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Les gens qu'on interroge, pourvu qu'on les interroge bien, trouvent d'eux-mêmes les bonnes réponses. PV Palou [Terminé] :: Archives :: Bibliothèque des anciens RP :: Présent
Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel Oldenbourg
 

Les gens qu'on interroge, pourvu qu'on les interroge bien, trouvent d'eux-mêmes les bonnes réponses. =>Socrate


Les prémices de la machination ourdie par les hommes, sous la conduite d'Ezekiel, s’étaient achevées par une première victoire d'une stratégie bien menée. Il parvint à réintégrer l'île, érigeant ainsi son règne cauchemardesque sur ce petit éclat de paradis. Pourtant, un mépris tintait dans les profondeurs de son être envers cette communauté. Il savait pertinemment que les nébuleux n'abritaient aucune intention de cette nature. Leur rapprochement des humains était une manière bien subtile de connaissance approfondie ; une manœuvre adroite de les manipuler et de les soumettre, masquée derrière un voile d'unité raciale, une innocence de la part des humains qui déroutait le dragon.

Son dessein ultime demeurait la libération des Hommes et la destruction intrinsèque de cette île et des créatures. Pour l'instant, il devait se muer en observateur, collectant avec minutie des informations cruciales pour ses maîtres. Doté d'une éloquence innée et d'une connaissance érudite, Ezekiel se vit confier la lourde tâche d'enseigner au sein de la petite communauté, dispensant un savoir forgé au fil des siècles. Il devait prodiguer des cours de philosophie, d'histoire et de sciences, éclairant les esprits sur la situation tout en insufflant un appel à l'action…
 
Et quelle meilleure approche pour susciter la réflexion sur des thématiques complexes que d'explorer les méandres de la philosophie ? Quoi de plus pertinent pour éclairer l'humanité, ainsi que les nébuleux, sur la pernicieuse influence exercée par ces créatures depuis des millénaires, qu'un cours d'histoire rigoureusement élaboré ? Et quel autre moyen plus adapté que l'enseignement scientifique pour sensibiliser les humains à la réalité inéluctable : celle de se retrouver dévorés s'ils ne réagissent pas promptement ?
 
Cependant, se présenter sous son meilleur jour au cœur de ses ennemis, loin de l'influence de ses maîtres, commençait à éroder insidieusement son moral. Après un cours de philosophie, explorant Socrate en tant que précurseur de la pensée, Ezekiel se pencha sur son histoire, lançant son exposé en inscrivant sur le tableau noir la célèbre sentence : "La seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien." Il développa l'idée que, trop souvent, les êtres humains, assurés de leur savoir, n'avaient en réalité aucune compréhension profonde. Socrate, conscient de sa propre ignorance, avait au moins cette connaissance et donc, il savait au moins une chose. Ezekiel partagea quelques détails sur la vie de Socrate, sa naissance à Athènes, ses idées, sa famille, évoquant sa mère sage-femme, une gardienne de la vie, tandis que lui, tel un accoucheur d'idées, cherchait à insuffler la sagesse.
 
Se fut donc en cette fin de journée épuisante, que le dragon, las de l'effervescence des élèves captivés par ses récits, fragments vivants d'un passé millénaire, qu’il prit congé pour retrouver le cocon de son foyer. Malgré l'apparente conquête de l'affection de la communauté, ce jeu théâtral devenait insidieusement exaspérant, une trahison difficile à encaisser de ses principes et de sa volonté, engendrant en lui un dégoût profond. Devant le miroir de la salle de bain, ses yeux azur plongèrent dans la réflexion de son être, méditant sur le rôle qu’il avait à jouer.
 
Rassure-toi, Kiel, tout se déroulera selon les plans.
 
Ce premier jour, paré de l'aura d'une éternité, emprisonna Ezekiel comme s’il venait de passer une centaine d’année dans un gouffre. De quoi se languir des ruelles médiévales du village, dont son apparence bienveillante servait à leurrer pour mieux détruire, participant ainsi à l'élimination des nébuleux défectueux, mais en ce lieu, c'était prématuré, trop tôt et excessivement visible. Combien de temps pourrait-il endurer ces conditions oppressantes ?
 
Je veux rentrer chez moi…
 
Un soupir las s'échappa de ses lèvres, les gouttelettes d'eau percutant le lavabo semblaient railler sa détresse. Son reflet, implacable miroir, narguait sa condition actuelle. Une ironie cruelle que son être intérieur trouvait délectable. Mais tout cela, il le faisait pour ses maîtres, pour ses parents, pour le bien de l'humanité ! Il ne pouvait défaillir.
 
Alors cesse de te moquer ! Gronda-t-il en son for intérieur, tentant de faire taire les échos sarcastiques qui résonnaient en lui.
 
Il avait à peine pris conscience que son poing s’était élevé, frappant le miroir qui éclata en une myriade de fragments. Glissant sur la surface glacée du robinet, des perles de sang apparurent, témoins silencieux de la violence aussi brusque qu’ inattendue. Ezekiel retira précipitamment sa main, s'agenouillant pour rassembler les morceaux de verre dispersés sur le carrelage. Une grimace déforma ses traits tandis que de nouvelles coupures ornaient sa main et son poignet, ensanglantant davantage sa peau.
 
-        Non, non, non... oh non, j’ai brisé un miroir, ça porte malheur ça ! Par tous les diables, quel idiot je fais, murmura-t-il avec une pointe d'agitation.
 
Il parvint à rassembler les morceaux les plus volumineux dans un sac en plastique, soupirant à nouveau. En quête précipitée de papier, il chercha à arrêter le sang qui continuait de s'écouler de la plus grande coupure au poignet droit. Le papier s'imbiba de sang, mais ne montrait aucun signe de résignation. Le dragon maudit se trouvait-il déjà en proie à la malchance ? Il n'avait pas particulièrement mal, mais l’agacement  montait à mesure que le sang persistait à colorer le papier.
 
Si la main droite semblait être la plus affectée, puisqu’elle avait porté le coup, la main gauche avait également subi quelques égratignures en ramassant les éclats de verre à mains nues. Dépité et légèrement dépassé par le déroulement chaotique de sa fin de journée, Ezekiel prit au moins le soin de terminer le nettoyage avec une ramassoire, grimaçant par moments sous la douleur persistante. Le sang avait cessé de couler abondamment, mais la blessure au poignet droit ne présentait pas un aspect réjouissant, tout comme les coupures sur ses phalanges et les petites entailles qui accompagnaient le tout.
 
Y avait-il un risque d'infection ? Ezekiel, ignorant des affres médicales, se maudit intérieurement. Épuisé et frustré, il se résolut à rejoindre l'infirmerie scolaire, acceptant un nouveau coup porté à son ego, déjà ébranlé par des plaies plus profondes que celles visibles sur sa peau.
 
Devant la porte, il demeura planté là une bonne minute, presque tenté d’opérer un demi-tour. Observant ses mains, il soupira à nouveau, se rappelant qu'il serait vraiment idiot de ne pas demander d'aide par simple fierté. Il finit par frapper doucement, calant une de ses longues mèches de cheveux derrière son oreille par réflexe, pour finalement s'annoncer.
 
-Bonjour. Il y a quelqu’un ? Je pense avoir besoin d’un peu d’aide. Je me suis très légèrement coupé avec du verre…
 
Ezekiel se trouvait maintenant dans la salle d'infirmerie scolaire, baignée d'une atmosphère paisible et éclairée par une lumière tamisée. Bien que le silence qui y régnait fût presque thérapeutique, une pointe d'irritation perçait dans les pensées du dragon. Ses réflexions s'entremêlaient dans un tourbillon de frustrations, son regard scrutant la pièce à la recherche d'une âme « charitable » qui pourrait panser ses blessures.
 
Et je prendrais même le risque d'affirmer que c'est assurément un nébuleux qui sera à mes côtés pour me porter assistance. Invariablement, le destin semble s'acharner contre moi. Maudite école, maudite île, maudit miroir ! Maudite soit cette sinistre malédiction qui semble me poursuivre implacablement !
KoalaVolant
Mar 6 Fév 2024 - 21:11
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Opale Caladrius
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Opale Caladrius

Les gens qu'on interroge

Trouvent d'eux-mêmes les bonnes réponses

Feat Kiel



Ses doigts se pressèrent contre ses paupières un instant, laissant l'empreinte se déposer, puis la sensation se glisser jusque sous les os de son crâne. Une fois la pression devenue désagréable, il la relâcha et sa tête retomba vers l'arrière. Ses boucles blanches emmêlées tombèrent le long de son fauteuil pour suivre le mouvement. Un son plus proche du grognement que du soupir s'échappa de ses lèvres et il recula sur sa chaise roulante d'un geste sec avant de tourner, un coup à droite, un coup à gauche, les yeux toujours clos. Opale laissa s'instaurer la nausée et le léger vertige. 

Quoi ? Il avait envie de sortir. Mais il devait tenir son poste. 

Ses doigts fins se mêlèrent à ses cheveux et il les secoua en se redressant, distinguant l'espace flou se mouvoir autour de lui. La créature cilla des yeux avant de se rapprocher de son bureau. Des rapports, encore et toujours des rapports. Chaque patient qui passait, c'était une note pour la Nepenthe. Et lui, sentait la chaîne resserrer son métal froid autour de son cou. Elle le brûlait, le faisait bouillir. Pourquoi avait-il accepté de devenir un membre du personnel ? C'était obscur, mouvant. Mais il avait la sensation qu'il n'avait pas réellement eu le choix. Avec celui-ci était venu ce petit poste à l'ancien cloître, au milieu de gamins brailleurs toute la sainte journée. Et il finissait avec la tête enfumée et la migraine. 

Opale se releva, la gorge sèche. Il pouvait bien aller se rouler une cigarette... Les gamins avaient fini les cours et lui dans... Quoi. Une heure ? Ses yeux se levèrent sur le vieux pendule dans un coin de la pièce. Il plissa les paupières mais non, l'aiguille ne bougeait définitivement pas. Ce serait approximatif... Il tendit l'oreille un instant, mais il n'y avait plus un chat.
Discrètement, il ouvrit la porte arrière et profita quelques instants de la brise fraîche qui apportait tous les embruns marins. Le ciel d'hiver avait prit des teintes plus obscures, teinté de toute la beauté que lui conférait la mer et les astres. Le vent balaya le visage d'Opale et la fumée qu'il exhalait, appuyé sur l'un des piliers de la cour intérieur. Ah. C'était plus tranquille sans les étudiants. Il les appréciait mais ils avaient parfois cette curiosité qui avait le don de le mettre mal à l'aise. Non pas qu'il n'avait pas ce défaut lui-même, mais venant des autres c'était une autre paire de manche. Et puis, ils se faisaient mal pour des idioties et lui avait le malheur de le sentir à des mètres à la ronde.

Le caladre se mit à fixer un obscur recoin entre deux pilastres. Il ne voyait rien, mais il ne serait pas surpris d'un jour voir un spectre passer. Il fit une moue mauvaise, avec un léger sourire défiant. Qu'il essaye, le fantôme. 

Soudain, une voix retentie derrière-lui et il sauta du mur, chaque petit poil hérissé sur son corps. Les yeux écarquillés, il perçut du mouvement à l'intérieur de sa loge et pesta en jetant sa cigarette, l'écrasant vivement. Arh ! Quelqu'un qui arrive au moment où il prend une pause ! Pourvu que ce ne soit pas le gardien, pas sur qu'on puisse fumer ainsi dans un lieu sacré. Le médecin s'empressa de réajuster sa blouse et ses cheveux avant d'entrer pour accueillir le visiteur. 

Cela le frappa immédiatement. Il le regarda a peine, mais sa tête s'inclina pour observer la main du pauvre bougre. Un frisson remonta le long de son bras et il cilla avant d'esquisser un bref sourire, l'invitant à s'asseoir sur la table d'osculation. 

-Entrez, je vous en prie. Le poignet c'est ça ? J'arrive. 

Était-ce un étudiant ? Il ne semblait pas l'avoir croisé ou du moins, sa voix ne lui disait rien. Alors qu'il s'installait, Opale en profita discrètement pour essayer de distinguer ses traits plus en clarté mais... Non, vraiment. Etonnant, sur cette île. Il avait entendu l'arrivée de nouveaux arrivants, mais c'était plutôt habituel alors il ne prenait plus le soin de se présenter à ceux qui ne le faisait pas d'eux-mêmes. Il s'empressa de se laver les mains.

-Alors, montrez-moi ça... 

