  alors que le dragon, assistait souvent à ces exécutions... y emmenant d'ailleurs sa fille.

- Eh bien... nous commettons tous des erreurs. Les chats, toi... et même les adultes comme moi. J'ai moi-même fait énormément de bêtises que je regrette profondément , articula-t-il- clignant des yeux avant de secouer la tête, plongé dans ses pensées. Il ne se rend pas compte que ses actes dérangent monsieur Courvoisier, alors nous allons simplement le confier à quelqu'un qui voudra bien s'en occuper. , ajouta-t-il, bien qu'au fond de lui, il savait que personne ne voudrait d'un chat maudit, symbole de malédiction. Il n'avait pas envie de l'abattre, mais il croyait que c'était la meilleure issue pour lui. Car s'il ne le faisait pas, quelqu'un d'autre s'en chargerait, probablement avec moins de compassion.

Sa fille, bien sûr, demeurerait dans l'ignorance de cette triste réalité. Il l'observa avec attendrissement alors qu'il l'aidait à boutonner sa veste, récitant en son for intérieur les paroles d'Edith : « En avril, on ne se découvre pas d'un fil ! », surtout pour les enfants, plus sujets aux maladies... Pourtant, Lica n'était pas une enfant comme les autres. Bien plus résistante, elle était rarement malade.

- Tu peux le caresser si tu le souhaites. Peut-être te griffera-t-il comme la dernière fois, ou peut-être ronronnera-t-il. Il faut assumer ses choix, ce n'est pas à moi de t'en empêcher, conclut-il.

Ezekiel avait toujours encouragé sa fille à embrasser les risques avec discernement. Jamais, bien sûr, il ne lui permettrait de s'aventurer sur les voies du chemin de fer, une nouveauté remarquable qui étendait les voies ferrées à travers la région. Depuis sa mise en service il y a à peine deux ans, il avait déjà emmené sa fille jusqu'à Delémont, le chef lieu. Un progrès indéniable, une alternative bien plus rapide que le voyage en calèche.

Cependant, la peur de voir sa fille tomber et se blesser ne l'habitait point. Les chutes faisaient partie intégrante de la vie. En tant que nébuleuse et dragonne, elle devait apprendre à accepter les défis pour se forger et affronter un futur semé d'embûches, tout comme lui. Il aspirait à l'accompagner pendant de nombreuses années encore pour l'aider à se construire.

Malgré la croissance accélérée de Calista, bien plus rapide que la sienne, Ezekiel avait longuement plaidé auprès de ses maîtres pour le sort réservé à la petite. Elle était destinée à lui succéder, à assumer les mêmes responsabilités que lui... et à être entravée de la même manière. Ce n'était nullement le destin qu'il souhaitait pour elle.

Tandis qu'il écoutait sa fille fredonner, il lui tenait la main, prenant soin de verrouiller la porte derrière eux lorsqu'ils quittaient la maison. Traversant la rue pavée, il salua le mari d'Edith qui s'activait dans son jardin de l'autre côté de la clôture. Lica se dressa sur la pointe des pieds pour lui faire signe à son tour, provoquant un sourire chez l'homme. Ils longèrent le jardin pour rejoindre le Doubs qui bordait le village. Calista se balançait à sa main, bondissant comme une enfant, avant de réclamer à être portée sur ses épaules. Les promenades se terminaient souvent ainsi avec elle. Non pas qu'elle soit épuisée, mais elle semblait apprécier d'être ainsi perchée.

-  Lica, nous venons tout juste de quitter la maison... soupira Ezekiel.

Pourtant, malgré ses réticences, il la souleva et la déposa sur ses épaules, attendant qu'elle s'accroche suffisamment avant de la libérer.

Ils arrivèrent ainsi au restaurant, situé sur la grande place, où il la déposa au sol avant de rejoindre une table et de s'asseoir. Le serveur, un visage familier, les accueillit chaleureusement.

- Hé vous deux bienv’nue ! Comme d’hab’ pour toué M’sieur Oldenbourg et pour toué qu'tu vûs minger pupuce ? demanda-t-il, prenant note de la commande de Calista et la sienne sur son carnet avant de s'engouffrer dans le restaurant.

- Prenons rapidement des forces, la grange de Monsieur Courvoisier n'est pas en ville. Nous devons emprunter la diligence du Marquis de Longeville.  annonça-t-il ensuite, une légère inquiétude voilée dans son regard.