Il avait attrapé sa chaise, la faisant rouler et s'y installa en un souffle. Le soigneur remonta soigneusement ses manches et se pencha sur la blessure que l'inconnu lui dévoila. Ouh... Il la distinguait mal mais c'était pas joli. Du verre, avait-il dit ? 

-Vous avez gardé une compresse, c'est parfait. Je me permet, monsieur...? 

Souffla t-il en l'interrogeant du regard, attrapant délicatement sa main entre la sienne. Il sembla réflechir un instant, phasant sur son regard avant de donner un sourire encourageant. Ses doigts froids glissèrent sur son épiderme et il ferma les yeux. C'était étrange. Il avait des plaies sur les phalanges, les doigts, des petits bouts de verre s'étaient implantés partout. Il s'écarta un instant pour attraper la trousse de secours et une pince à épiler. 

-Vous êtes nouveau, je me trompe ? 

Demanda t-il, l'air innocent. Mais il se demandait si cette étrange blessure était vraiment un... Accident. 

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Mer 7 Fév 2024 - 0:27
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Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel Oldenbourg
 

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Dans l'expectative d'un secours providentiel, Ezekiel perçut une voix aux tonalités masculines, offrant son concours empreint d'une bienveillance salvatrice. Son regard scruta la blessure, laissant poindre une grimace furtive, conscient que la situation n'était guère aussi élémentaire qu'une simple coupure au poignet. Il redoutait secrètement un éventuel rappel à l'ordre pour avoir eu l'audace de manipuler du verre à mains nues. Comment pourrait-il assurer la prestance de son enseignement avec une main dans un tel état ? Fort heureusement, sa main gauche demeurait fonctionnelle, et Ezekiel, de nature gauchère, savait en manier les subtilités.

 
Cette particularité remontait à des ères lointaines, une époque où la main gauche était associée au Diable, contraignant le jeune dragon à permuter de main sous peine de recevoir des réprimandes adéquates. C'était une ironie manifeste que quelqu'un étiqueté comme gaucher soit affublé de la stigmatisation de la "main du Diable". Ainsi, à chaque infortune, il pouvait apaiser les inquiétudes en attribuant ses maladresses à une obscure malédiction. ! Rejeter la faute sur une force malveillante était plus aisé que d'admettre son manque d'adresse.
 
Tandis qu'il attendait avec patience, une impulsion furieuse persistait en lui, lui donnant l’irrépressible envie de faire volte-face et de regagner son foyer. Une concession à cette pulsion précipitée risquerait, il le savait, de rendre son séjour ici éphémère. Résolument, il se tint en retrait, son regard scrutant son interlocuteur qui l'avait convié à prendre place, comme si l'annonce d'une attaque imminente planait dans l'air.
 
C’était donc un nébuleux conformément aux prédictions d'Ezekiel. Son sourire, bien que feint et amical, laissait transparaître une ambiguïté qui ne manqua pas d'inquiéter le dragon. -c’était ce qu’il s’imaginait du moins-. Le dragon l'observa minutieusement, scrutant chaque mouvement, comme si la méfiance coulait dans ses veines. Pourquoi anticiperait-il un empoisonnement ici, au sein de son propre camp ? Une telle suspicion semblait étrangère à la logique, mais Ezekiel était rompu aux intrications de la paranoïa.
 
Se décidant finalement à s'asseoir, le dragon tenta de se détendre, son attention capturée par sa main meurtrie. Entre deux respirations, il entreprit d'ouvrir et de fermer prudemment sa main, révélant la présence insidieuse des éclats de verre. Il écouta l’eau qui coulait, distante, constituait un bercement apaisant pour ses pensées qui naviguaient entre les motifs inventés pour expliquer ses blessures.
 
Le nébuleux, revenu à son chevet, fit rouler sa chaise jusqu'à Ezekiel, prêt à examiner les coupures. En réalité, il ne pouvait pas prétendre endurer un supplice ; au cours de sa longue existence, il avait été confronté à des épreuves plus ardues. Cependant, il était conscient que des blessures mal traitées pouvaient rapidement dégénérer. Se laissant manipuler docilement, son regard se leva vers la créature qui attendait apparemment une présentation. Après un bref instant de réflexion, Ezekiel décida de partager son nom, comme un simple échange de politesse.
 
-        Ezekiel.
 
Simple et efficace. Devait-il, toujours par courtoisie, retourner la question à celui qui l’avait interrogé ? Une considération pour les règles sociales et, peut-être, une brèche pour éroder le mur de méfiance qui séparait deux mondes antagonistes. Qui sait.
 
Le soupir intérieur d'Ezekiel résonnait comme un écho discret dans le silence ambiant. Ce serait l'apogée de la politesse, surtout alors qu'il persistait à l'observer avec une intensité inébranlable. À quoi pouvait-il s'attendre ? À ce qu'on se rue sur lui, peut-être ? Une idée complètement absurde. Il finit par lui renvoyer la question.
 
-        Et... vous ?
 
L'inconfort était palpable lorsque la main du dragon fut touchée par le nébuleux, même si ce dernier demeurait aussi professionnel qu'impassible. Le détour du regard était détenu par une certaine subtilité entre la nécessité de soins et une méfiance profondément enracinée.
 
Alors que le médecin, s'attelait à retirer avec précaution les éclats de verre, une question plus profonde émergeait dans l'esprit d'Ezekiel. S’il possédait la capacité d'aider les autres, de soigner, n’était-ce pas le genre de victime que ses maîtres apprécieraient grandement ? Détruire cette île commençait par éliminer ceux capables de guérir n'importe quelle blessure... et surtout, découvrir la raison qui poussait certains nébuleux à exercer cet art. Souvent, contrairement aux humains, c'était une vocation bien plus profonde, liée à un don, à un clan, ou à une race en particulier. Et tandis qu’il réfléchissait, le médecin, poursuivait son œuvre avec une diligence feutrée. Poursuivant avec une question, déployant une innocence feinte qui suscitait presque un sourire.
 
-        Je…oui, je viens d’arriver. J'enseigne plusieurs matières à l'école. Une connaissance m'a affirmé que ma place était ici, mais j'ai plutôt l'impression d'avoir fui et trahi la confiance de mes camarades.
 
Il n'aurait pas droit à une petite médaille des remords les plus poignants de l'histoire ? En toute ironie, bien sûr. À cette heure-ci, les nébuleux qui avaient envisagé de prendre les humains par surprise au village se retrouvaient probablement pieds et mains liés, prêts à être vendus comme esclaves. En apprenant leurs intentions, Ezekiel n'avait pas hésité une seule seconde à divulguer leur plan à ses maîtres...
 
 
-        Vous êtes ici depuis longtemps ? Une pause, accompagnée d'un regard empreint de réflexion, avant qu'il ne cligne des yeux avec une expiration maîtrisée. Vous semblez réellement habile de vos mains, dites donc. Moi, en revanche, je suis semblable à une catastrophe ambulante. Quelle tristesse.
 
Un soupir frustré s'échappa de lui, laissant entrevoir les conséquences de ses interactions sociales limitées au cours de sa très longue vie. Surtout maintenant qu’il se trouvait confronté à un nébuleux, son comportement devait paraître le plus naturel possible. Cependant, l'envie de lui suggérer une corde pour s'abandonner à une échappatoire morbide demeurait présente. Cette pensée demeurait dans l'ombre, pendant qu'il se résignait à suivre le cours de cette apparente bienveillance… pour finalement s’enquérir de son état.

-        Croyez-vous que je pourrais utiliser au moins l'une de mes deux mains pour écrire ?
KoalaVolant
Mer 7 Fév 2024 - 19:47
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Opale Caladrius
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Opale Caladrius

Les gens qu'on interroge

Trouvent d'eux-mêmes les bonnes réponses

Feat Kiel



La main d'Opale contre la sienne reposa sur le genou du nouveau venu alors qu'il examinait en silence la plaie ouverte. C'était profond, mais le sang coagulait déjà. Il fallait éviter tout risque d'infection et empêcher les petits bouts de verre de pénétrer trop profondément dans les plaies. Opale fronça les sourcils avant d'effectuer un léger mouvement de tête pour retirer une boucle qui passait devant son regard. Il ne voyait déjà pas grand chose alors elle ne le gênait pas vraiment, il s'agissait d'un reflexe qui continuerait sans doute de le hanter longtemps. 

Ezekiel. Voilà un nom doux pour un visage si sévère. Le sensible du Caladre sentait une forme d'animosité émaner de son patient. Peut-être était-ce dans ces yeux qui ne le lâchaient pas d'une seconde. Ou la manière dont ses muscles se tendaient lorsqu'il avait effleuré sa peau. Sa manière d'être lui rappelait la sienne, les premiers jours de son arrivée à l'île. Il se méfiait encore de tout et de tout le monde, la moindre interaction le laissait dans une obscurité totale et il craignait seulement d'aller s'acheter à manger de peur de tomber sur un humain. Pourtant, entre nébuleux, il était plus aisé de se comprendre. Mais qui était-il pour juger un autre réfugié, les horreurs traversent, transpercent les pores et éclatent à chaque geste malvenu. 

Il ne manqua pas le soupir qui agita Ezekiel alors qu'il attrapait délicatement un épais morceau de verre qui s'était logé entre l'articulation du pouce et du poignet. Le bruit clair résonna dans la bassine métallique qui l'accueilli, un filet de sang suivit son trajet. Opale ne voyait pas suffisamment alors il passait régulièrement et tout doucement ses doigts contre les phalanges et l'épiderme de l'homme, concentré sur les irrégularités piquantes qui signifiaient les blessures. 
Après un silence surement trop long, Ezekiel lui avait retourné la question. Opale s'empêcha de sourire, car il était mal de se moquer. Mais il ressemblait à un lapereau hors de sa cage celui-là. 

-Opale. Vous pouvez m'appeler Opale. 

Souffla t-il, la tête baissée sur sa besogne, les paupières mi-closes. Lui-même n'était pas excessivement bavard quand il ne percevait pas les légers éclairs qui animaient la pièce lorsqu'il y avait de l'animation et une passion dans la discussion. Et ce... Nébuleux... Il y avait bien quelque chose qui l'intriguait chez lui. Mais à sa surprise, Ezekiel poursuivit. Un professeur ? Ah, il lui semblait bien avoir senti sa présence dans les corridors, même sans l'avoir vu. Et puis il avait une odeur particulière, il s'agissait surement d'une créature transformiste. A cette pensée, Opale renifla très discrètement, essayant de comprendre de quoi il pouvait s'agir. Fuir et trahir... Ses camarades ? Opale se demandait de quoi il pouvait bien parler mais ne releva pas immédiatement. Cela pouvait tout et rien dire à la fois.

Opale releva la tête à sa question, plongeant ses yeux troubles dans les siens en inclinant légèrement la tête. Une inspiration suivie d'un rire s'échappa de ses lèvres et il pouffa, couvrit sa bouche en reculant puis secoua vivement la tête. 

-Habile de mes... Mains ? 

L'idée l'amusait profondément. D'une certaine manière... Oui. Certainement. C'était utile pour son travail. Mais de là à dire qu'il était habile, adroit, ou tous ces adjectifs ne lui correspondait que peu. Opale se moquait gentiment, mais c'était surtout auto dérisoire. Il se racla la gorge et tenta de se reconcentrer sur ce qu'il faisait. 

-Oh, en ce cas je crois qu'on se ressemble plus que vous ne le pensez.

Loin d'être flatté, Opale était surtout amusé. Sa main retrouva la sienne et son expression se renfrogna légèrement en découvrant un bout bien incrusté dans l'une de ses phalanges. 

-Inspirez, ça va piquer. 

Souffla t-il avant de le retirer d'un coup sec, le laissant tomber dans la bassine.

-Si vous êtes ambidextre, oui, par contre cette main devra être immobilisée le temps de la cicatrisation. Pouvez-vous déplier et replier vos doigts, s'il-vous-plait ? 

Enonça t-il doucement en se reculant. C'est là qu'il remarqua les étranges reflets du verre dans la bassine. C'était... Les éclats d'un miroir ? 

-Je suis obligé de vous poser la question, Ezekiel, mais vous êtes vous infligé cela volontairement ? J'ai conscience que les accidents arrivent, mais cette blessure me semble très peu naturelle. 

Opale avait esquissé un sourire qui se voulait rassurant, mais il sentait toute la tension qui émanait du nouvel arrivant. En réalité, il aurait simplement pu le noter dans le rapport à la Nepenthe mais... Bon, sang il détestait ça. Cela risquait de couter son poste à ce pauvre Nébuleux, si la Matriarche jugeait qu'il était trop instable pour s'occuper d'enfants. Alors, il préférait le questionner directement. Il ajouta, d'une voix plus douce. 