C'était l'un de ses maitres auxquels il était assujetti, bien que sa puissance ne soit pas la plus imposante. Pour Ezekiel, peu importait, il détestait l'idée d'impliquer sa fille dans ses affaires et priait ardemment pour que ce seigneur ne soit pas présent, laissant à ses subalternes -ecuyer et cocher- le soin de les accueillir. Il redoutait déjà l'intérêt grandissant que les hommes portaient à Calista, mais il veillerait sur elle avec une vigilance qu'il espérait sans faille.

Le serveur revint alors avec leur repas matinal, et ensemble, ils se délectèrent des mets proposés tandis qu'Ezekiel s'emparait d'un journal posé sur une table proche. Il désirait profondément rester au fait des événements de la région, particulièrement ceux concernant les nébuleux, se plongeant ainsi dans les pages imprégnées de l'histoire mouvementée du pays.

KoalaVolant
Mar 2 Avr 2024 - 23:00
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Calista Sanjaa
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Calista Sanjaa
Avant la tempête

• Feat Papa Ezekiel •
Son père accepta pour sa plus grande joie et la hissa sur ses épaules. S’agrippant délicatement à ses cornes, Calista pu enfin profiter d’une meilleure vue comme elle en avait l’habitude. Elle n’était plus une toute petite fille mais une immense dragonne !

"Ouiii !"

La grande place se dévoilait à leurs yeux, encore peu animée mais les enseignes étaient déjà ouvertes. Ezekiel finit par la reposer au sol et l’emmena à une table avant qu’elle ne décide de s’éclipser pour jouer avec tout ce qu’elle trouverait au sol. Dommage, elle aurait bien coursé les oiseaux ou jouer à la sorcière avec un bout de bois ! Quoique sans autres enfants autour, la perspective semblait un peu plus ennuyeuse. Posée délicatement sur sa chaise, ses mains s’agrippèrent au bout de la table un peu trop grande pour elle et elle patienta silencieusement, ses jambes se balançant joyeusement. Calista ne put s’empêcher de pouffer aux paroles du serveur lors de la prise de commande, elle connaissait son accent mais à chaque fois il avait le don de la faire rire.

En l’observant, elle se mit à voir de brèves images l’espace d’un instant, un plateau, des verres, l’intérieur du bar inaccessible aux autres. Ce n’était pas la première fois, Calista n’en n’avait encore jamais parlé mais il lui arrivait de voir des gens, des endroits, des scènes… qu’elle ne connaissait pas. C’était difficile pour elle de faire la part des choses, ce genre d’images se mêlaient à ses propres souvenirs, lui donnant l’impression de les avoir vécu elle même.

"Il est trop mignon Noisette ! Je pourrais le voir ?"

Elle avait vu Noisette, un tout petit écureuil blessé que le serveur avait visiblement recueillit la veille par pur hasard. Une anecdote qu’il n’avait pas raconté et qui n’aurait sans doute pas dû s’ébruiter aussi vite, ce qui pouvait expliquer la surprise de l’homme face aux déclarations de la petite. Ne sachant quoi dire, il avait finit par balbutier trois mots dans un sourire confus avant de repartir chercher la commande.

Le petit déjeuner fut servi rapidement après cette scène, ne laissant pas le temps à la dragonne de se poser plus de questions. Elle s’empressa de croquer dans sa tartine, couverte d’une confiture de fraise absolument délicieuse. Inutile de préciser qu’elle s’en mettait bien plus autour de la bouche que ce qu’elle ingurgitait. Les mains pleines de sucre, elle scruta son père de ses yeux pervenche.

"Ché quoi une diligenche ? Ché comme le train ?"

La bouche pleine, elle finit par avaler les dernières bouchées de son festin onctueux.

"Et le Maqui’ de, euh… Longeville, c’est ton copain ? Il va nous aider ?"



Mar 30 Avr 2024 - 1:06
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Ezekiel Oldenbourg
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Avant la tempête


Ezekiel restitua la carte des boissons au moment précis où la voix enjouée de sa fille captiva le serveur, qui se trouva presque contraint de lâcher le menu qu'il tenait. Un voile de perplexité s'insinua dans les prunelles de l'homme, tandis qu'Ezekiel, tout en retenant ses mots, observait la scène avec une retenue toute empreinte de finesse. Il enveloppa son trouble d'une feinte impassibilité, un masque de maîtrise où chaque émotion était habilement dissimulée.

Ce n'était point la première occurrence où sa fille proférait des énoncés aussi peu conventionnels, cependant il s'abstint de toute discussion à cet égard pour l'instant. Le repas matinal ne tarda guère à être servi, tandis que sa fille l'interrogeait sur le mode de locomotion envisagé. Effectivement, depuis l'avènement de la ligne ferroviaire, ils avaient un peu délaissé la vénérable diligence. Outre le temps de trajet rallongé à cheval, il y avait cette perspective inquiétante de se rendre chez le marquis... accompagné de sa fille. Ce dernier, véritable manipulateur dans l'âme, était d'une persuasion telle qu'Ezekiel ne pouvait résister... et il était bien loin d'être le pire parmi ses maitres. Il redoutait le jour où le marquis s'immiscerait trop profondément dans la vie de sa progéniture...

-Ah, certes, voilà un moyen de déplacement à nul autre pareil. Dans une calèche, attelée à la fougue de plusieurs équidés… chevaux je voulais dire ! Moins pressé que le train, certes, mais l'essence même de l'itinérance réside dans ces sentiers délaissés par les voies ferrées, où chaque virage recèle une histoire à raconter, chaque bourgade éloignée offre un écho de l'âme du pays. Un instant de conscience émergea soudainement dans l'esprit d'Ezekiel, rappelant qu'il s'adressait à une enfant de trois ans et demi... Il tiqua brièvement, puis lui offrit un sourire bienveillant, se rappelant avec douceur à qui il s'adressait. C'est une petite cabine, avec des roues, tirée par de grands chevaux. Elle nous porte où bon nous semble, sans le moindre effort de notre part, pour explorer les merveilles du monde sans fatigue.

Sa réponse, voilée d'une légère distanciation, se perdit dans les volutes parfumées s'échappant de sa tasse de thé, dans laquelle il insufflait le sac de thé avec délicatesse.

Une ombre fugace voila son visage quand sa fille persévéra dans ses interrogations sur le Marquis de Longeville. Moins elle en saurait sur lui, plus sa quiétude serait préservée. Un sourire voilé d'ombre effleura ses lèvres, captivé par l'innocence qui rayonnait du visage de sa fille.

- Hmm, disons que le marquis est l'un des bienfaiteurs pour lesquels je m'investis… je travaille ! Il m'accorde le privilège d'utiliser la diligence à ma guise pour me remercier…

Dans les profondeurs de la réalité, il n'était point de mensonge grossier, mais plutôt l'art subtil de la nuance ! Ezekiel, ce conteur émérite, tissait des histoires alternatives à sa fille, pareil à un orfèvre façonnant des joyaux verbaux pour protéger son innocence des sombres secrets qui se tapissaient dans l'ombre de leur monde et de la ville. Elle avait déjà sondé les limites souvent confuses des adultes, et Ezekiel s'était mué en artiste de la narration, peignant des tableaux imaginaires pour masquer les aspérités de la réalité. Il avait su maîtriser la fantaisie, jonglant avec les mots pour ériger un rempart autour du cœur pur de l’enfant.

Lorsque leur petit déjeuné toucha à sa fin, Ezekiel se leva, son geste empreint de douceur, posant sa main sur l'épaule de la fillette, murmurant :

- Reste ici un instant, Lica, je vais régler l'addition à l'intérieur.

Il s'effaça prestement à l'intérieur du restaurant, où le serveur, affairé à laver plusieurs verres, sembla légèrement embarrassé à sa vue. Ce fut alors que le dragon, d'un mouvement gracieux, entama de lui-même la conversation, ses bras se croisant sur son torse :

- Qui est donc « Noisette » ? avait-il lancé, exprimant ainsi son désir de clarifier une chose qui lui pesait tout de même sur la conscience.

- Ah ben, un ti' zéquirolle qu'j'ai ramassé. J'pourrais-t-i saouère comment ta p'tiote est au parfum d'ça?

Excellente interrogation, et c'était justement ce qu'il désirait ardemment élucider. Avait-il évoqué, en quelque temps révolu, cet écureuil ? Et dans quelles circonstances ? Mais le serveur, à l'instar de lui-même, paraissait tout aussi déconcerté par cette évocation. Un murmure de perplexité flottait dans l'air-

- Elle a très probablement capté les fragrances imprégnées sur vos habits, avança le dragon dans un mouvement de hauteur d'épaules, redoutant que l'homme ne transforme cet incident en une querelle déplaisante.

- Elle a dit qu’il était ben mignon !

- A cet âge, les inflexions de la voix, tant affirmatives qu'exclamatives, peuvent se mélanger dans leur esprit, exposa-t-il, sa voix teintée d'une assurance tranquille. Pensez-vous que les enfants allophones rencontrent davantage de difficultés dans leur développement linguistique ?

- T'es en train de m'dire que l'problème, c'est qu'ta gosse parles trois langues?

- Quatre, je m'efforce de lui inculquer l’italien à présent.