-Il est très perturbant d'arriver à Nitescence. Quand je me suis retrouvé ici la première fois j'étais désespéré, désorienté, j'ai cru que j'allais mourir. Alors je comprends qu'on puisse vouloir se punir de penser ainsi, mais vous n'êtes pas seul, vous savez ?

Il inspira, sa chaise recula de quelques centimètres et il attrapa le désinfectant et une gaze propre. 


-Pardonnez mon rire tout à l'heure, ce n'était pas pour me moquer. Que l'on me dise que je suis adroit me surprend toujours. Car je ne vous vois pas vraiment, en réalité. 

Il passa sa propre main devant ses yeux avec un demi sourire. 

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Jeu 8 Fév 2024 - 15:55
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Ezekiel Oldenbourg
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Affligé par une apparente déficience de naturel dans ses échanges avec le nébuleux, Ezekiel se laissait déborder par une vague d'interrogations sur les attentes de ses maîtres, qui semblaient l'avoir jeté sans précaution dans cette arène imprévisible-une véritable cage aux lions-. Dans le village, du moins, il pouvait se reposer sur le soutien de ses mentors, se nourrir de leurs conseils perspicaces et apprécier leur sollicitude bienveillante. Comment espéraient-ils qu'il excelle, entouré d'une telle cohorte d'opposants ? Il s'était déjà infligé une blessure sans recourir à l'aide de personne, tout cela dès sa première journée !

 
Et à présent, il se débattait avec ce médecin, qui, selon toute vraisemblance, trouvait certainement une source de divertissement dans sa condition. Comment ce praticien le percevrait-il ? Probablement comme un imbécile fini !
 
L'individu en question se révéla être Opale. Une originalité bienvenue dans cette mer d'indifférence. Ezekiel le scruta intensément alors que son interlocuteur semblait captivé par sa tâche. À ce rythme, la conversation stagnerait, et cela ne le contrariait pas outre mesure. Il n'avait guère d'aspirations à tisser des liens ici, mais le silence pouvait rapidement devenir oppressant. Sa mission consistait à explorer les facettes des résidents, et il devait trouver le moyen de susciter un semblant d'intérêt. Au moins un semblant !
 
Sa main, presque machinalement, s'avança en direction du médecin, révélant sa prudence habituelle avant de se rétracter. En réalité, il aurait préféré que l'autre redresse la tête pour le regarder, car il venait de faire le rapprochement entre son regard et... l’opale ?
 
-        C'est pour vos yeux ? Ce prénom... Il vous va à bien, je trouve. Cependant, une ombre de perplexité traversa son visage, se demandant intérieurement qui il était pour émettre un tel jugement. Enfin... oubliez ce que je viens de dire.
 
Ezekiel haussa nonchalamment les épaules avant de retomber dans le silence. Ses traits se renfrognèrent à nouveau, arborant une mine sérieuse, tandis que le médecin, comme étonné, réitéra les termes utilisés par la créature pour décrire son adresse. Une lueur d'incompréhension se dessina sur le visage d'Ezekiel, persuadé que l'autre riait ouvertement de lui !
 
Immobilisé, il fronça les sourcils.
 
-        Mais c'est que vous êtes en train de vous moquez de moi, ma parole! ! s'indigna-t-il, bien que son air fâché ne soit qu'une façade, laissant transparaître une attitude plus proche de celle d'un enfant boudeur. Il aurait bien voulu croiser les bras pour accentuer sa mine "scandalisée", mais il se retint, conscient qu'Opale continuait de s'occuper de lui, délogeant avec précaution un morceau de verre qui semblait le narguer depuis sa position.
 
Il se conforma donc aux recommandations d'Opale, qui déploya ses soins avec délicatesse ? Eh bien la délicatesse, dans cet instant précis, semblait accompagner un arrière-goût piquant d'assassinat, provocant chez la créature un frisson fugace. L
 
Opale, d'une voix douce, ramena le sujet sur la légère inquiétude d’Ezekiel et… Ambidextre ? Une aptitude à manier les deux mains avec aisance, une symphonie de mouvements harmonieux qui qui aurait ainsi dû échapper au nébuleux pourtant captif d'une main droite soumise à une contrainte imposée. L'histoire de sa coercition évoquait les tourments d'une époque révolue, où des croyances obscures dictaient des choix cruciaux. Et pourtant…. C’était pour son plus grand bien !
 
-        Je ne suis pas ambidextre, mais on m’a forcé… non, incité à écrire de la main droite. Ce sera l'occasion de me réconcilier avec la gauche...
 
Assurément, cette directive imposée était davantage justifiée ainsi. C'était, en somme, pour son propre bien. Une mesure de précaution visant à le préserver de toute association malheureuse avec des entités telles que sorcières et démons, des êtres malveillants qui, en tant que nébuleux, existaient effectivement. Des adversaires de plus à ajouter à la liste de ses aversions. Il était catégoriquement hors de question que quiconque puisse concevoir l'idée qu'il puisse soutenir de tels vices ! Les créatures étaient, à ses yeux, des incarnations du malheur. Les humains lui avaient inlassablement répété ce credo, et lui-même, bien qu'il s'efforçât de le répudier, se retrouvait englobé dans cette catégorie, tentant de se racheter pour les méfaits commis.
 
Il s'exécuta avec une délicatesse mesurée, pliant et repliant ses doigts comme demander par le médecin. Son visage, marqué par une légère crispation, traduisait la légère douleur qui émanait de sa main meurtrie. Dans attention particulière, son regard, concentré sur sa propre douleur, fut soudainement captivé par le nébuleux qui venait de le prendre de court. Ses yeux azur, habituellement empreints de résolution, reflétaient une lueur d'étonnement.
 
L'air de perspicacité qui flottait autour d'Opale suggéra à Ezekiel que peut-être les blessures étaient plus simples à analyser qu'il ne l'aurait cru. La logique aurait voulu que le médecin, par sa profession, puisse comprendre ces nuances. Cependant, l'absence de preuves tangibles laissait une porte ouverte à la prudence.
 
Un silence s'installa, et tandis qu'Ezekiel restait muet, Opale, continua ses observations, peut-être dans l'espoir d'inciter le dragon à se confier davantage. Le sourire doux et bienveillant qu'il déploya était ainsi interprété comme la marque d'un manipulateur sournoise.
 
Cependant, il était intrigant de constater qu'Opale semblait suggérer qu'Ezekiel pourrait être en proie à des actes d'automutilation. Intérieurement amusé, le dragon, malgré la tension palpable, répondit d'un presque… taquin ?
 
-        Oh ? Vous vous inquiétez déjà de mon sort ? Mignon.
 
Seul un éclat malicieux dans ses yeux discret et qui, pourtant semblé défié toute tentative d’analyse, brillait d'un certain amusement, tandis que son visage conservait obstinément une expression sérieuse. Il était évident qu'il plaisantait, utilisant l'humour comme un moyen de tempérer la situation délicate pour lui.
 
Opale, cependant, ne se laissait pas démonter. Son regard, empreint d'une patience infinie, perçait le voile des mots pour tenter de discerner les ombres qui se dissimulaient derrière l'ironie d'Ezekiel. Le médecin nébuleux, dépourvu d'expression apparente, ne cédait ni à l'amusement ni à la provocation.
 
Il détourna un instant le regard, plongeant dans une réflexion profonde, profitant de ce moment où Opale s'absentait pour quérir du désinfectant et une compresse. Comme si le silence était une toile dans laquelle il tissait ses pensées, Ezekiel s'y enroula à nouveau. Cependant, il savait que la passivité pouvait être interprétée comme une forme de consentement tacite. Ainsi, se conformant à la maxime "qui ne dit rien... consent", il brisa finalement le silence.
 
-        C’était un accident, je vous assure.
 
Les mots se répandirent avec mesure, laissant dans l'air une trace de retenue. Dans cette déclaration succincte, il esquivait consciencieusement tout surplus de détails. Plus il s'étendrait sur les circonstances, plus il s'enfoncerait dans les méandres d'un mensonge échappant à son contrôle. Pourquoi dévoiler davantage quand la véracité de ses propos ne serait probablement jamais mise à l'épreuve ? Inviter ce nébuleux à inspecter les replis de sa vie semblait être une concession qu'Ezekiel n'était guère prêt à faire, surtout face à un individu qui semblait s'être pris pour, Sherlock Holmes.
 
Et puis, dans la conviction certaine que le dragon lui en voulait réellement d’avoir pu s’amuser de la situation, Opale s'en excusa avec élégance. Avant même qu'Ezekiel ait pu s'exprimer pour attester qu'aucune rancune ne résidait en lui, les sourcils d’Ezekiel se froncèrent d'’étonnement. Comme s’il cherchait à confirmer l'entendement précis de l'instant, à vérifier si la compréhension s'était réellement ancrée ? En réponse, un sourire délicat naquit sur les lèvres d’Opale, accompagné d'un geste de sa main devant ses yeux. Il était donc… aveugle ?..
 
Dans ces instants d’une annonce quelque peu délicates, la coutume voulait que les individus expriment des excuses, une forme de réaction automatique devant une situation inhabituelle. Mais de quoi devait-il s'excuser exactement ? Ezekiel l'ignorait. L'idée même de considérer une personne à travers le prisme d'une singularité, telle qu'un handicap, était quelque chose qu'il trouvait absurde. En soulignant la compassion de manière si prégnante, n'était-ce pas là pointer du doigt, stigmatiser sur la base d'une seule caractéristique, effaçant ainsi le vaste potentiel de l'individu ? Hey mais…Pourquoi s'aventurait-il même sur le terrain de la psychologie ? Il n'en avait cure, vraiment.
 
-        Eh bien… comme quoi, la vue n’est pas une excuse pour être adroit. Qui est en train de se faire soigner alors qu’il voit nettement, au juste ?
 
Une légère moue de frustration s'inscrivit sur son visage, dévoilant une palette d'émotions ténues. À quoi bon s'apitoyer sur son sort ? Cherchant à insuffler du courage à son être, il se redressa un peu trop abruptement, sa main se crispant violemment, provoquant un grognement de surprise.
 
Mais… aïe ?
 
Un léger soupir précéda alors son mouvement et sa protestation silencieuse avant de marmonner :
 
-        Après tout, qui a vraiment besoin de voir pour avoir une vision claire.
 
Tiens, une phrase plutôt clichée, non ? Cependant, elle reflétait assez fidèlement son état d'esprit. Ezekiel avait toujours eu le sentiment que des pans entiers de la vérité lui étaient délibérément dissimulés. Être ici représentait aussi une opportunité de s'enrichir tout en poursuivant sa mission. Même si ses maîtres, dans leur désir de le protéger, continuaient de voiler une partie de la vérité.
 

Mais bon sang, je n’ai plus 200 ans, Je ne suis plus un dragonneau à sur-protéger des impuretés de ce monde !
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Jeu 8 Fév 2024 - 22:37
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Opale Caladrius
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Il fallait dire qu’Opale n’avait pas ignoré les compliments du nébuleux. Mais en était-ce seulement ? L’autre ne semblait pas vraiment prendre conscience de tout ce qu’il adressait au médecin dès leur première rencontre. Cela aurait pu le mettre mal à l’aise mais ça le faisait doucement sourire, sans qu’il ne prenne vraiment la peine d’y répondre. Ses yeux… Oui, surement. Quelque part, la raison était bien plus glauque. Ils étaient d’une couleur foncée auparavant, c’est bien avec le temps qu’ils ont perdus leur couleur et prit cette teinte légèrement iridescente. Ainsi, sa mère en le nommant avait déjà conscience de ce qu’ils allaient devenir. Pâles, désincarnés et probablement morts.

Ezekiel semblait souffrir, mais ce serait bientôt fini. Ce qu’il lui avait dit sur le fait d’avoir été forcé à écrire de la main droite avait piqué sa curiosité. Après tout, Opale aussi avait été forcé à faire et manipuler des choses dès son plus jeune âge, ce qui expliquait pourquoi il était aussi bon médecin à ce jour. Cela n’avait jamais été par choix.

Ezekiel avait une drôle de façon de s’exprimer. Il devait être surement une créature ancienne, qui balançait entre un dialecte daté et plus récent. Et il semblait vouloir se rassurer, constamment, chacune de ses paroles semblait presque plus destinées à lui-même qu’à Opale. C’était assez attendrissant à constater a vrai dire et il semblait au caladre qu’il s’était légèrement détendu. Quelque chose dans la tension de son bras, ses épaules que l’oiseau parcourut discrètement des yeux en essayant d’y lire quelques signes.

Ce qui lui avait dit avant qu’il n’aille chercher la compresse l’avait laissé perplexe et avec un vague sourire surpris aux lèvres. Mi…Gnon ? Lui ? Ben tiens, ça, c’était pas mal. Il réarrangea discrètement ses cheveux et sa chemise avant de le rejoindre nouveau. Le fait qu’il lui dise qu’il s’agissait d’un accident lui suffisait amplement, il avait simplement besoin de ces simples mots pour ne pas culpabiliser de ne rien dévoiler à la matriarche. Ce nouveau venu, professeur de surcroît, s’était simplement coupé avec du verre tombé. Et ce, malgré les marques apparentes sur ses phalanges rougies, voir bleuies indiquant un coup puissant et empreint de… Colère.

De nouveau, en se saisissant doucement de sa main son regard s’était légèrement assombri. Colère. C’était le mot qui ne lui était pas venu immédiatement en constatant les blessures. Mais de sa nature, Opale même s’il ne retirait rien de particulier des maux des autres sentait quelques fois les sentiments qui les avaient animés. Et c’était définitivement quelque chose de perturbant. Noir. Sombre. Dévorant. Il inspira en finissant d’épingler le bandage, lorsque Ezekiel se redressa brusquement, le faisant sursauter.

-Ah-ah ! Ne vous levez pas ainsi, enfin !

S’exclama le docteur, plus sévère en voyant la grimace douloureuse passant sur le visage du professeur. Il se releva a son tour, n’ayant pas lâché sa main.

-Laissez-moi faire… Quelque chose pour vous. 

Souffla t-il, fermant les yeux en pressant doucement sa paume contre le bandage. Ses sourcils se froncèrent sous l’effort, et sous ses doigts, une légère lueur chauffa la peau d’Ezekiel. Cela dura quelques secondes, ou soudainement l’obscurité de la pièce fut baignée de cette douce lumière à peine perceptible, qui semblait se refléter dans les cheveux et sur la peau d’Opale. Dans un souffle, il le lâcha en secouant doucement la tête.

Il savait, qu’il n’y était pas obligé. Mais ça le brûlait. Il avait eu envie de l’aider et c’était SON pouvoir, il pouvait bien en faire ce qu’il voulait, quoiqu’en dise sa mère ou ses maîtres. Opale se laissa retomber lourdement sur sa chaise à roulette et lâcha un léger rire.


-Voilà qui devrait soulager la douleur pour ce soir, ne tirez pas trop dessus cependant, c’est temporaire.

Il n’avait pas soigné le maux en profondeur, ou du moins, l’origine. Il savait qu’un sombre théâtre se jouait dans la tête de cet étranger, mais… Voilà, ça avait été plus fort que lui. Opale s’étira, tirant sa nuque de chaque côté. 

-C’est vous qui êtes mignon, je n’ai pas dit cela pour que vous me preniez en pitié. Mais c’était un petit… Test. Bravo, Ezekiel. Je suis parfait comme je suis. Et vous aussi. Vous êtes un bien drôle d’oiseau, professeur... 

S’amusa doucement le caladre avant de se redresser, lui donnant une légère tape sur l’épaule. C’était a demi ironique, bien qu’il soit certain que le nébuleux n’en comprendrait que la moitié.

-Je finis mon service dans peu de temps. Cela vous dirait d’aller boire un verre avec moi ? Je peux vous expliquer nombre de choses. Comme vous le dites, vous avez beau être clairvoyant, il me semble que vous ignorez encore tout de Nitescence.

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Ven 9 Fév 2024 - 0:19
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Ezekiel Oldenbourg
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Enveloppé dans ses pensées, maugréant des reproches intérieurs envers ses maîtres avec une rébellion digne d’un adolescent, Ezekiel se redressa de manière abrupte, reprenant ainsi contenance et prenant au dépourvu le médecin qui sursauta. Un éclat fugace de douleur traversa le visage du dragon, pour ensuite se dissiper. Il lui faudrait apprendre l'art de la modération et de la détente. Bien que son rôle au service des humains demeurât dans l'ombre, son comportement pouvait néanmoins sembler suspect aux yeux des autres.

L'exclamation d'Opale, la main toujours fermement ancrée à celle d'Ezekiel, déclencha une expression fautive chez le dragon face au ton plus sévère de son interlocuteur. Avant qu'il n'ait l'opportunité de formuler une excuse pour la gêne occasionnée, Opale poursuivit, assurant qu'il pouvait « faire quelque chose pour lui » ?. Une perplexité s'installa sur le visage penché du dragon.
 
Sans articuler un mot de plus, Opale pressa sa paume contre le bandage soigneusement ajusté, créant une tension éphémère. Puis, la lumière ! Une lueur douce et réconfortante inonda la pièce, émanant non seulement du geste de soulagement, mais semblant également se diffuser du nébuleux lui-même. En un souffle, la légère douleur persistante d'Ezekiel se dissipa, emportée par la bienveillante clarté.
 
Ezekiel observa sa main, ses yeux s'écarquillant devant la sensation de bien-être qui le submergeait. Comment cela pouvait-il être possible ? Pendant ce temps, Opale éclata d'un rire léger en s'affalant avec délice sur sa chaise. Se redressant de la table avec une grâce qui survivait malgré ses maladresses, le dragon s’appuya sur les accoudoirs de la chaise d'Opale, ignorant presque délibérément les conseils médicaux en pressant à nouveau sa main droite contre le support de la chaise tendit qu'il s'était penché en direction du médecin.
 
-        Vous êtes un véritable magicien, souffla-t-il avec un ton empreint d'étonnement.
 
Cette réaction pouvait sembler étrange, surtout venant d'un nébuleux lui-même. Cependant, il était aussi un nébuleux enclin à renier ses propres origines, agissant tel un enfant qui repoussait ses racines par honte du jugement de ses pairs différent de lui… à savoir les humains. À St Ursanne, les nébuleux étaient traités comme de simples marchandises, des êtres dont on ne se souciait guère. Il n'avait jamais vraiment exploré leurs vies, leurs dons, leurs sentiments. Après tout, qui s'inquiétait du sort des créatures semblables à des poules d’élevage ? Sauf peut-être certaines relations du passé, où il avait dû mettre fin à ces bonnes ententes pour le bien des humains. Ces pensées le hantaient parfois, avant qu'il ne se persuade d'avoir fait le bon choix. Son cœur oscillait entre la conviction et le pincement de ses propres sacrifices.
 
Aussi promptement qu'il s'était levé, Ezekiel recula, glissant de sa main gauche pour ajuster une mèche noire qui lui barrait son propre visage. Opale prit la parole, laissant une lueur d'interrogation sur le visage du dragon, incertain de la direction que prenait la conversation.
 
-        Je suis… étrange, vous trouvez ?
 
Un amusement subtil se dessinait sur le visage d'Opale alors qu'il tapotait l'épaule d'Ezekiel, incitant ce dernier à croiser les bras avec un air accusateur.
 
-        Ah, mais vous vous moquez encore de moi, je vous vois bien.
 
Opale semblait tirer un certain plaisir de la situation, tandis qu'Ezekiel se retrouvait déjà à être perçu comme une créature étrange dès sa première rencontre en dehors des salles de cours remplies d'élèves plus ou moins concentrés. Il envisagea brièvement la possibilité de filtrer les mauvais élèves en les noyant, ne conservant que ceux intéressés par la philosophie, la science ou l'histoire.
 
Quelle brillante idée….
 
Pourtant, ne serait-ce pas presque trop lumineux qu'une demi-classe finisse par s'évanouir dans l'oubli ? Qu'attendaient ses maîtres en l'envoyant ici ? Qu'il orchestre la disparition d'une centaine d'âmes sans que personne ne lève le sourcil d'une suspicion troublante ?! Et quelles étaient leurs espérances ? Imaginaient-ils qu'il invoquerait un tsunami pour engloutir toute une île ?! Non, même pas en rêve. Trop d'humains ici, et certains nébuleux avaient sûrement le pouvoir de contrecarrer de tels desseins. Il devait se renseigner.
 
Pourtant, dans l'instant de la bienveillance apparente d'Opale, semblait prêt à lui faciliter la tâche, celui-ci lui proposa ni plus ni moins de se retrouver pour échanger.
 
-        Voilà qui ressemble curieusement à un rencard, plaisanta-t-il, sans pour autant laisser transparaître un sourire.
 
Il restait difficile de saisir si Ezekiel était sérieux ou s'il se divertissait de la situation. Son visage ne trahissait que peu sa malice, même si, bien entendu, il s'agissait d'une plaisanterie. L'autre avait l'audace de tirer un amusement de la situation, aussi ! Peu importait, de toute façon, il n'avait aucun intérêt pour lui, ni pour quiconque. Ses prétendues relations amicales s'étaient toujours révélées être des échecs retentissants, certaines lui infligeant les pires blessures, bien au-delà de cette satanée plaie physique. Mais Opale ne pouvait probablement pas panser les cœurs brisés. Peu lui importait, il n'avait nullement l'intention de lui devenir redevable.
 
-        Ce n'est décidément pas vous qui avez besoin d’être guidé, alalah.
 
Pas de guide pour le malvoyant, mais pour celui qui venait de débarquer sans savoir dans quel pétrin il s'était ainsi fourré. Surtout que la communication avec ses maîtres s’avérait compliquée. Il était presque certain qu'envoyer des lettres à l’extérieur était fortement intercepté avant d’être distribué sur les côtes voisines.

-        Oh. Eh bien oui, pourquoi pas. Je me réjouis d’avance de découvrir ce que vous pourriez bien m’apprendre sur cette île. Et sur vous aussi ?
KoalaVolant
Ven 9 Fév 2024 - 11:26
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Opale Caladrius
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Une tension coexistait, malgré tout. Opale la sentait flotter dans l’air, comme une rumeur lointaine. Il n’avait pas peur, mais Ezekiel avait ce petit quelque chose d’inquiétant. Peut-être dans la manière qu’il avait de le fixer. Son ventre s’était serré le temps d’un instant lorsqu’il s’était retrouvé prisonnier du fauteuil, entre son corps et le sien et sa main blessée serrée sur l’accoudoir. Il n’avait pas plus fuir ses yeux, qu’il distinguait presque à présent. S’il y avait bien une chose qu’Opale haïssait, c’était se sentir coincé. Le souffle court, il s’était rapidement redressé pour dissiper le sentiment, écoutant le professeur d’une oreille en rangeant son matériel.

S’était-il moqué de lui ? Sans doute un peu. Des simples mots d’esprits pour détendre l’atmosphère. Mais la sincérité innocente dans sa réponse le détendit un peu. Oui, il était étrange. Qui ne l’était pas sur cette île ? Parfois, il était même épuisant de composer avec les personnalités de chacun. Et toutes ces croix portées, trainées en chemin, de lourds fardeaux pour tous. Les peurs, les particularités, les traumatismes, quand on était seul médecin d’un tel endroit, il fallait savoir prendre de la distance. Opale savait qu’il avait manqué de prudence ce soir, c’était bien l’un de ses grands défauts. La curiosité l’avait souvent amenée à se brûler les ailes bien trop vite, papillon blanc à la lueur d’une flamme. 
Ezekiel semblait si… Perdu. 

Il y avait quelque chose de sombre, mais aussi profondément touchant dans sa manière de se comporter. Opale persisterait alors, il voulait lui apporter un peu d’aide. Il ne prétendait pas être un maître des clés, mais il vivait ici depuis assez d’années pour savoir ce qu’il fallait faire, ne pas faire, comprendre ou ignorer. L’infirmier, en train de soigneusement nettoyer son scalpel dans le lavabo sursauta en entendant Ezekiel parler d’un « rencard ». Sous le geste, la lame glissa contre l’un de ses doigts et il poussa une petite exclamation en le portant à sa bouche, le cœur battant.

Il l’avait surpris. Un coup il jouait les innocents, comme s’il ne connaissait pas vraiment comment cela marchait, une interaction « normale ». Puis la minute d’après, il soufflait des paroles aussi à l’aise qu’un poisson dans l’eau. Mais Opale n’avait pas envie de se laisser déstabiliser pour si peu alors il se retourna vers lui en le jaugeant en silence.

-Prenez plutôt cela comme une main tendue, cher Ezekiel.

Il ne le laisserait pas jouer avec lui. Pas comme ça, pas encore. Il rinça précautionneusement son doigt et fit quelques pas pour se défaire de sa blouse, se retrouvant vêtu d’un attirail simple. Il enfila son manteau, éteint la lumière et marcha prudemment jusqu’à la sortie en invitant l’enseignant à le suivre. Mais bien vite, il ralentit, posant une main sur un mur avec un sourire maladroit.