- Hé M'sieur Oldenbourg, pour un dragon des mers, tu t'y connais en bottes d'pêche, c'est sûr! Mais bon, admettons qu'ale m'demandait si "Noisette" était mignon, qu'ale aurait donc repéré en humant mes guenilles, comment qu'tu justifies l'fait qu'ale connaisse l'nom que j'lui ai donné, hein?

- Vraiment, vous avez affublé un écureuil du nom de « Noisette » ? C'est aussi original que de nommer son lapin « Carotte », commenta-t-il avec un soupçon de sarcasme.

- Attends, j'te piges pas ben. T'imagines-ti sèrieus'ment qu'ta p'tiote qui a... quoi... m'ême pas quatre ans, s'met à faire des dèductions d'ce genre? T'penses-ti qu't'as engendrè l'prochain Einstein ou comment ça s'passe? T'as d'autres dèductions aussi brillantes en stock?

- En effet, j'ai d'autres hypothèses sur le sujet, mais elles ne nous concernent que nous. Cependant, je vous remercie pour les informations et pour ce délicieux petit déjeuner, répondit-il avec courtoisie.

Il déposa avec précaution l'argent sur le comptoir, agrémentant sa contribution d'un pourboire généreux. Ce n'était pas la première fois qu'un nébuleux arpentait cette ville doté de talents extraordinaire, mais il savait pertinemment que tout don qui serait lié à l’esprit risquait de susciter une méfiance accrue, au risque d'accentuer davantage l'isolement de sa propre fille, Lica.

Rejoignant enfin sa fille, il lui fit signe de se redresser. Sans un mot, sans qu'elle ait à formuler la moindre requête, il l'accueillit instinctivement sur ses épaules. Ensemble, ils se frayèrent un chemin à travers la cité, leurs pas résonnant sur les pavés tandis qu'ils demeuraient attentifs aux sons annonciateurs des calèches, dont le rythme des sabots prévenait leur arrivée bien avant qu'ils ne franchissent leur trajectoire.

Alors qu'ils prenaient leurs distances par rapport au centre de la bourgade, l'imposant manoir du marquis se dressa fièrement devant eux, tel un monument intemporel émergeant des brumes de l’histoire de cette ville. Un jardin à la française, méticuleusement agencé, s'étendait en un écrin de verdure, symbole de la grandeur et de la sophistication de son illustre propriétaire. Les aboiements cadencés de ses cinq chiens, qu'il emmenait chaque jour arpenter les sentiers sylvestres alentour pour la chasse, résonnèrent tel un appel alerte.

Ce fut le majordome, qui leur ouvrit les portes majestueuses du domaine. Le marquis, seul parmi ses maitres à élire domicile à St Ursanne, résidait dans un manoir d'une modestie apparente-tout était relatif cependant- mais dont la portée de son influence était aussi vaste que les horizons lointains.

Dans un geste de respect, le majordome s'inclina devant Ezekiel, offrant à son regard une révérence discrète de solennité. Cependant, son attention se détourna, captivée par la présence de Calista. Un silence, lourd de significations, s'installa, emplissant l'espace . C'est alors qu'Ezekiel, brisa ce mutisme, coupant court à cette contemplation abusive.

- Nous venons emprunter la diligence... Est-ce que le Marquis de Longeville est présent ? demanda-t-il, priant pour une réponse négative...

Il déposa délicatement sa fille sur le sol, veillant à la maintenir légèrement en retrait, comme un geste protecteur, face à cet homme qu'il n'avait jamais embrassé dans les replis de son cœur.

- Non... il est actuellement absent, mais vous pouvez l'attendre dans le salon si vous le souhaitez.

- Hélas, non, nous sommes contraints par le temps, nous sommes actuellement en mission.

L'homme inclina légèrement la tête, un sourcil finement arqué, son regard se perdant dans la profondeur des prunelles de la fillette, comme captivé puis, lentement, il détourna enfin son attention vers Ezekiel, ses traits empreints d'une perplexité presque palpable.

- Vous emmenez votre enfant avec vous lors de vos missions, n'est-ce pas excessivement risqué ?

Était-il sot ?

- Vous n’avez jamais eu d’enfant, je présume.

Il s'imaginait sincèrement pouvoir mener sa fille sur le front ?

- Hélas, non, cette opportunité ne m'a jamais été accordée.

Son ton, impénétrable comme les eaux profondes de l'océan, laissait entrevoir un désintérêt certain pour cette perspective. Cependant, de manière subtile, Ezekiel ne put s'empêcher de conjecturer sur qui, dans ce vaste univers, aurait pu un jour consentir à partager son existence avec cet homme acariâtre.