-Pardonnez ma demande, mais puis-je prendre votre bras le temps d’arriver à la sortie ? J’ai démarré mon poste ici quelques jours avant vous et je ne connais pas bien l’intérieur du cloître. Alors j’ai de très très grandes chances de me retrouver par terre.

C’était embêtant de demander ça a un parfait inconnu. D’autres sauraient qu’il s’agissait d’une routine et qu’il était arrivé à presque tous de guider au moins une fois Opale qui décidemment, ne pensait jamais à prendre sa canne. Après tout, vu l’aisance avec laquelle il se déplaçait la plupart du temps, son handicap se faisait parfois oublier.

-Il paraît que c’est hanté ici, vous croyez aux spectres ?
 
S’amusa-t-il en tournant la tête en direction d’un corridor obscur, vague sourire aux lèvres. Les longues galeries en pierre froides résonnaient constamment de multiples petits bruits, courants d’airs glacés et rumeurs lointaines. Quelques torches brûlaient, solitaires, le long des murs. Opale était un être sincère, pas du genre à faire des apparences. Et il ne mentirait pas, cet endroit le faisait bien souvent frissonner, il était bien content d'être accompagné, même d'un aussi étrange personnage. Son épaule se colla un peu à la sienne alors qu'il se rapprochait, fixant un point vague et invisible dans le lointain. 


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Sam 10 Fév 2024 - 1:26
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Ezekiel Oldenbourg
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Les intrications sociales formaient un labyrinthe difficile, exigeant une adaptation constante, une compréhension, une réactivité... Au sein du village, l'existence était plus aisée. Il incarnait l'oreille bienveillante, prête à accueillir les confidences les plus intimes de chacun. Les villageois lui accordaient une confiance aveugle, déversant sans hésitation le fardeau de leurs vies sur le dragon. Il était devenu un symbole de protection, une sorte de divinité à laquelle on pouvait se confier. Peu de créatures pouvaient se targuer d'atteindre un âge aussi vénérable. Non pas en raison d'une longévité exceptionnelle, mais du fait que bien des êtres décédaient avant d'atteindre la maturité. Que ce soit à cause d'accidents, de catastrophes, ou simplement aux griffes de prédateurs. Au sommet de cette hiérarchie prédatrice, les nébuleux régnaient en maîtres, s'entre-dévorant. projetant d'anéantir la race humaine, dont la force résidait davantage dans le nombre que dans la puissance brute.

 
Cependant, c'était précisément pour cette raison qu'ils se trouvaient dans le besoin d'individus tels qu'Ezekiel. Car le dragon incarnait, par-dessus tout, une imposante machine de guerre, sans artifices ni équivoques. Il était ainsi à l'origine de nombreuses tragédies océaniques, parmi lesquelles le tsunami dévastateur de l'archipel Ryūkyū en 1771, engloutissant les existences de plus de 13 000 âmes. D'autres désastres similaires persistaient dans sa mémoire, même s'ils semblaient se voiler de l'oubli, surgissant surtout lorsqu'il perdait la maîtrise de ses émotions. Ah, la colère... c'est pourquoi il devait accorder une attention particulière à l'incident du miroir. Malgré sa longévité millénaire, il demeurait jeune au sein de son espèce, se retrouvant en situation de sous-effectif ici, confronté à ce regroupement de nébuleux.
 
Le privilège de partager l'espace avec ces êtres oscillait entre un sentiment d’écœurement et de crainte… ou actuellement de subjugation. C'était comme contempler un enfant devant une attraction extraordinaire, captivé par le don fascinant d'Opale. Ezekiel avait réagi impulsivement, presque instinctivement, et... un peu trop près. Il s'était penché, les yeux illuminés, ignorant les barrières conventionnelles et brisant toute prudence. Ce qu'il venait de voir était tout simplement incroyable ! Sa main, il ne sentait pratiquement plus la douleur ! Il fallait concéder qu'Ezekiel était plutôt douillet. À St Ursanne, personne n'avait manifesté une telle virtuosité. Était-ce donc là l'étendue des pouvoirs d'un nébuleux... et il n'en avait probablement vu qu'une parcelle infime. Oubliant qu'il était lui-même le maître de l'eau, une figure équivalente au monstre marin des récits. Sa forme complète n'avait plus été vue depuis plusieurs siècles, étant donné que ses maîtres le lui avaient interdit. Sa taille titanesque, sa force... muselées depuis longtemps et sous surveillance, craignant qu'il ne réitère sa violence.
 
Cependant, en agissant avec une telle impétuosité, il réalisa un peu tard la proximité potentiellement dangereuse pour lui, au cas où une attaque surviendrait ?! Mais également parce qu'elle transgressait les codes de la bienséance... mince ! Il resta quelques instants à le scruter avant de se retirer aussi gracieusement qu'il s'était avancé. Pour un être plutot maladroit, Ezekiel se mouvait avec l'élégance d'une époque révolue. Les contrastes qu'il incarnait avaient de quoi dérouter.
 
Peut-être, par la force des choses, parvenait-il à instiller une subtile perturbation dans l'assurance de son interlocuteur, si méticuleusement maîtrisée. Il avait détecté un léger sursaut lors de sa taquinerie. N'avait-il pas compris que c'était une plaisanterie ? Mince ! Une esquisse de sourire aurait pu dissiper le malentendu, mais Ezekiel ne savait pas sourire. Nul ne méritait une telle expression sur son visage.
 
Une main tendue, alors ? C'était presque ludique. Il ressentait comme une sorte de compassion dirigée vers lui. Peut-être parce qu'il maîtrisait imparfaitement les codes sociaux élémentaires... Les mimiques qu'il tentait d'adopter étaient de pâles reflets de ce qu'il avait pu observer... L'avait-il pris au dépourvu ? Il était tellement sérieux... tout comme lui. Mais attendez... la conversation s'annonçait particulièrement embarrassante alors !
 
-        Si vous le dites, murmura-t-il, pensif.
 
Il s'appuya finalement contre le mur, croisant avec précaution les bras, attendant qu’il se lave les mains et enfile son manteau, avant d'être cordialement invité à le suivre. Ezekiel resta en retrait, observant alors que le médecin ralentissait. Ce dernier esquissa alors un sourire maladroit... ah ! Avait-il besoin d'aide ?
 
Ezekiel ne put s'empêcher d’observer Opale en silence, prolongeant son regard peut-être un peu trop. C'était étrange, contrairement aux récits humains sur les nébuleux, il ne percevait aucune menace. Au contraire, Opale lui semblait d'une inoffensivité presque déconcertante à première vue. Il devait cependant redoubler de vigilance, conscient qu'un loup pouvait se dissimuler derrière l'apparence d'un agneau.
 
-        Héé, on dirait bien que c'est plutôt vous qui acceptez ma main tendue.
 
Un soupçon d'ironie s'était glissé dans cette remarque.
 
Même si ce n'était qu'un bras, l'image demeurait inchangée !
 
En toute innocence, Ezekiel avait contourné délicatement la créature pour se placer devant elle, se penchant pour examiner les deux yeux bleus de son interlocuteur. Il se questionnait sincèrement sur la perception qu’il pouvait avoir alors… développait-on d'autres aptitudes extraordinaires dans cet univers obscur ? Ezekiel avait capturé son propre menton entre son pouce et son index, comme s'il cherchait à réfléchir ou à s'imaginer, ne serait-ce qu'une seconde, ce que cela faisait de ne rien voir.
 
 
-        Vous ne percevez rien du tout, là ? Ou alors vous vous servez de votre odorat ? Vous devez avoir une mémoire incroyable pour vous souvenir où se trouve chaque chose.
 
Ezekiel s'éloigna ensuite du visage d'Opale pour lui offrir son bras. C'était quelque peu embarrassant... Il espérait que le handicap d'Opale était suffisamment connu pour que les autres en soient informés, car il était hors de question que quiconque puisse l'associer à un autre nébuleux, ou que l'on puisse imaginer une proximité entre eux. Une idée tout bonnement insupportable !
 
Attends... Comment ça, hanté ?! Il y avait des spectres ici ?!
 
Ezekiel se raidit, puis soupira. Ce n'était pas le moment d'avoir peur.
 
-        Bien sûr qu'ils existent. Comme n'importe quel nébuleux.
 
Et c'était précisément pour cela qu'il les craignait... tout comme n'importe quelle créature dotée de dons fantastiques. Et en plus d'un millénaire, il avait eu l'occasion de voir passer bien des choses.
 
En tout cas, cela semblait amuser le médecin. Était-il en train de le tester ? Malgré le calme apparent d'Opale, il semblait que cet endroit ne le mettait pas à l'aise. Ezekiel releva la tête pour humer l'air. Malgré cela, il ne ressentit aucune autre présence que la leur. Ses yeux azur brillaient à la lumière des torches solitaires tandis qu'ils poursuivaient leur progression.
 

-        Vous avez peur ? Des fantômes, je veux dire. Vous ne vous sentez pas vulnérable parfois ? Face à certaines créatures... Il se tut un instant avant de... oh zut, il ne voulait pas l'avoir critiqué en le traitant de faible, notamment à cause de son handicap ! E... Enfin, je veux dire... les humains au moins, on sait à qui l'on se confronte, leurs capacités entre eux varient peu. Mais il y a autant de nébuleux que de dons et de capacités insoupçonnés, alors...
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Sam 10 Fév 2024 - 18:10
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Opale Caladrius
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Opale Caladrius

Les gens qu'on interroge

Trouvent d'eux-mêmes les bonnes réponses

Feat Kiel



Ses pas désorientés ralentirent en sentant la présence d’Ezekiel glisser devant lui comme une ombre. En l’état actuel, Opale ne voyait presque rien, seule la silhouette floue danser dans les quelques bribes brûlantes. Vision fantôme. Il sentit peser sur lui ce regard qu’il pressentait millénaire et de nouveau, ce sentiment étrange. Le caladre n’arrivait pas a comprendre d’où il venait. 

De lui ? D’Ezekiel ? Une hostilité, à peine perceptible, comme dissimulée sous des couches séculaires. Ils s’étaient arrêtés et Opale le laissa l’observer comme une pièce de musée. Qu’avait-il de si étonnant ? Ses yeux pâles étaient-ils si intriguant ? Deux lunes froides aux rythmes opalescents. Il serra le poing, se contenant de détourner le regard. Presque défiant, il leva le menton en inspirant, jusqu’à qu’enfin il se décide à lui présenter son bras. Ce n’était pas trop tôt. Qu’est-ce qui avait valu un tel examen ? Silencieux, il l’écouta le questionner. Soudainement et amèrement, le caladre se demanda s’il méritait une réponse sincère. Mais non, ce n’était pas son genre, alors il répondit simplement

-Je ne suis pas totalement aveugle, je perçois des formes, des couleurs, des… Sentiments.

Il maintenait sa tête droite, avançant d’un pas un peu plus assuré maintenant qu’Ezekiel le soutenait. Le médecin sentait la chaleur de son bras émaner contre le sien. Des sentiments. C’était certainement le bagne de son existence. Après tout, si ça n’avait pas été le cas, peut-être serait-il moins soucié des autres et d’un autre côté, serait-il seulement en vie ? Percevoir l’intention derrière le sourire, le geste sous la façade, la couche à gratter qui s’écaillait. Et plus il connaissait la personne, plus il les sentait. 
Opale se sentait tendu, mais il sourit de nouveau en sentant Ezekiel se raidir. Ce n’était pas le seul, apparemment. Il inclina la tête dans sa direction à sa réponse, ses cheveux roulèrent le long de sa tempe. Ils existaient, mais les voir, c’était autre chose. Et que l’on soit Nébuleux ou humain, voilà bien une chose face à laquelle ils étaient égaux. Le médecin resta silencieux jusqu’à qu’un léger rire perce sa poitrine et il posa une main sur sa bouche.

-Bien sûr, que j’ai peur.

Ezekiel s’était corrigé, craignant surement qu’Opale ne prenne mal sa réponse mais… Admettre sa faiblesse n’avait jamais été difficile pour lui. Il était né fragile dans un monde brutal, l’hiver, la famine, le froid lancinant qui perce les os, la mort et son odeur qu’il continuait de porter, la maladie, la peur, le sang, tout ce qu’il avait pu voir le renforçait dans sa conviction qu’être fragile n’était pas nécessairement une mauvaise chose. Et puis, il était là, pas vrai ? Bien sur, devenir aveugle avait été difficile à avaler. C’était une angoisse constante, que le voile obscur se baisse à jamais sur le théâtre de ses yeux et que tout soit fini. Alors oui, il avait peur.