- Eh bien, c'est à peu près similaire et exigeant que de veiller sur le Marquis !

- Monsieur Oldenbourg que… S’offusqua l’homme.

- Je connais le chemin des écuries, transmettez mes salutations à mon maî...au Marquis de notre part, rectifia-t-il avec un léger embarras, avant de s'éloigner d'un pas pressé.

Il saisit le poignet de Calista sans ménagement, presque brusquement, et l'entraîna vers l'arrière du manoir. L'un des chiens de chasse les avait suivis et gambadait joyeusement autour d'eux, sa queue battant le rythme de son affection.

Bon chien de chasse, piètre gardien. Songea le dragon.

Arrivés à destination, ils découvrirent Emile, engagé dans une conversation animée avec Victor, affairé à brosser Baron, le cheval du marquis, un noble destrier dont l'élégance réservée n'avait d'égale que la fierté de son cavalier. Emile se détourna alors vers eux, son visage marqué par une expression mêlée de surprise et de curiosité.

- Hé là ! Ça m'fiche une belle surprise, M'sieur Oldenbourg, d'vous voir par ici sans qu'on vous ait sonné... pis en plus, avec vot' gamine ! On commençait à croire que c'tait qu'une histoire d'village ! Bonjour Caliopée.

- C’est « Calista ». Le corrigea Victor d'un ton amical alors qu'il caressait l'encolure de l'immense cheval.

- C'est pas d'ma faute ! On la voit jamais, comment j'aurais pu m'en souvenir ! Vous avez besoin d'la diligence ? J'vais nous la préparer.

Il leur offrit un sourire chaleureux avant de s'éclipser hors de l'écurie. À côté du noble destrier Baron, se dressaient, deux majestueux coursiers dont la prestance imposante évoquait la grandeur des anciens dieux équins.

- Peut-on les toucher, Victor ?

- Oh ouais, allez-y tranquille, montrez ben vos mains, i's viendront sûrement vous r’nifler.

Ezekiel encouragea sa fille à s'approcher, lui laissant la liberté de choisir de les toucher ou non, devant le box des deux nobles coursiers, qui s'inclinèrent gracieusement à leur approch..

- Victor est l'écuyer en charge de ces trois nobles bêtes. Baron est le destrier du marquis, choisi pour les parties de chasse auxquelles il se livre avec ses chiens. Ezekiel désigna le canidé qui s'était assis en baillant, bientôt rejoint par l'un de ses frères. Emile, quant à lui, est le cocher qui guide la diligence, qui sera menée par Ebène et Sultan, les deux chevaux que voici...

Quelques instants plus tard, Emile revint pour conduire les deux coursiers, qui avançaient près d'eux avec fougue, leurs sabots martelant le sol comme une cadence de pouvoir. Le jeune homme, d'un geste assuré, leur fit signe de le suivre.

-Nous nous rendons à la résidence de Monsieur Courvoisier, Emile, avait-il déclaré, recevant un signe de tête approbateur en retour.

Il interrogea ensuite sa fille, se penchant délicatement vers elle.

- Apprécies-tu les chevaux, Lica ? Ils étaient parmi mes animaux favoris dans les jours lointains de ma jeunesse...

Une époque lointaine où il se sentait en communion avec les esprits des animaux. Tout au long de son existence séculaire, peu de créatures avaient partagé sa vie. Parmi elles, se dessinait le souvenir éthéré de Stella, son faucon, compagnon fidèle durant ses échappées clandestines avec Lumir... Elle était sa sentinelle, veillant sur lui et le prévenant de l’arrivé des subalternes de ses maitres qui avaient ainsi retrouvés sa trace.

Et ôh, combien de larmes ont irrigué la terre lorsque ses maîtres, avaient fauché la vie d'un lièvre sous son regard. La vision de la pauvre créature s'effondrant, inerte, avait marqué son âme d'une empreinte indélébile. Un arc et des flèches, symboles de cette violence, lui ont été confiés, dans l'attente qu'il participe à la chasse lui aussi. Mais l'éclat de sa colère, la poigne de son amertume, l’avait enveloppé d'un voile sombre, et il avait rejeté l'arme, la laissant choir au sol, avant de fuir pour probablement retrouver Lumir.

Ce n’était que bien plus tard, lorsque le poids de la normalité avait écrasé les derniers vestiges de son innocence, qu'il avait cédé à la pratique, se fondant dans le moule de la société. Mais même alors, l'éclat de cette souffrance n'avait jamais cessé de hanter les profondeurs de son être.



KoalaVolant
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