-Mais un humain ou un Nébuleux, chacun aurait le pouvoir de me tuer comme de m’aimer. Si je devais craindre chaque âme qui peuplait cette planète parce qu’elle possède ce potentiel, je pense que je deviendrais fou. Alors ça ne fait pas de mal de l’admettre, j’ai peur comme un humain aurait peur d’un monstre. Ou un monstre, un humain. Même si je dois admettre que les humains me rassurent beaucoup moins.

Dit-il tout doucement, sa voix berçant ses pas et sa main qui se resserra contre la manche d’Ezekiel. Un sursaut le secoua lorsqu’un bruit sourd se fit entendre, provenant de l’une des salles de cours. L’écho dura quelques instants, se répercutant sur les murs de pierre.

-Qu’est-ce que… ? Vous avez entendu ?

Murmura-t-il, blême autant que sa peau pouvait le lui permettre. Un léger instant flotta et il cilla avant de pouffer, les pommettes rougies. 

-Oh mon dieu, regardez-nous. De vrais gamins. Vous n’êtes pas jeune pourtant vous non plus, je me trompe ? 

Ils n'avaient plus bougés cependant, comme figés dans l'attente que quelque chose se passe. 

-Je ne suis jamais allé à l'école, mais si ça avait été le cas, je me serais empressé de me cacher dans une salle de classe.

Sa voix était à peine audible alors il s'était légèrement rapproché d'Ezekiel pour lui souffler les quelques mots. 
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Sam 10 Fév 2024 - 19:33
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Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel Oldenbourg
 

Les gens qu'on interroge, pourvu qu'on les interroge bien, trouvent d'eux-mêmes les bonnes réponses. =>Socrate


Opale éveillait l'intrigue d'Ezekiel, mais à mesure qu'il le scrutait comme un objet mystérieux convoité, il sentait que sa présence pouvait provoquer une tension perceptible. Malgré leur proximité et l'apparente indifférence d'Opale à son égard, il percevait une résistance, un défi tacite dans le relèvement de sa tête. C'était comme si Opale refusait d'être ainsi intimidé, révélant un équilibre de forces en réalité nettement déséquilibré en la faveur du dragon.

Ezekiel inclina légèrement la tête, étonné, il comprenait qu'il n'avait rien à craindre du médecin. Opale, en dépit de son apparente vulnérabilité, dévoilait une perception bien plus affinée qu'il ne laissait paraître.
 
Opale s'accrocha à son bras, et Ezekiel ne put s'empêcher de ressentir une pointe de compassion. La dépendance, même momentanée, n'était pas une position aisée. Se retrouver guidé par un étranger dont les intentions primordiales étaient l'éradication d'autres nébuleux …
 
La franchise avec laquelle Opale partageait ses craintes surprit profondément Ezekiel. Qui aurait l'audace de reconnaître des faits aussi évidents et, surtout, qui aurait la capacité de mettre de côté sa fierté pour se dévoiler à un parfait inconnu ? Surtout considérant que le médecin n'avait pas cherché à interroger Ezekiel sur sa condition, ignorant sa race et ses dons. Malgré cette ignorance, Opale l'avait invité et s'accrochait à lui comme guide. Un acte que Ezekiel trouvait incompréhensible.
 
Comment avait-il pu persévérer dans l'existence jusqu'à présent ? Opale, loin de se contenter de cette interrogation, énonça avec une conviction palpable que quiconque, même un être humain ordinaire, aurait la capacité de le réduire en charpie. Ezekiel, soucieux d'acquérir chaque parcelle de ces informations cruciales, écoutait attentivement, percevant le poids de cette déclaration confirmant sans ambages que la créature, dépourvue de tout don défensif, se trouvait à sa merci.
 
Du coin de son regard scrutateur, Ezekiel détaillait Opale, plongé dans une profonde réflexion. La crainte manifeste envers les humains piquait la curiosité du dragon. Bien sûr, les humains étaient capables d'actes de violence, mais leur puissance ne pouvait rivaliser avec la force imposante des êtres tels qu'eux. Ezekiel, dont sa nature permettait de déclencher des tsunamis emportant la vie de nombreux humains, se questionnait sur les prodiges dont étaient capables d'autres êtres de leur espèce.
 
L'idée de noyer Opale ici-même germa dans son esprit. Une démarche tout à fait réalisable à l’abri des regards. Il suffirait de le plaquer contre la froideur de la pierre, et...
 
Soudain, une crispation agrippa la manche d'Ezekiel, et il sursauta simultanément avec Opale, abandonnant toute expression de vengeance sordide pour de l’inquiètude.
 
Quoi ?! QUOI ?! Entendu quoi ?!
 
La perplexité s'installa chez le nébuleux, tout aussi décontenancé. Aucun des deux ne proféra le moindre mot, dans l'attente d'un événement quelconque. Un simple son provenant d'une salle de cours, pourtant…
 
-Vous êtes tout rouge ! Le railla Ezekiel avec une malice légère. Malgré la tension éphémère née de ce qu'il croyait avoir entendu, Opale partageait visiblement le même état d'esprit. Le rire, une manifestation peut-être de nervosité s’était échappé de son interlocuteur.
 
Face à cette réaction commune, Ezekiel ne pouvait qu'acquiescer silencieusement aux mots de la créature. Deux individus figés dans une peur enfantine, éprise d'une imagination débordante. La honte ! Aucun mouvement perceptible de leur part, mais Ezekiel, malgré son apparence « assurée », maintenait tous ses sens en éveil. Hors de question cependant d'admettre ouvertement qu'il avait été brièvement ébranlé.
 
Opale s'approcha légèrement de lui, lui apprenant au passage qu’il n’avait jamais été à l’école. En l'observant attentivement, Ezekiel esquissa le portrait d'un élève modèle, discret et rêveur, celui qui aurait pu être retrouvé à la bibliothèque à la fin des cours. L'idée d'une rencontre dans des circonstances ordinaires, semblable à deux écoliers lambda, ajoutait une teinte ironique à leur condition actuelle…
 
-        Je n'ai pas pe-
 
La phrase d'Ezekiel demeura en suspens, capturée par les limbes, brisée par l'intrusion auditive d'un nouveau son inattendu. À ce moment précis, il resserra non seulement son étreinte sur le bras d'Opale, mais le broya littéralement, tout son être se tendant sous l'effet de cette perturbation. Reculant de manière impétueuse, Ezekiel entra en collision avec Opale, oubliant un peu tard qu'il était le soutien-pilier- des deux. Leur poids combiné les fit basculer, Ezekiel se retenant de ne pas s'affaisser complètement sur Opale en plaçant sa main droite contre son flanc. Cependant, cette main, bien qu’aider par les soins d’Opale, restait encore trop faible pour soutenir tout son poids. Déstabilisé, Ezekiel manqua de heurter la tête d'Opale avec la sienne, sa main gauche intervenant juste à temps pour éviter le choc. Il lui décocha alors un regard empreint de confusion.
 
Trop proche, trop cliché, c’était quoi ce cliché monumentale et ce prolongement d’embarras ?! Briser un miroir portait décidément malheur !
 
Malgré sa réaction initiale teintée de peur, Ezekiel détourna un instant le regard, comme s'il redoutait l'émergence soudaine de démons. Puis, soupirant, il se rappela.
 
Quel boulet ! Il venait de faire basculer un handicapé !
 
-        O... Opale, vous allez bien ? Je suis navré ! 

Ezekiel l'aida à se redresser, sentant un embarras croissant après avoir pratiquement agressé Opale de façon si inattendue.  

-  Oh mon Dieu, regardez, juste là ! Une créature du diable ! Ezekiel pointa avec stupeur une ombre qui s'approchait en reniflant le sol. Le "monstre" en question se figea. C'était un rat, un petit rongeur d'une taille ridicule, parvenant toutefois à faire pâlir un dragon millénaire.

Ezekiel observa l'animal avec une méfiance palpable, tandis que le rat, les percevant, fit de même, comme s'il craignait une attaque imminente. Prudemment, Ezekiel s'agenouilla, mais le rongeur décampa sans demander son reste.
 
-Je ne suis pas vieux ! Je suis dans la fleur de l'âge, s'indigna-t-il enfin, les yeux fixés sur l'endroit où la bestiole avait disparu, mais suffisamment pour nourrir quelques rancunes envers les rongeurs...
 
La peste noire, un fléau lointain dont Ezekiel gardait un souvenir amer. Les rats, vecteurs de maladies, étaient pour lui devenues des vermines capables de s'infiltrer partout.
 
Après un soupir, Ezekiel aida Opale à se relever entièrement, s'il en avait besoin. L'incident était un échec total. Opale devait déjà se douter, dès les premières secondes, que Ezekiel pouvait être angoissé par beaucoup de choses. Après cela, il n'oserait jamais avouer qu'il était un dragon. Opale allait se moquer de lui, pour l'éternité ! S’il le laissait vivre jusque là…
 
-        Je n'ai jamais fréquenté l'école non plus. J'ai suivi des cours par correspondance. Mais dois-je en conclure que vous êtes un médecin frauduleux ? Une brève œillade, un éclat malicieux dans les yeux avant de hausser les épaules en reprenant la marche, calant les mèches de ses cheveux derrière ses oreilles allongées. Je plaisante, vous êtes un magicien bien plus compétent que la plupart des individus que j'ai eu le privilège de côtoyer.
KoalaVolant
Dim 11 Fév 2024 - 12:18
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Opale Caladrius
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Opale Caladrius

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Les mots d’Ezekiel étaient restés prisonniers dans sa gorge. Tout le corps d’Opale se raidit. Y avait-il vraiment quelque chose ? Plus qu’un spectre, le médecin craignait quelqu’un, un nébuleux qu’ils devraient arrêter pour avoir trépassé le lieu. Mais c’était peu probable, il n’y avait pas de crime à Nitescence, ou du moins rien de très grave à part quelques vols à l’étalages ou des rixes perdues. 
Un cri se coinça dans le gorge du Caladre alors que la main du professeur se resserrait brutalement contre son bras. Son cœur s’accéléra dans sa poitrine et la douleur irradia jusque dans son bras, il chercha à se dégager mais Ezekiel recula au même instant et leurs deux corps entrèrent en collision. Le choc lui coupa le souffle et il se sentit basculer vers l’arrière et-… Dans l’attente de se retrouver par terre, il sentit une prise contre sa hanche.

Les yeux désespérément clos, il déglutit. Le souffle d’Ezekiel contre son visage lui fit un ouvrir un œil et dans l’obscurité de sa vision, il le devina proche. Très proche. Un ange passa. Opale avait placé une main dans son dos pour se retenir et il se demanda quand enfin, il le lâcherait. En réalité, la situation l’aurait fait rire s’il ne s’était pas rendu compte de la force de celui qui le tenait à présent et dans la position délicate dans laquelle il se trouvait.

Cette créature était… Puissante. Pas le genre de pouvoir que l'on invente. Pourtant, son corps contre le sien était fin, délicat, élégant. Fin. La force brute qui avait manqué de lui briser l’os quelques instants plus tôt semblait s’être dissipée. Et en l’état, au vu du trouble qu’il ressentait chez son partenaire, il s’attendait presque à être écrasé sur le carrelage. Mais…Non. Enfin il le redressa. Le caladre lâcha un discret soupir de soulagement, toujours aussi surpris de ce qu’il venait de leur arriver et ne parvenant pas à dire un mot. Il espérait que l’obscurité dissimule suffisamment son embarras.

L’innocence avec laquelle Ezekiel prononça ces quelques mots le fit pouffer. Une… Créature du diable ? Cette interaction l’avait pratiquement fait oublier la chose qui devait arpenter une salle de classe à l’instant même. Et lorsque les petites pattes humides sur la pierre parvinrent à ses oreilles, le sourire d’opale s’agrandit.

-Rat..? Drôle de manière d’appeler une si petite bête. Mais je vois ce que vous voulez dire, vous avez du vivre des épidémies, vous aussi.

A vrai dire… Les rats étaient à la racine même des origines du caladre. Oh, ils n’avaient rien à voir mais en premier lieu, son espèce fut priée pour sauver les nobles familles de la peste noire. Il ne pouvait pas haïr une créature responsable de son existence, pas vrai ? Il ne les avait jamais craints, après tout, les caladres n’étaient pas atteints des maux humains. Les épidémies cependant, y songer laissait encore de longs frissons couler le long de son échine. Ezekiel s’écarta un peu et Opale s’épousseta en remettant son manteau en place. Il leva les yeux au ciel en soufflant du nez en entendant sa remarque sur la fraude. En un sens, c’était vrai. Il n’avait pas le diplôme, mais il avait l’expérience, le pouvoir. Et on savait que c’était largement suffisant en ces heures sombres.

-Nous sommes deux alors, monsieur le professeur. 

Se moqua-t-il gentiment. Il savait qu’il n’avait pas commenté la chute mais il se frotta le poignet en grimaçant.

-Vous en avez, de la force.

Simple remarque, mais qui venait de placer entre eux le gouffre qui les séparait. Les yeux d’Opale semblèrent le sonder quelques instants, son visage levé vers le sien. Non, vraiment, il ne savait que penser de cet étrange individu.

-Quittons cet endroit de malheur. Après réflexion, je pense que je ne me serais pas plu, à l’école. Et puis, c'est trop tard à présent. 

Dit-il avec un ton énigmatique, attrapant sa manche puis accélérant le pas. Enfin, ils arrivèrent à l’extérieur et le vent fouetta le visage du Caladre qui s’étira, retrouvant le chemin familier. Il marchait avec prudence, mais les quelques lampadaires qui éclairaient la rue menant au centre-ville lui permettaient de percevoir suffisamment.

-A propos de tout à l’heure… Cela ne me gêne pas. La proximité, je veux dire. Et puis, vous m’avez rattrapé, pas vrai ? 

C’est que vous ne devez pas être si mauvais, songea-t-il en passant une boucle blanche derrière son oreille, les yeux rivés sur ses pieds. 


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Lun 12 Fév 2024 - 2:53
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Ezekiel Oldenbourg
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Ah, l'imprudence dans la crainte du moindre bruit, la saisie précipitée d'Opale dans une chute malencontreuse. Le pauvre, le médecin s’était retrouvé sous le poids d'Ezekiel, qui tenta de le retenir, d'abord de la main droite, puis de la gauche, frôlant presque son visage. Ezekiel ne put ignorer l'embarras qui l'envahissait en croisant le regard du nébuleux, même si celui-ci ne pouvait discerner les expressions avec précision. L'instant était embarrassant, mais Ezekiel détourna son attention vers un visiteur inattendu, un "monstre" qui n'était qu'un modeste rat, bien plus effrayé que les deux protagonistes de la scène.  Opale aurait certainement de quoi se venger, moquant peut-être Ezekiel pour leur chute maladroite. Pourtant, malgré l'apparence, le sourire d'Opale ne semblait porter aucune malveillance.
 
Et puis, vint cette compréhension tacite entre deux êtres qui avaient survécu à travers les époques, ayant été témoins de grandes tragédies. Ils partageaient ce poids de l'histoire. Ces "nuisibles", comme on les qualifiait injustement, avaient été présent bien avant l'avènement des nébuleux et des humains. L'histoire souvent oubliée ou méprisée. Les épidémies, les fléaux, tout cela teintait l'image des créatures qui cohabitaient depuis des temps immémoriaux. Et pourtant, elle dérangeait désormais l’humanité.
 
Dans l'éclairage tamisé du lieu, Ezekiel observa le rat s'éloigner, tandis qu'une pointe de nostalgie traversait son regard. L'ombre d'une époque révolue, les souvenirs d'un passé dont les leçons étaient parfois cruelles, mais qui formaient la toile de fond de leurs longues existences. Des images de villes paniquées, d'habitants chutant comme des mouches autour de lui. Les échos traumatisants mais dont les cicatrices restaient ancrées dans son esprit. Levant les yeux vers Opale, il laissa une curiosité sincère teinter son regard.

-            Vous êtes aussi capable de soigner les maladies avec vos dons ?
 
La perspective de guérir les maux, d'apaiser les souffrances avec un simple toucher, suscita l'admiration de l'intrépide Ezekiel. Il n'avait pas pleinement saisi l'étendue de ce pouvoir, mais la possibilité de soulager des affections semblait prometteuse. La pensée fit naître une mine admirative sur le visage du dragon, qui, repensant au bien-être ressenti au contact d'Opale, posa instinctivement son regard sur sa main droite.
 
Enfin, dans tous les cas, la légère pique d'Opale avait porté ses fruits, renvoyant habilement les arguments du dragon contre lui. Touché. Il n'avait pas tort. Bien qu'Ezekiel possédât la connaissance, il admettait volontiers ne pas maîtriser suffisamment la théorie pour se revendiquer un bon enseignant. Mais avant qu'il puisse esquisser la moindre réponse, Opale avait dévié la conversation, revenant sur leur chute. Ezekiel se massa délicatement l'arrière de la tête, avec une gêne légère.

-            Pas véritablement. Après un moment de réflexion, je dirais que cela dépend de votre référence. Si l'on se base sur la force humaine, alors effectivement, je suppose que je peux être considéré comme étant fort. Ou peut-être en comparaison avec vous...
 
Il avait ressenti, sous le poids partagé, la fragilité délicate d'Opale, ses courbes semblables à celles des humains. Cette proximité éphémère avait dévoilé, en un instant, qu'il aurait aisément pu briser son bras. Une information précieuse pour le cas où la créature deviendrait un jour une entrave à ses objectifs...
 
Perdu dans ses pensées, Ezekiel abaissa son regard vers Opale, qui semblait l'observer. Quelles réflexions pouvaient bien occuper son esprit ? La constatation de leur différence de forces avait-elle engendré une méfiance chez lui ? Il valait mieux qu'Ezekiel se garde de révéler sa véritable nature de dragon pour l'instant.
 
Ezekiel consentit à quitter les lieux en compagnie d'Opale, évitant ainsi qu'une crise cardiaque ne survienne chez l'un d'eux.
 
-         Il n'est jamais trop tard, quelle idée. Moi, j’aimerais beaucoup intégrer la HEP. C'est une haute  école dédiée à la pédagogie… pour enseigner aux jeunes enfants. Vous m’imaginez bien dans ce rôle ? Ah ! Je vous interdis de répondre par la négative au risque que je ne me contente pas de vous faire choir cette fois-ci !
 
Il le taquinait, assurément. En réalité, qu'aurait-il pu entreprendre de plus… briser sa nuque peut-être ? Pourquoi donc le retenir, alors qu'une minute auparavant, l'idée de s'en débarrasser avait effleuré son esprit ? Peut-être parce qu'en réalité, il ne constituait pas une menace suffisante pour encourir le risque d’être accusé, alors qu’il était enregistré dans les registres de l'infirmerie comme le dernier patient de la journée traité par Opale. Ou peut-être par un simple réflexe. En évaluant combien il avait été aisé de le faire basculer, peut-être que son instinct protecteur avait surgi. Veiller sur tout un village pendant une période aussi étendue, tout en acceptant, de se défaire des nébuleux inutiles…
 
-   Pourquoi vous ne vous seriez- vous pas plu à l’école ?La sociabilité ?  Il est vrai que les élèves peuvent être véritablement cruels entre eux. Ils ne diffèrent guère du règne animal ; il est nécessaire de savoir se faire respecter et...
 
…se faire respecter 
 
À observer Opale attentivement, chaque trait de son être évoquait une "victime aisée à martyriser". S'il avait été lui-même élève, cherchant à tourmenter l'un de ses pairs, Ezekiel n'aurait pas eu à chercher bien loin avant de le désigner d'office. En réalité, si Ezekiel avait principalement dispensé des cours par correspondance, c'était le résultat d'une tentative lointaine de le sociabiliser au sein d'une école peuplée d'humains. Sa différence s'y était rapidement fait remarquer. Les enfants auraient volontiers fait de lui un bouc émissaire, mais même une bande nombreuse de ces petites créatures humaines fragiles n'avait aucune chance face à un dragon. L'école avait alors fait les gros titres, tandis qu'un massacre s’y déroulait. Trois de ses persécuteurs avaient perdu la vie alors que les enfants n'avaient que 8 à 12 ans.
 
C'était il y avait si longtemps... Une fois de plus, sa condition avait été le sujet de lourds débats, et il n'avait plus jamais eu de contact avec une école.
 
-       Rien ne vous empêche de reprendre des études qui vous passionnent... Il n'est pas écrit "interdit aux centenaires", que je sache, souffla-t-il.
 
Finalement, ils parvinrent à l'issue tant attendue. Enfin ! Ezekiel scruta l'extérieur avec des yeux plus en accord avec la pénombre que les regards humains. Il demeura à la proximité d'Opale, silencieux, ne s'imposant pas, au cas où ce dernier aurait encore besoin de son soutien.
 
Contre toute attente, dans le silence qui s'installait, Opale revint sur leur chute « mémorable »... Comme si cela l'avait légèrement déstabilisé. De manière surprenante, il ne semblait pas dérangé par la proximité... Vraiment ? Et puis, pourquoi l'avait-il rattrapé ? Ezekiel n'avait pas non plus la réponse. Opale avait le regard fixé sur le sol.
 
Peut-être l'avait-il secouru simplement parce que... la faute de leur chute reposait sur ses épaules. Une énigme sans réponse certaine. Dans un premier temps, il haussa sobrement les épaules en silence, déclinant toute volonté de répondre. Cependant, animé par le désir de ne pas succomber à l'embarras ou de se voir réduit à la simple étiquette de "trop gentil", il se retrancha derrière une taquinerie, s'inclinant vers l'oreille d'Opale avec une pointe d'amusement manifeste.
 
-     Bien sûr. Je n'allais quand même pas laisser tomber une si charmante princesse en détresse.

Cette fois-ci, il se vit contraint de réprimer un rire, trouvant sa propre réflexion à la fois absurde et comique. L'ironie était palpable, et pourtant... il y avait une part de vérité.
 
Une princesse en détresse, ah... il espérait sincèrement que l'intéressé ne prendrait pas mal cette comparaison délibérément fantaisiste.

- Je vous embête. Excusez-moi.


KoalaVolant
Lun 12 Fév 2024 - 22:03
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Opale Caladrius
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Soigner les maladies… Cette douce interrogation avait laissé quelques pensées flotter dans l’esprit d’Opale au rythme de sa marche. Il s’était permis de ne pas y répondre, laissant patienter ce professeur trop curieux. Professeur qui n’était pas allé à l’école, donc. Il en avait, des leçons à lui donner. Sa pique lancée à propos de son évidente faiblesse physique lui avait laissée un goût amer. Était-il si fragile ? Il ne le pensait pas. Il voyait les humains, leurs comportements, leurs afflictions et leurs maux. Lui était loin de tout ça. Il vivrait longtemps, tomberait rarement malade et cicatriserait plus vite. Mais en comparaison de certains nébuleux, il était vrai qu’il devait paraître faible. Presque autant qu’un humain. 
Mais même s’il ne l’utilisait pas, il était certain d’avoir un peu plus de force qu’il n’y paraissait. 

Enfin, tout ça, ça ne lui servirait pas à grand-chose, maintenant qu’il était ici… Malgré cette pensée, il avait toujours lui un couteau habilement glissé dans une couture de sa ceinture. Une vieille habitude et un souvenir, aussi. A cette idée, il posa sa main sur sa poitrine en soupirant, écoutant Ezekiel parler de ses plans futurs. La HEP ? Une drôle d’idée, mais qui lui fit songer que le professeur ne comptait surement pas rester sur l’île, car il ne trouverait pas ça ici. Ou même des jeunes enfants… Encore marqués par de nombreux traumatismes, les couples de jeunes nébuleux ne prévoyaient pas ou n’avaient pas encore eu d’enfants. Il avait reçu les confessions de plusieurs arrivés encore hésitants. Mais pourquoi briser son rêve ? Ce n’était pas lui qui le ferait.

Le caladre lui lança un regard mauvais à sa pause un peu trop longue sur le mot « respecter ». Quoi ? Comment pensait-il qu’il était arrivé à cette haute position de l’île ? On ne devenait pas personnel du jour au lendemain. C’est qu’il commençait à l’agacer, avec son ton condescendant, ce nouveau. Son sourire était un peu plus forcé alors qu’il hochait la tête, enfonçant ses mains dans ses poches pour piquer le bout de ses doigts avec son ongle. Ils étaient dehors maintenant, cela soulageait Opale de ne plus être enfermé dans le cloître. Il n’appréciait pas cet endroit, c’était trop clos pour lui. Il s’était écarté de quelques pas soigneux d’Ezekiel, connaissant suffisamment le chemin pour ne pas avoir à se tenir.

-La sociabilité ? Oh, non. Je suis plus sociable que vous déjà, monsieur-on-se-moque-de-moi.

Souffla-t-il en haussant un sourcil avec un adorable sourire, lui jetant un regard en coin pour voir sa grande silhouette se découper dans les lueurs du soir.

-Mais je serais ravi d’assister à l’un de vos cours. Sentez vous libre de passer voir ma bibliothèque également, j’ai quelques ouvrages qui devraient vous intéresser.

Et peut-être parce qu’il l’avait assez fait attendre, il décida d’en dire un peu plus sur lui.

-Plus tôt, vous n’aviez pas tort. Je soigne effectivement les maladies, a dire vrai, c’est le cœur même de mon existence.

Créature sainte aux ailes blanches, descendre sur terre pour sauvez ces pauvres diurnes du voile de la mooort. Blabla. Blablabla. L’idée qu’il avait lancée, sur pourquoi Ezekiel l’avait rattrapé, semblait sincèrement le travailler. Pour si peu ? C’était normal, non ? A moins que ça ne le soit pas pour ce professeur décidemment très étrange. Opale avait récolté quelques indices sans même poser de questions directes, mais la créature qu’il était restait pour le moment un mystère. Mais c’était plus intéressant de faire des devinettes plutôt que de demander directement. Et puis, vient LA remarque. Une. Charmante. Princesse ?!

Le cœur d’Opale s’était arrêté une seconde en sentant la voix si proche de son oreille. Il faillit bondir, pas parce que le terme l’avait surpris mais parce que, bon sang, on ne faisait pas ça à un aveugle ?! Il cilla, posant une main sur son oreille en tournant lentement la tête dans sa direction. Il ralentit le pas et attrapa vivement sa main pour le tirer vers lui.

-Hé.


Un petit silence s’installa et il le dévisagea, de très près. Non, décidemment, il ne voyait rien. Il n’avait aucune idée d’à quoi ressemblait son visage au-delà de ce voile flou et brouillé. Ni de ce qu'il se passait dans sa tête. 

-Petit conseil social, cher Ezekiel. Plaisanterie ou non, si vous continuez de me parler ainsi, je risque rapidement de me méprendre, et vous ne le souhaitez pas réellement. Je me trompe ?

Il avait levé le menton, inclinant légèrement la tête, l’expression très sérieuse. Opale n’aimait pas qu’on joue avec lui ou ses sentiments. Il reconnaissait assez ce pattern, car il lui était arrivé trop de fois. Jeune noblion naïf aux aubes sanglantes s’était fait prendre dans le filet de huguenots qui lui promettaient fortune et félicité de la même manière. Une voix doucereuse, soufflée à l’oreille comme du miel, la chaleur d’un regard contre sa nuque, non, décidemment, il détestait quand on jouait au faux. Et Ezekiel avait quelque chose de si… Artificiel. Il devait en cacher, des secrets, pour être si beau parleur tout en ne sachant pas ce que la taquinerie était. C’était mauvais, mais ça le rendait curieux. Au même moment, une voix retentie dans la rue.

-MONSIEUR Caladrius ! Monsieur !

Opale ne sursauta pas, se retournant simplement en lâchant Ezekiel. Une jeune femme s’avança rapidement jusqu’à eux, les larmes aux yeux.

-Oh-oh pardon, j’interromps votre… Enfin... E-excusez-moi, je suis monté au manoir mais vous… vous n’y étiez pas, alors…

-Calmez-vous, respirez. Racontez-moi.

Le médecin avait rapidement repris son rôle habituel, se glissant à ses côtés en posant une main sur la sienne, puis sur son épaule en frottant doucement, inspirant calmement pour apporter un peu d’apaisement à l’habitante.

-C’est mon... mon frère… Il était malade ce matin, alors il a pris un jour de repos, mais sa fièvre ne cesse d’empirer. Je ne sais plus quoi faire, il a très mal. Oh, s’il vous plait, Opale.

Il parut réfléchir quelques instants, se tournant vers Ezekiel sans vraiment le voir.

-Vous êtes les Milriens, c’est ça ? Ecoutez, je monte chercher mes affaires et j’arrive. Allez-y, ne le laissez pas sans surveillance.

La jeune nébuleuse hocha la tête en reniflant et s’éloigna comme elle était venue. Opale poussa un petit soupir et esquissa un sourire.


-Bon, le devoir m’appelle ! Je vous dois toujours un verre, laissez-moi un mot à l’infirmerie quand vous le désirerez. Bonne soirée, Ezekiel, que vos blessures se soignent. Et évitez de taper dans un miroir, à l’avenir ! Ça porte malheur !

Il avait fini sa phrase dans un rire, s’éloignant rapidement avec un signe de main dans les rues obscures. 


notes
Mer 14 Fév 2024 - 0:59
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Ezekiel Oldenbourg
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Ezekiel Oldenbourg
 

Les gens qu'on interroge, pourvu qu'on les interroge bien, trouvent d'eux-mêmes les bonnes réponses. =>Socrate




L'absence de réponse immédiate d’Opale à sa question n'excita qu'encore davantage la curiosité d'Ezekiel. Peut-être avait-il formulé une interrogation jugée trop intrusive, mais à quoi risquait-il vraiment ? Au pire, l'absence de réponse serait une mince péripétie. Au mieux, cela pourrait lui offrir des informations supplémentaires, permettant ainsi une esquisse plus approfondie de ce personnage énigmatique. Se présentait-il comme un simple acteur de circonstance, ou devait-il considérer cette rencontre comme un détail fortuit dans la trame de son existence ? L'étrange curiosité qui l'habitait se renforçait, insinuant une envie irrésistible de garder un œil sur lui.
 
Les répliques semblaient réellement agacer Opale, le témoignage flagrant d'une sous-estimation de la part du médecin. Une erreur dont il n'était pas encore conscient, mais qui donnait à Ezekiel l'opportunité de le jauger, de tester les limites de sa résilience, de sonder le terrain. Si la force d’Opale ne résidait pas clairement dans une puissance physique manifeste, elle émergeait ailleurs, dans un charisme mystérieux, une présence à la fois intrigante et déroutante.
 
Cependant, peut-être que son propre isolement prolongé avait façonné cette lacune sociale. Ses expériences variées avec des paysans, des autochtones, voire même des touristes chinois, qu'il préférait esquiver pour éviter de devenir le sujet d'une séance photo intrinsèque au vaste panorama, ne lui avaient pas fourni toutes les clés des subtilités sociales. Ses apprentissages, souvent improvisés et parfois douloureux, avaient été une quête continue, culminant lors de sa période à St Ursanne. Mais ajoutez à cela les caprices du temps, les bouleversements culturels, les métamorphoses de la mode, les mutations des croyances et pratiques, et les évolutions linguistiques, et vous obtiendrez un kaléidoscope complexe de normes sociales qui parfois, le laissait dans l'étrangeté de son propre temps.
 
La pique d’Opale sur la sociabilité probablement moindre d'Ezekiel à la sienne semblait, à bien des égards, justifiée. Pourtant, malgré sa manière d'être, il percevait chez Opale une certaine distance, une réserve peut-être interprétée à tort, ou peut-être une méfiance sincère à son égard. Le médecin, lui offrit alors un sourire sourire, le faisant détourner immédiatement le regard. Une provocation tacite s'était instaurée, et même s'il rendait la pareille, il était plus difficile à encaisser lorsqu'il n'était pas le meneur du jeu.
 
-        Je suis très sociable avec les gens que j’aime bien, bougonna le dragon.
 
Cela évoquait approximativement personne, se moquait-il intérieurement. Certes, il avait des affinités avec certains humains du village, et même par le passé, des liens avec des créatures qu'il s'interdisait catégoriquement de repenser, de peur d'accorder une importance démesurée à des souvenirs qu'il préférait enterrer.
 
Opale, changeant subtilement de ton, exprima ensuite son potentiel désir d'assister à l'un de ses cours. Était-ce pour le surveiller, par simple curiosité, ou peut-être les deux ? Ezekiel, bien que sans aucun document officiel, avait effectué quelques remplacements dans les classes primaires, appréciant particulièrement ces interactions. Avec des personnes adultes ou presque, il avait conscience qu'il devait adapter son approche. Il avait également compris que son âge suscitait la fascination chez les jeunes étudiants. Bien des créatures pouvaient vivre longtemps, mais peu avaient survécu à l'acharnement de leurs semblables, à celui des humains, ou simplement aux maladies et aux aléas de la vie dans un monde particulièrement rude à l'époque.
 
En histoire, Ezekiel insufflait ses propres expériences et rencontres, parfois avec des figures marquantes du passé. Il se demandait, non sans une pointe de scepticisme, s'il avait été contraint de collaborer avec ces individus remarquables, ou s'il avait délibérément choisi cette voie. La nature de cette contrainte demeurait floue, et ces réflexions tourbillonnaient dans son esprit comme des feuilles emportées par le vent.
 
-        J'y songerai alors. Je suis toujours enchanté de m'enrichir intellectuellement, et venez assistez à mes cours quand le coeur vous en dit. répondit-il.
 
Cette réponse temporairement éclipsa la question initiale d'Ezekiel. Cependant, la réponse « redoutée » émergea finalement, et elle ne portait aucune teinte optimiste. Une créature dotée du pouvoir de guérir toute blessure ou maladie suscitait autant d'admiration que d'inquiétude. Les frontières de ce pouvoir restaient floues, alimentant le mystère qui entourait Opale. Son choix de débuter le traitement de manière plus conventionnelle suggérait l'existence de limites à ce don prodigieux. Cela souleva une autre interrogation dans l'esprit d'Ezekiel : naissait-on nécessairement aveugle dans l'espèce à laquelle appartenait Opale ? Ou était-ce un parfait hasard ?
 
"Le cœur même de mon existence » hm…
 
À force de jouer avec les limites de son pouvoir, peut-être avait-il fini par les surpasser. Lorsqu'Ezekiel s'approcha et murmura quelques mots insolents, Opale réagit de manière intense. Il tourna lentement son regard vers lui, mais avant qu'une réplique ne puisse être énoncée, le médecin ralentit, attirant à lui le dragon et le déséquilibrant brièvement. Une exclamation s'échappa, exprimant une préoccupation sincère face à l'effet de cette action inattendue.

Les prunelles d'Ezekiel s'élargirent, capturées par la perplexité alors que les avertissements mystérieux d'Opale semblaient glisser sur lui comme une plume insaisissable. Si l'idée qu'il ait pu offenser involontairement Opale se présentait, il ne parvenait cependant pas à cerner la source de cette préoccupation. Les mots de la créature semblaient flotter dans l'air, créant un voile de confusion autour de l'instant.
 
-Je ne vous suis pas, Opale, confessa-t-il, révélant la sincérité de son ignorance. Peut-être avait-il traversé une frontière invisible, s'attachant trop familièrement au nébuleux qu'il connaissait finalement que depuis une heure.
 
"Parlez ainsi," qu’est ce que cela pouvait bien signifier ?
 
-        Je tâcherai de cesser de vous taquiner, même si vous me le rendez bien. Je m'excuse si je vous ai mis mal à l'aise, Opale, exprima Ezekiel, ajustant humblement son ton.
 
Le silence fut momentanément rompu par l'arrivée précipitée d'une femme paniquée, suscitant une douce transition dans l'atmosphère. Opale, d'une douceur qui ne le surprenait que peu, libéra la main d'Ezekiel pour se confronter à cette nouvelle situation. La femme expliqua les maux de son frère malade. Le dragon, perceptif, comprit que cela marquait la conclusion de leur rencontre. Ezekiel, reconnaissant peut-être que passer trop de temps avec un nébuleux n'était pas bénéfique pour sa santé.
 
Une autre occasion pour le verre, songea Ezekiel en inclinant légèrement la tête. Un léger grognement intérieur témoignait de son ressenti face à la dernière remarque d'Opale. Touché. Bien sûr qu'il connaissait les superstitions entourant les malheurs encourus. Bon sang, pensa-t-il, le sourire taquin d'Opale résonnant encore dans son esprit alors qu'il s'éloignait.
 
-        Une autre fois pour le verre, donc. Soyez prudent en chemin, Opale.
 
Ezekiel détourna son regard après avoir observé Opale s'éloigner pour s'occuper de la patiente. L'idée de se débarrasser de cette intrusion imprévue germa dans son esprit. Il avait enregistré son visage et son odeur dans son répertoire olfactif, et elle n'aurait plus qu'à regretter d'avoir osé troubler sa soirée pour une simple fièvre.
 
Finalement il regagna son chez-lui, animé par une hâte palpable de retrouver son livre posé délicatement sur sa table de chevet.
 

KoalaVolant
Jeu 15 Fév 2024 - 21:26
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